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Les réfugiés syriens démunis face à une importante vague de froid


LA CROIX

Les réfugiés syriens démunis face à une importante vague de froid

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Syrie, la fin du « ni-ni »

L’incontournable Bachar Al Assad

En quatre ans, devant la force des armes et des haines, quatre millions d’hommes, de femmes et d’enfants ont quitté la Syrie pour des camps, plus ou moins grands, des appartements jordaniens ou libanais, plus ou moins salubres.

Chez eux, en Syrie, ils vivaient des existences souvent heureuses, construites autour des métiers de la terre ou de la ville. Ils bâtissaient leur maison, conduisaient leur voiture, élevaient leurs enfants.

Ils savaient aussi qu’il ne fallait pas trop discuter sous la férule du régime de Damas. Depuis que leur pays a commencé à s’embraser, il y a tout juste quatre ans, ils ont fui le feu des armes, en partant de l’autre côté des frontières.

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Une ville de bâches et de plastique

Ici, à Al Zaatari, ils sont 82 000 à peupler une nouvelle ville faite de bâches et de plastique, dans un désert de caillasses, à une heure et demie de route au nord d’Amman, la capitale du royaume jordanien.

Des tentes et des caravanes blanches, le tout estampillé ONU. Des allées droites, faites de terre et de boue. Un ciel bas qui annonce la neige de cette fin de février. C’est un camp où l’on ne parle pas trop de l’avenir, pas trop non plus du passé. Chaque famille syrienne qui arrive commence par habiter une tente pour, après quelques mois, avoir droit à une caravane.

On rend visite à la famille d’Ahmed. Il a 14 ans, et son père décide de sa vie. Le matin, il porte les provisions achetées par les clients au supermarché du camp avec leurs bons délivrés par le Programme alimentaire mondial. Cela lui permet de rapporter l’équivalent d’un euro par matin à sa caravane. L’après-midi, il apprend la lutte. « Je me sens brave quand je lutte », résume-t-il, en plissant ses yeux clairs.
Sous une grande tente, un club de lutte

Ils sont sept dans la caravane aux murs de formica imitation bois clair, son père accroupi sur une couverture de laine siglée « Don du royaume saoudien », sa mère qui sert le thé et ses quatre frères et sœurs. Un poêle au gaz tente de combattre le froid. Une grande calligraphie écrite au feutre sur le formica affirme?: « Je rends grâce au Prophète. »

La mère d’Ahmed téléphone tous les jours à sa famille restée de l’autre côté de la frontière. Elle prend des nouvelles de sa maison, gardée par son frère et sa mère. Comme la majorité des habitants du camp, elle vient de la province de Deraa, une région agricole limitrophe de la Jordanie.

> Retrouvez notre dossier spécial sur la Syrie

Le tatami du club de lutte d’Ahmed, sponsorisé par l’Unicef, se trouve sous une grande tente. Ils sont une cinquantaine à être entraînés par un champion syrien. Il a dû, lui aussi, quitter son pays. « Ici, on remplace l’énergie en trop que ces jeunes veulent exprimer par de l’espoir, en les entraînant », explique le champion Samir, en surveillant le combat entre deux élèves.
« Personne ne peut oublier sa maison »

Plus loin, à quelques centaines de caravanes de là, des filles s’exercent à un autre art martial. Leur père a trouvé un emploi de gardien dans le club de taekwondo, financé par la coopération sud-coréenne. « Je remercie chaque jour M. Lee, le manager du club », explique Rim, la mère des quatre filles, âgées d’une dizaine d’années.

Elles exécutent pour les visiteurs les figures apprises par M. Lee. Rim explique?: « Si nous revenons en Syrie, elles pourront ouvrir un club de gymnastique et de taekwondo. » Rim, 38 ans, longue robe noire constellée de brillants, sert le thé. « Personne ne peut oublier sa maison », résume-t-elle.

Dans ce camp de pierres, de glaise et de toiles plastifiées, Samir serait, lui, presque tenté d’oublier d’où il vient. Un turban sur la tête, il pétrit la pâte pour en faire du pain, à côté d’un four circulaire qui réchauffe la boulangerie ouverte sur « les Champs-Élysées » du camp, une allée un peu plus large que les autres.
15000 enfants scolarisés

Ici, un hôpital militaire marocain a remplacé celui installé, à l’origine, par les Français. Samir fait de belles affaires et ne pense pas à repartir en Syrie. « Tous les deux mois, ils disent que Bachar Al Assad va partir et il ne part pas. Alors, ma vie est ici. »

À Al Zaatari, on étudie aussi. Quinze mille enfants syriens sont scolarisés. Tôt le matin, pour les filles. Elles sortent à 11 heures, dans une file ordonnée de têtes voilées de blanc, pour les plus grandes. Elles longent les tentes des écoles, pour laisser la place aux garçons.

On retrouve le même ordre à Irbid, dans l’une des écoles jordaniennes qui accueillent les élèves syriens. Ce matin-là, les filles sont en rang pour saluer le drapeau jordanien, hissé dans le froid neigeux. Ces jeunes Syriennes chantent à tue-tête l’hymne à la gloire du roi Abdallah pour accompagner la musique crachée par un haut-parleur. La directrice, sanglée dans son long manteau vert amande, lit une sourate.

On monte à l’étage. Le directeur – fine moustache, cravate et manteau de ministre – fait visiter ses classes. Chacune des élèves voilées se lève. Dans un mouvement démocratique, il demande aux élèves d’exprimer leurs doléances. Elles le font bien volontiers. L’une demande à pouvoir passer de la section scientifique à la section littéraire. L’autre fait remarquer?: « Nous avons un problème avec le chauffage central. » Ces filles prennent leur vie au sérieux. Comme leurs parents.
Les aides internationales se tarissent

Ici, à Irbid, les réfugiés syriens ont choisi de vivre en ville, en louant des appartements. L’avantage est d’être plus proche d’un éventuel travail. L’inconvénient est de dépenser l’équivalent de 120 € en loyer.

Amir a fait ce choix. Il est venu ici parce que l’un de ses cousins y avait un emploi. Il lui fournit, de temps en temps, du travail dans la construction. Amir vient de Homs, sa maison a été détruite, il ne tient pas à parler de ce qu’il a vu là-bas. Malgré cela, il y a un an, il a envisagé de repartir en Syrie, confie-t-il, assis sur l’un des matelas de la pièce. Sa femme, debout, confirme. Ils ont décidé ensemble de ne pas faire prendre ce risque à leurs cinq enfants.

Même si l’aide de l’ONU passe tout entière dans leur loyer. Même s’ils constatent que les aides internationales se tarissent. « La Caritas, le Croissant-Rouge, le Programme alimentaire mondial ont arrêté leurs aides », livre Amir.

Les donateurs se lassent. Les hôtes aussi. Mohamed, un étudiant d’Irbid, estime que « les loyers ont monté avec l’arrivée des Syriens qui reçoivent des aides internationales. Il faudrait qu’ils restent dans les camps plutôt que de venir en ville ».

> À lire ?: Appel des humanitaires pour l’accueil des réfugiés syriens
Equilibre fragile au Liban

Au Liban, autre terre d’asile pour les Syriens, c’est le même sentiment qui est partagé par beaucoup. À la puissance dix. Le Liban tente de se remettre de décennies de guerre civile, d’une colonisation de fait des Syriens, justement. Les quatre millions de Libanais craignent que le million et demi de réfugiés syriens compromette leur fragile équilibre. Ils ont toléré la création de camps informels d’une centaine de réfugiés chacun.

Autour de Tripoli, on peut visiter l’un de ces camps, installé sur un terrain loué par un négociant en charbon libanais, à deux pas d’une voie rapide. Naguère, le négociant exportait vers la Syrie. Maintenant, le pays détruit, il est devenu marchand de sommeil. Il fait payer aux réfugiés l’équivalent de 80 € par mois pour une famille.

Les loyers sont perçus par le chef du village des bâches, un ancien berger de la région de Homs, qui se paye en prenant un pourcentage. Il est l’intermédiaire des réfugiés avec le propriétaire, les ONG et les autorités. C’est lui qui, ce matin-là, s’indigne auprès de l’ONG libanaise Beyond parce que l’une des femmes du village a dû aller jusqu’à Beyrouth afin de trouver une couveuse pour son enfant né prématuré. Il le fait dans un fracas de toiles en plastique qui, secouées par le vent, protègent de la neige.
travailleurs agricoles

À côté, une enseignante, réfugiée syrienne elle aussi, fait la classe à huit élèves, filles et garçons. « Il a fallu beaucoup parler avec les parents pour les convaincre d’avoir une classe mixte. Mais on y est arrivé. »

Sur l’une des parois en PVC sont affichées des feuilles de papier avec les mois, les jours et quelques formules de politesse en langue française. Cette langue est l’une des difficultés des enfants syriens quand ils arrivent à intégrer le système éducatif libanais. « J’ai commencé à aller à l’école libanaise, mais les cours scientifiques sont dispensés en français au Liban. Je ne pouvais pas suivre », explique Omar.

Pourtant, pour ces Syriens, le Liban n’est vraiment pas l’étranger. Avant la guerre, Kaddour venait là tous les étés. « Mon père travaillait comme ouvrier agricole pour les récoltes de pommes de terre. » Cinq cent mille travailleurs de son pays s’y rendaient régulièrement.
frictions avec les travailleurs libanais

« J’ai des amis libanais. Je suis, ici, avec ma mère et mon frère. » Kaddour estime qu’il y fera sa vie maintenant, s’il arrive à s’extraire de ce campement bruyant. Pour ses projets, il résume?: « Je préfère seulement vivre. Et en plus, si cela est possible, avoir une femme. Et une voiture, aussi. »

À Tripoli, dans leur village de tentes, nombreux sont les hommes qui travaillent à récolter les citrons ou à bâtir des immeubles vers Beyrouth. Cela ne va pas sans frictions avec la main-d’œuvre libanaise. Les Syriens travaillent pour 8 € par jour, non déclarés. Alors, depuis quelques mois, le gouvernement libanais multiplie les réglementations pour rendre plus difficile l’accès à l’emploi pour cette main-d’œuvre bon marché. Les réfugiés en sont conscients. Ils doivent maintenant s’engager à ne pas travailler pour obtenir le renouvellement de leur permis de séjour.

Chacun ici, Libanais comme Syrien, réalise que cette cohabitation devient difficile. Ce réfugié, au détour d’une phrase, après que sa femme a servi le thé, résume sous sa tente agitée par le vent froid?: « C’est insupportable de vivre séparé de ses voisins par une seule bâche. » À Irbid, Amir, un autre de ces chefs de famille, héros déchus, incapables de faire rêver leurs enfants et leur femme, avait résumé?: « Nous nous détestons. »
Pierre COCHEZ, En JORDANIE et au LIBAN
Les réfugiés syriens démunis face à une importante vague de froid
13/3/15 – 17 H 56

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