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Lettre ouverte aux «défenseurs des droits de l’homme» à propos d’Alep


réaction de Do, un ami français, à la chronique de Kamel Daoud sur bachar el Assad et Alep (2)

Aujourd’hui à 14h56
Je vous transfère une réaction de mon ami J. Bricmont (Physicien belge, auteur de « L’impérialisme humanitaire » un livre majeur sur les nouveaux travestissements idéologiques de l’impérialisme.) sur la chronique de Daoud à propos d’Alep et d’El Assad. Il s’agit d’un texte publié sur RT mais d’une pertinence sans défaut à propos des pleurnicheries de K. Daoud. Vous avez le lien je rajoute une copie de l’article.

Jean Bricmont
Date : 1 janvier 2017
Re: réaction de Do, un ami français, à la chronique de Kamel Daoud sur bachar el Assad et Alep

Merci Mohamed et meilleurs voeux

Ma réaction : https://francais. rt.com/opinions/31480-lettre- ouverte-defenseurs-droits- homme-alep


29 déc. 2016
Lettre ouverte aux «défenseurs des droits de l’homme» à propos d’Alep© Khalil Ashawi Source: Reuters
Alep, Syrie, décembre 2016

Des «tartuffes», des «hypocrites», des «salauds»… L’essayiste belge Jean Bricmont ne mâche pas ses mots, en s’indignant des intérêts réels de ceux qui prétendent défendre les droits de l’homme en Syrie.

Tout d’abord, ceci n’est pas une attaque contre les droits de l’homme, comme idéal à atteindre, et le titre complet de l’article devrait être: «Lettre ouverte à ceux qui invoquent sélectivement les droits de l’homme pour justifier la politique d’ingérence des puissances occidentales dans les affaires intérieures des autres pays.»

En effet, la seule question qui mérite d’être discutée à propos de l’affaire syrienne, ce n’est pas la situation sur le terrain (qui est sans doute compliquée), mais la légitimité de la politique d’ingérence des États-Unis et de leurs «alliés», c’est-à-dire des Européens, de la Turquie et des États du Golfe, dans ce pays.

Le principe de non ingérence rend illégal tout ce que font les États-Unis un peu partout dans le monde

Depuis des décennies, l’idée de base du droit international, à savoir l’égale souveraineté des États et la non ingérence d’un État dans les affaires intérieures d’un autre a été systématiquement battue en brèche, au point d’être pratiquement oubliée, par les partisans du «droit d’ingérence humanitaire» (voir «Massacres à Alep : lettre à un camarade qui s’obstine à justifier l’injustifiable» de Julien Salingue, qui ne mentionne nulle part le droit international, comme exemple frappant de cet oubli dans la «gauche radicale». Salingue reproche en fait aux Occidentaux de ne pas avoir fourni plus d’armes aux rebelles c’est-à-dire de ne pas avoir violé ce droit plus encore qu’ils ne l’ont fait).

Le principe de non ingérence rend illégal tout ce que font les États-Unis un peu partout dans le monde: pas seulement les invasions «préventives», mais aussi les achats d’élections, les armements de rebelles, ou les sanctions et embargos unilatéraux.

Il faut peut-être rappeler les raisons sur lesquelles se fondent les principes du droit international. Tout d’abord, Il y a la leçon tirée de la Seconde Guerre mondiale. C’est l’usage par l’Allemagne de la politique des minorités en Tchécoslovaquie et en Pologne qui a été à l’origine de la guerre, politique qui a encore été amplifiée lors de l’invasion de l’Union soviétique. Cette politique a eu, à la fin de la guerre, des conséquences catastrophiques pour les minorités qui avait été utilisées par les Allemands.

C’est en partie pour cela que les vainqueurs, qui ont rédigé la charte de l’ONU, ont voulu «protéger l’humanité du fléau de la guerre» en rendant illégale la politique d’ingérence.

La politique de non ingérence a encore été renforcée par la décolonisation des années 1950 – 1970. La dernière chose que les pays issus de cette décolonisation souhaitaient, c’était que les anciennes puissances coloniales s’ingèrent dans leurs affaires intérieures.
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L’ingérence ne peut évidemment se faire que des pays forts à l’égard des pays faibles ; c’est donc une légitimation de la force brute

C’est pourquoi le rejet de la politique d’ingérence fait la quasi unanimité des pays du Sud. On lit, par exemple, dans la résolution adoptée lors du sommet des pays non alignés, à Kuala Lumpur en février 2003, peu avant l’invasion de l’Irak, que : «Les chefs d’Etats ou de gouvernement réaffirment l’engagement du mouvement pour renforcer la coopération internationale afin de résoudre les problèmes internationaux ayant un caractère humanitaire en respectant pleinement la charte des Nations unies et, à cet égard, ils réitèrent le rejet par le mouvement des pays non-alignés du soi-disant «droit» d’intervention humanitaire qui n’a aucune base dans la charte des Nations unies ou dans le droit international.»

Par ailleurs, l’ingérence ne peut évidemment se faire que des pays forts à l’égard des pays faibles ; c’est donc une légitimation de la force brute.

Cependant, tous les États forts ne sont pas égaux entre eux. Imaginons un instant que la politique d’ingérence soit admise comme nouveau principe du droit international. Que se passerait-il si la Russie entendait renverser le gouvernement saoudien à cause des «violations des droits de l’homme» dans ce pays? Ou si la Chine décidait d’envoyer des troupes en Israël pour y «protéger les Palestiniens»? On aboutirait rapidement à une guerre mondiale.

Pour comprendre le caractère «inacceptable» de la politique d’ingérence quand il est appliqué à des pays puissants, il suffit de penser aux cris d’orfraie que pousse l’establishment américain suite au soi-disant piratage par les Russes de certains emails rendus publics par Wikileaks. Notons au passage que la réalité de ce piratage reste à prouver et que, même s’il l’était, l’authenticité des emails n’est pas contestée, ce qui signifie que ce piratage aurait simplement permis d’informer le public américain de certaines manoeuvres de leurs dirigeants, ce qui est une peccadille comparé aux interventions américaines en Amérique latine, au Moyen-Orient ou en Indochine.

Les conséquences de la politique d’ingérence sont multiples et catastrophiques. Il y a évidemment les millions de morts dus aux guerres américaines (l’étude suivante arrive à un total de 1,3 million de victimes, rien que pour la «guerre à la terreur»). Mais il ne faut pas s’imaginer que les pays victimes d’ingérence ne vont pas réagir, ne vont pas établir les alliances, et ne vont pas tenter de se défendre en se durcissant sur le plan interne. Quand les États-Unis sont attaqués le 11 septembre 2001, ils prennent des mesures de sécurité et de surveillance sans précédent et surtout, ils se lancent dans l’invasion de deux pays. Comment imaginer que la Syrie, l’Iran, Cuba, la Russie ou la Chine ne vont pas prendre des mesures répressives pour se protéger de la subversion? On entre ainsi dans une logique de guerre sans fin. En effet, après être intervenu en Ukraine et en Syrie, les Occidentaux entrent en conflit avec la Russie et la Chine à cause des mesures que ces pays prennent face à ces interventions. Loin d’être une source de paix, le Conseil de sécurité de l’ONU devient, à cause de la politique d’ingérence, le lieu de toutes les acrimonies.

La politique d’ingérence, à travers l’armement des rebelles, n’a fait que prolonger les souffrances de la population de ce malheureux pays qui est la Syrie

Dans le cas de la Syrie, si, comme il le semble, l’insurrection finit par être vaincue, on ne pourra que constater que la politique d’ingérence, à travers l’armement des rebelles, n’a fait que prolonger les souffrances de la population de ce malheureux pays. Les «défenseurs des droits de l’homme» qui ont appuyé cette politique d’ingérence, portent une lourde responsabilité dans cette tragédie.

Bien que les droits de l’homme soient une idée libérale et que le libéralisme s’oppose en principe au fanatisme, les «défenseurs des droits de l’homme» actuels sombrent souvent dans le fanatisme: on nous met en garde contre une influence russe en Europe parfaitement imaginaire (comparons un instant l’influence commerciale, culturelle, intellectuelle, diplomatique des États-Unis et de la Russie en Europe) et on nous incite à ne pas consulter les «médias du Kremlin». Dans toute guerre, et le soutien aux insurgés en Syrie est une guerre, la première victime est la vérité. N’importe quel esprit vraiment libéral irait consulter la «propagande» de l’autre camp, sans nécessairement la croire sur parole, mais afin de contre-balancer celle à laquelle il est constamment soumis.

Sans même écouter la «propagande russe», qui va s’intéresser à l’étude: «Possible Implications of Faulty US Technical Intelligence in the Damascus Nerve Agent Attack of August 21, 2013» ? Cette étude, réalisée par un ancien inspecteur de l’ONU, Richard Lloyd et un Professeur de Science, Technologie et Sécurité nationale du MIT, Theodore A. Postol, montre que l’attaque au gaz près de Damas en août 2013, qui a failli provoquer une attaque en règle contre la Syrie, ne pouvait pas être le fait du gouvernement syrien. On imagine mal des personnes aussi importantes mentir délibérément pour «soutenir Assad» ou être incompétentes sur des questions de physique relativement élémentaires.
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Les «défenseurs des droits de l’homme» se demandent aussi si, après Alep, il est encore possible de discuter avec Poutine. Mais la guerre à la terreur, y compris l’invasion de l’Irak, n’a jamais empêché personne de discuter avec les Américains, malgré les centaines de milliers de morts que cette guerre a provoquées. Au contraire, après 2003, la France s’est d’avantage intégrée dans l’OTAN et a suivi les États-Unis plus fidèlement que jamais.

De plus, les «défenseurs des droits de l’homme» européens sont dans une situation particulièrement absurde: en effet, si l’on prend, par exemple, l’affaire de l’usage des gaz en 2013, attribué au gouvernement syrien, il y avait un large accord en France pour intervenir. Mais en l’absence d’une intervention américaine, une intervention purement française s’est avérée impossible. Les «défenseurs des droits de l’homme» européens en sont réduit à implorer les Américains: «Faites la guerre, pas l’amour !» Mais comme ceux-ci souffrent de «war fatigue» et ont élu un président en principe opposé aux interventions, il ne reste plus aux «défenseurs des droits de l’homme» européens que de faire accepter par leurs peuples des dépenses militaires gigantesques pour créer un rapport de force qui rende crédible la politique d’ingérence. Bonne chance !

Finalement, parmi les défenseurs des droits de l’homme, il faut distinguer entre les bonnes âmes et les belles âmes.

Les bonnes âmes mettent en garde leur «amis» contre l’idée de «soutenir» le boucher, le criminel, l’assassin de son peuple, Bachar el Assad. Mais c’est ne rien comprendre à la position anti-ingérence.

Comme les guerres ou les ingérences actuelles sont justifiées au nom des droits de l’homme, il est évident que la propagande va se concentrer sur la dénonciation des «violations des droits de l’homme» dans les pays ciblés par l’interventionnisme

Des Etats peuvent soutenir d’autres Etats en leur donnant des armes et de l’argent. Mais de simples individus, ou des mouvements sociaux, comme un mouvement de la paix, ne le peuvent pas. Cela n’a, par conséquent, aucun sens de dire que, lorsque des individus s’expriment, quand ils le peuvent dans notre société, c’est-à-dire de façon marginale, pour critiquer la politique d’ingérence, ils «soutiennent» telle personne ou tel régime, à moins de considérer que tous ceux qui ne souhaitent pas que la Russie intervienne en Arabie saoudite ou la Chine en Palestine «soutiennent» le régime saoudien ou la colonisation israélienne.

Les anti-impérialistes soutiennent une autre politique étrangère pour leurs pays, ce qui est très différent.

Dans toutes les guerres, il y a une propagande massive en faveur de celles-ci. Comme les guerres ou les ingérences actuelles sont justifiées au nom des droits de l’homme, il est évident que la propagande va se concentrer sur la dénonciation des «violations des droits de l’homme» dans les pays ciblés par l’interventionnisme.

Par conséquent, tous ceux qui s’opposent à cette politique d’ingérence se doivent de fournir toutes les informations qui permettent de contrer cette propagande, comme par exemple l’étude sur l’usage des gaz en 2013 mentionnée plus haut, ou les témoignages discordants concernant le situation à Alep aujourd’hui. Il est remarquable de voir Julien Salingue, co-animateur du site de critique des médias Acrimed, répéter le récit dominant sur la Syrie, sans aucune distance critique. Mais si les médias mentent et déforment en ce qui concerne la France, pourquoi ne le feraient-ils pas encore bien plus lorsqu’il s’agit de pays étrangers, comme la Syrie et la Russie, où les choses sont plus difficiles à vérifier ? De nouveau, sans faire appel aux sources russes, Salingue pourrait lire, par exemple, l’avis de l’ancien ambassadeur de Grande-Bretagne en Syrie, qui contredit le récit médiatique dominant sur Alep.

Cette critique de la propagande ne signifie nullement un «soutien» à un régime ou l’autre, au sens où ce régime serait dans l’absolu souhaitable dans un monde libéré de la politique d’ingérence.

Les bonnes âmes veulent «sauver Alep», «ont honte de l’inaction de la communauté internationale» et veulent «faire quelque chose». Mais faire quoi? La seule suggestion pratique qui est avancée serait d’établir en Syrie une «no fly zone» qui empêcherait l’aviation russe d’aider l’armée syrienne. Mais cela serait une violation de plus du droit international, la Russie étant invitée en Syrie par le gouvernement légal et internationalement reconnu de ce pays pour l’aider dans le combat contre le terrorisme. La situation de la Russie en Syrie n’est pas, juridiquement parlant, différente de celle de la France lorsqu’elle a été invitée au Mali pour y combattre les islamistes (qui se trouvaient là suite à la guerre en Libye, mais passons). De plus, intervenir militairement en Syrie impliquerait soit une guerre avec la Russie, soit que ce pays accepte d’être vaincu sans combattre. Qui veut parier sur cette deuxième possibilité?
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Pour illustrer l’hypocrisie des bonnes âmes, comparons la situation en Syrie et au Yémen. Dans ce dernier pays, l’Arabie Saoudite commet de nombreux massacres, en violation claire du droit international. Si vous vous indignez parce qu’on ne fait rien en Syrie, pourquoi vous-même ne faites-vous rien pour le Yémen? De plus, il y a une grande différence entre ces deux situations. Dans le cas de la Syrie, intervenir militairement risquerait d’entraîner une guerre avec la Russie. Dans le cas du Yemen, il suffirait sans doute, pour faire pression sur l’Arabie Saoudite, de suspendre les livraisons d’armes occidentales à ce pays. Bien sûr, vous êtes parfaitement conscient du fait que vous êtes incapables d’arrêter les livraisons d’armes à l’Arabie Saoudite. Mais alors, à quoi rime votre indignation concernant la Syrie ?

Les belles âmes, par contre, sont contre toutes les guerres, toutes les violences. Elles condamnent : Assad et Poutine, bien sûr, mais aussi Obama, l’Union européenne, l’OTAN, tout le monde. Elles dénoncent, elles allument des bougies et éteignent des lumières. Elles témoignent, parce que se taire serait «être complice».

Elles ne se rendent pas compte que, sur le terrain, en Syrie, personne, ni gouvernement ni rebelles, ne savent qu’elles existent et, s’ils étaient au courant de leur existence, ils se moqueraient complètement de leurs indignations, condamnations, et éclairages de bougies. Pour paraphraser ce que disait Staline à propos du Vatican, les «défenseurs des droits de l’homme», combien de divisions?

Pour les «défenseurs des droits de l’homme», le réalisme politique et les conséquences de leurs actions n’ont aucune importance ; l’important c’est de montrer que l’on fait partie du «camp du bien»

Ceci ne veut pas dire que les bonnes âmes et les belles âmes n’ont aucun effet. Elles en ont un, mais ici : empêcher toute politique étrangère alternative, qui serait fondée sur la diplomatie et le respect de la charte des Nations unies. Seule une telle politique pourrait favoriser la paix dans le monde, l’équilibre et d’égalité entre les nations et, en fin de compte, faire aussi réellement avancer la cause des droits d’homme. Mais la diabolisation par les «défenseurs des droits de l’homme» d’Assad et de Poutine, ainsi que de tous ceux qui voudraient ne fut-ce que parler avec eux, rend une telle alternative impossible.

Pour les «défenseurs des droits de l’homme», le réalisme politique et les conséquences de leurs actions n’ont aucune importance ; l’important c’est de montrer que l’on fait partie du «camp du bien». Vous vous imaginez être libres, tout en suivant fidèlement les injonctions des médias dominants qui vous indiquent, à chaque moment, la crise qui requiert votre indignation.

Si j’avais la moindre illusion sur la lucidité que vous pouvez avoir à propos des conséquences de vos actions, je dirais que votre politique est criminelle, à cause des conséquences tragiques qu’elle a pour l’Europe et le monde ; mais comme je n’en ai aucune, je me limiterai à vous traiter de tartuffes, ou pour utiliser l’expression de Sartre, de «salauds».

Lire aussi : Lutte anti-propagande aux USA : l’Occident ressemble à la caricature qu’il fait de la Russie

Mohamed Bouhamidi

Sunday, January 01, 2017 12:15 AM
pour votre information : kamel Doud sur bachar el Assad et Alep

Bachar, ma vie, son oeuvre

L’impunité dont bénéficie le dictateur syrien désole l’écrivain.

Le Point29 Dec 2016CHRONIQUE PAR KAMEL DAOUD

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Bachar le dictateur syrien n’a rien gagné. Ou peut-être seulement les ruines de son pays. Mais, en face, moi, j’ai perdu, et beaucoup. L’effet Bachar est désormais dévastateur sur la demande de démocratie, les vies, les libertés, au sud comme au nord. En Algérie, on vient de chasser, par rafles, 1 500 Subsahariens, la veille exactement d’une messe guindée, le Forum africain de l’investissement. Les rafles ont ravivé les racismes, décomplexé les discours de haine (le président de l’instance officielle des droits de l’homme parlera de MST, sida et mendicité) sans que cela gêne personne. Il y a cinq ans, cela aurait été difficile de le faire. Aujourd’hui, avec l’effet Bachar, personne ne trouvera rien à redire, au nord comme au sud. Chez nous comme en Occident. La terreur des flux migratoires, les boat people post-printemps arabe et la peur des attentats absolvent les consciences et permettent de fermer les yeux et les portes. A Alger encore, le journaliste Mohamed Tamalt, connu pour ses outrances, a été condamné à une peine de prison pour insulte à un président ; il va mourir de sa grève de la faim. Cela va indigner, légèrement, on va protester, mais cela ne va rien changer. Si Bouazizi était une flamme, ce journaliste algérien, Tamalt, est une petite allumette. Il sera traité comme un mégot. L’effet Bachar est là, aussi : l’Occident ne dira rien, les élites locales ne diront rien, le peuple ne dira rien. Tous ont peur de l’effet Syrie, de l’effet Bachar, de l’effet Alep. Désormais les dictatures qui ont survécu aux printemps arabes se portent mieux, rajeunissent, se perpétuent. On ne leur trouvera pas de vices dans les élections, ni dans les habitudes sales des mandats à vie ou les goulags. Chez nous comme au nord, l’effet Bachar est là : on préfère le dictateur à Daech, la sécurité à la démocratie, le cantonnement au soulèvement.

C’est que le boucher de Damas a bien joué sur la fameuse équation : c’est moi ou la fin du monde. Alors on révise partout à la baisse les ambitions de son humanisme et de notre demande de démocratie. On rentre chez soi, on se convertit au pragmatisme discret. Hypocrite attitude ? Que non ! C’est juste que l’équation n’a pas de solution à l’échelle d’une vie. On ira même le bénir et l’applaudir, le Boucher. En Occident parce qu’il fait le tueur à gages contre les hordes de Daech, et au sud parce qu’il assouvit ce ressentiment envers l’Occident colonial : il a tué les siens, mais il donne l’impression d’avoir vaincu l’Occident. D’ailleurs, quand les Russes bombardent, chez nous on appelle cela soutien, mais quand les Américains envahissent, on appelle cela impérialisme. Le gauchisme ancestral des élites, au sud, permet cet aveuglement volontaire.

L’effet Bachar sur l’avenir ? Donner l’illusion d’avoir résolu l’équation en enterrant les Syriens. On va être tenté d’y croire, par peur, par angoisse et faute de courage. C’est la tabula rasa en rasant Alep. Mais la réalité est tout autre : le Boucher d’Alep ne fera qu’accentuer la tragédie, pousser au pire et au départ, réinventer le goulag et donc la guerre. Sa solution est finale sans être définitive. Il donne du sursis au déni, et aux dictatures chez nous ; il fait gagner du temps seulement. Les dictatures chez nous vont se renforcer par sa grâce ; puis renforcer leurs appétits, obtenir des rallonges et des soutiens, se permettre des abus et des insolences, mais cela ne changera en rien à la vérité : la véritable équation n’est pas celle de « c’est moi ou la fin du monde », mais celle de « la fin du monde, c’est à cause de moi et de ma dictature ». D’ailleurs, Bachar a très bien joué sur ça : à force de dénoncer le terrorisme, il a fini par l’inventer.

Et après ? L’effet Bachar me rend triste ; me décourage un moment, me « cerne » dans l’angle de mes hésitations. Je le ressens dans ma vie de tous les jours comme si j’avais érigé ma maison dans une impasse. Mais je sais aussi que cela n’est qu’illusion. Bachar n’est ni un libérateur ni un barrage, c’est un preneur d’otages avec des boucliers humains. Il n’a pas vaincu le djihadisme, il l’a réinventé sur notre dos. Il a provoqué un syndrome de Stockholm, mais c’est une illusion. Depuis des jours, je suis triste et découragé. Je sais que je veux être libre, je ne sais pas à quel prix. Je sais que j’ai raison, même si les apparences sont contre moi

L’effet Bachar est là : on préfère le dictateur à Daech, la sécurité à la démocratie, le cantonnement au soulèvement.

Jean Bricmont
SST/IRMP/CGPP

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