L’histoire de la guerre d’Irak, par l’armée US: mythe ou vérité?
avril 9, 2019
France-Irak Actualité : actualités sur l’Irak, le Proche-Orient, du Golfe à l’Atlantique
Analyses, informations et revue de presse sur la situation en Irak, au Proche-Orient, du Golfe à l’Atlantique. Traduction d’articles parus dans la presse arabe ou anglo-saxonne, enquêtes et informations exclusives.
Publié par Gilles Munier sur 9 Avril 2019,
Catégories : #Irak, #Etats-Unis, #bush
de gauche à droite: Condoleeza Rice, Dick Cheney, George W.Bush, Donald Rumsfeld
L’armée sait très bien nous expliquer ce qui a mal tourné, mais ceux qu’elle blâme fait polémique.
Par Mark Perry (revue de presse : The American Conservative – extrait – 28/2/19)*
…(…)… Bien sûr, « il est très compliqué d’écrire l’histoire quand tout le monde est encore vivant » disait le Colonel à la retraite David Johnson, chercheur principal au sein du Rand Corporation. « Je veux dire, comment pouvez-vous écrire l’histoire de la guerre du Vietnam alors que le Général William Westmoreland est toujours chef des Etats-majors ? ».
D’où la surprise générale lorsque The Army War College publie son analyse en deux volumes de l’Opération Irak Libre (officiellement, The US Army in the Iraq War. Michael Gordon du Wall Street Journal révèle en octobre que l’étude demandée par l’ancien chef des Etats-majors Raymond Odierno avait été suspendue par les officiers de haut rang qui craignaient que sa publication n’entache la réputation des hommes en uniforme – ou à l’inverse ne fournisse une validation du style « tu vois bien » à ceux qui subventionnent officieusement ces mêmes institutions. La mêlée internationale qui avait suivi n’avait été résolue qu’avec la nomination du successeur d’Odierno, Mark Milley, et le feu vert qu’il donna au rapport sous forme d’une courte préface dans laquelle il insiste sur le fait que le rapport n’est « qu’intérimaire ».
C’est tout de même une bonne nouvelle, bien qu’elle soit ternie par le fait que l’armée, qui tout en accordant de l’importance à ses analyses post-guerre – puisqu’elle les confie au U.S. Army Center of Military History (CMH), rattaché au secrétariat civil de l’armée – parle aujourd’hui de placer ce même CMH sous le commandement du TRADOC (Army’s Training and Doctrine Command) – ndt. Commandement d’enseignement et de doctrine – rendant de ce fait les historiens responsables devant un officier de haut rang.
Cela veut dire que les futurs rapports du CMH seront probablement englués dans le labyrinthe bureaucratique du TRADOC, voir même étouffés par des carriéristes apeurés cherchant à redorer leur blason. « C’est la cerise sur le gâteau ! » déclare Richard Kohn, professeur émérite à l’Université de North California et l’une des autorités en matière de relation entre civils et militaires. « Mettre le CMH sous la tutelle du TRADOC c’est mettre un terme au programme sur l’histoire militaire ».
Cela dit, Odierno avait raison de favoriser cette étude controversée de la guerre d’Irak, tout comme Milley avait raison d’y mettre un bémol. Le rapport final de 1300 pages a été écrit par une équipe dirigée par le colonel à la retraite Joel Rayburn, puis par le colonel Frank Sobchak.
Il offre une critique inébranlable de la campagne militaire menée par des généraux américains qui n’avaient aucune compréhension du pays qu’ils venaient d’envahir. Ils sont arrivés avec des idées erronées sur leur ennemi sans disposer d’assez de soldats pour gagner la guerre. Ils ont combattu au côté d’une coalition largement inefficace, violé les règles de détention militaire, failli dans leur mission de formation d’une force de sécurité irakienne à la hauteur et ont été pénalisés par leur supérieurs pour avoir offert des solutions innovantes à des problèmes imprévus.
Il dénonce aussi sans ménagement les politiques dont les hypothèses de départ avant la guerre ont mené les Etats-Unis vers une fin ignoble à l’arrière goût de défaite.
Dans cette histoire connue de tous, le peu d’intérêt porté par Georges W Bush, Dick Cheney, Condoleeza Rice et Donald Rumsfeld à ce qui se passait en Irak a été exacerbé par les décisions irréfléchies d’un gouvernement d’intérim arrogant, qui, comme le démontre l’étude, adoptait des politiques en se basant sur une « analogie inappropriée comparant les baasistes irakiens aux nazis allemands » ce qui « mena à la chute de l’Etat irakien ». « C’est une triste histoire » déclare Richard Kohn. « la mise au ban de l’armée irakienne et du Parti Baas par les officiers américains à la fin de la guerre a rendu impossible toute occupation et reconstruction du pays. Ce fut une erreur fondamentale, mais où étaient Rumsfeld, Rice, Bush ou Cheney ? Leur arrogance et leur intime conviction qu’ils pouvaient neutraliser par la force un petit pays et résoudre ses problèmes étaient simplement insensées, mais aussi emblématiques de leurs propres insuffisances ».
En d’autres termes, l’étude reflète ce que les officiers militaires de haut rang disent entre eux depuis de nombreuses années à savoir que les Américains ne devraient pas s’attendre à ce que leur armée gagne une guerre sur le champs de bataille quand elle a déjà été perdu dans le Bureau oval (ndt. – de la Maison Blanche).
…(…)…
*Source : The American Conservative
Traduction et Synthèse : Z.E pour France-Irak Actualité