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L’Irak démuni face au pillage de ses trésors


Publié par Gilles Munier sur 7 Janvier 2021,

Catégories : #Irak

La cité islamique d’al-Ramahiyyeh et la province d’al-Qadissiya. | OUEST-FRANCE

Jamais remis du chaos provoqué par l’invasion américaine de 2003, le pays n’a pas les moyens de protéger ses 18 000 sites archéologiques face à des réseaux de trafiquants très bien organisés.

Par Sylvain Mercadier (revue de presse : Ouest-France – 6/1/21)*

Correpondance à Al-Ramahiyyeh – Plus de dix mille ans d’histoire s’accumulent dans le sol de l’antique Mésopotamie, qu’on appelle aujourd’hui Irak. La province d’al-Qadissiya, au sud de Bagdad, compte 2 000 des 18 000 sites archéologiques répertoriés. Comme l’ancienne Nippour, la cité du dieu sumérien Enlil dont les premières traces remontent à plus de 5 000 ans avant J.-C. À l’entrée, le grillage défoncé trahit des intrusions régulières. La voiture de patrouille est réduite à l’état de relique et les gardes se contentent de « surveiller » depuis leurs locaux. Sur l’immensité de la plaine, des millions de débris de poteries…

Nippour est au moins gardée. Dans la steppe verdoyante du bassin de l’Euphrate, personne ne surveille les ruines de l’imposante cité islamique d’al-Ramahiyyeh, vieille de treize siècles. Normalement, il y a un garde, mais il ne vient plus depuis longtemps, explique Hatem Salah. L’archéologue et enseignant à l’université d’al-Qadissiya décrypte les traces du passé : Ici, nous longeons l’enceinte. Là, ce creux indique la porte de la ville. Là-bas, c’est un temple transformé en mosquée. »

Hatem Salah ramasse des débris de poteries. Plus loin un berger de passage montre de larges trous dans le sol : des pilleurs sont passés il y a peu. Le pillage est un fléau pour notre pays, se désole l’archéologue. Parfois, ce sont les agriculteurs qui détruisent des sites en labourant ou en installant des systèmes d’irrigation.

En Irak, la « chasse au trésor » existe depuis des siècles. Mais le chaos, dans lequel le pays a été précipité après l’invasion américaine de 2003 et la chute du dictateur Saddam Hussein, a profité aux pilleurs. Plus de 15 000 pièces ont disparu en quatre jours des collections du musée national de Bagdad, en avril 2003. Très peu ont été retrouvées. Un saccage bien pire que ceux du groupe État islamique dans le nord du pays, entre 2014 et 2017.

Le retour d’unités de police, chargées de la protection des sites antiques, ne suffit pas à stopper le phénomène. Ni la fatwa du très respecté ayatollah Sistani, la plus haute autorité chiite, criminalisant les pillages. Les réseaux de trafiquants, bien organisés, continuent d’acheminer des pièces déterrées vers la Turquie, l’Iran, le Golfe ou la Jordanie, d’où elles partent aux quatre coins du monde, vendues à des collectionneurs sans scrupules.

Ce sont des mafias, très liées au trafic de drogue, affirme un archéologue irakien, sous couvert d’anonymat. Elles opèrent depuis les marais irakiens, une zone de non droit tout au sud du pays, où ils sont protégés par des liens tribaux. Le trafic d’antiquités rapporterait 15 millions de dollars par an, selon l’Archeological Institute of America.

Parfois, des objets reviennent. Comme ces 3 800 pièces que la justice américaine a obligé à restituer à l’Irak, dans l’affaire dite Hobby Lobby, en 2009. Elles avaient été acquises de façon douteuse par la société American arts and crafts company, appartenant à des chrétiens évangéliques. Plus récemment, le British Museum de Londres a permis, en septembre, d’identifier une rare plaque sumérienne vieille de 2 400 ans, sans doute dérobée en 2003 sur le site de Tello. Elle va être rendue.

*Source : Ouest-France
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