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« L’Iran assiste, amusé, à la faillite du CCG, conçu contre lui »


Publié par Gilles Munier sur 22 Juin 2017,
Catégories : #Iran, #Qatar, #Arabie, #Trump
Hasni Abidi, directeur du Cermam (Genève)

Hasni Abidi, directeur du Cermam (Genève)

Interview de Hasni Abidi ( revue de presse : L’Orient –Le Jour 22/6/17)*

Propos recueillis par Julie Kebbi

Trois semaines après la décision de l’Arabie saoudite et de ses alliés de rompre leurs relations diplomatiques avec le Qatar, les perspectives de sortie de crise semblent s’éloigner. Les différentes parties concernées campent sur leurs positions respectives, alors que Doha cherche des soutiens extérieurs et que Riyad intensifie les pressions pour faire plier le petit émirat. Lundi, le chef de la diplomatie qatarie, cheikh Mohammad ben Abdel Rahmane al-Thani, a déclaré que la levée des sanctions était nécessaire pour entamer des négociations « sur des bases solides et non sous la pression ou le blocus ».

Mais le ministre des Affaires étrangères des Émirats arabes unis, Anwar Gargash, en visite à Paris lundi, a précisé de son côté « miser sur le temps » pour isoler le Qatar et ne « pas vouloir d’escalade ». Le blocus peut « durer des années », a-t-il précisé à cette occasion.

Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen, basé à Genève (Cermam), répond aux questions de L’Orient-Le Jour.

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Les deux camps peuvent-ils tenir leurs positions sur le long terme ?

L’Arabie saoudite cherche à consolider sa position de leader du Conseil de coopération du Golfe et dans le monde arabe. Certes, les dépenses publiques internes ont explosé, la grogne intérieure monte et l’enlisement au Yémen commence à agacer les Occidentaux. Mais, faute d’un deal qui sauve la face pour tous, Riyad risque de se radicaliser dans sa position. Un abandon des charges sera perçu comme une reculade face à Doha et portera un coup à la crédibilité du nouvel homme fort de Riyad, le prince héritier Mohammad ben Salmane, qui est extrêmement soucieux de son image à l’intérieur comme à l’extérieur. Le Qatar est dans une posture de victime. Il n’est pas dans une situation inconfortable, et, avant d’épuiser sa capacité de résistance, il est peu probable qu’il fasse des concessions majeures.

Le fait d’envisager un blocus sur « plusieurs années », comme l’a dit le chef de la diplomatie émiratie, signifie-t-il concrètement que la politique saoudienne d’isolement du Qatar a échoué ?

Cette déclaration de ministre émirati traduit non seulement l’échec de la stratégie du blocus, mais exprime la mauvaise humeur de son pays et de celle de l’Arabie saoudite face à l’indifférence de la communauté internationale. Les appels de Berlin, de Paris et de Londres en faveur du dialogue ont surpris Riyad qui s’attendait à plus d’adhésion de la part des Européens. Les actions habiles de Doha sur le plan diplomatique, l’extension de ses échanges au-delà de son environnement et le soutien ferme de la Turquie ont fini par renverser la donne en faveur du Qatar.

Le blocus saoudien peut-il avoir un effet contraire à celui escompté, en jetant le Qatar dans les bras de l’Iran ?

En raison de la proximité géographique et de ses intérêts économiques, le Qatar est contraint de conserver un lien privilégié avec l’Iran. Il en va de sa survie économique et financière. La crise actuelle avec Riyad et Abou Dhabi a conforté Doha dans ses choix diplomatiques. L’ouverture de l’espace aérien et maritime iranien a atténué le blocus décidé à la hâte par Riyad et a permis à Doha de tenir face à la pression de ses voisins. Cette crise inaugure une nouvelle configuration dans la région où les alliances traditionnelles bâties depuis des décennies se brisent en direct. L’Iran, dans ce contexte, assiste, amusé, à la faillite du Conseil de coopération de Golfe, conçu contre lui.

*Source : L’Orient-Le Jour

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