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L’Iran, prêt à prendre le risque d’instaurer un nouvel Afghanistan syrien


L’Iran, prêt à prendre le risque d’instaurer un nouvel Afghanistan syrien

Publié par Gilles Munier
27 Juin 2014,

Par George Samaan (revue de presse : Al-Hayat – Extraits – 23/6/14)
Traduit de l’arabe par Marcel Charbonnier – Résumé et Synthèse par Xavière Jardez

…(…)… Si les Irakiens (le régime Maliki, ndt) appellent Washington et Téhéran à la rescousse, c’est qu’ils savent parfaitement que la solution viendra de ces deux sources, et non de l’une ou de l’autre prise isolément. Le président américain Barak Obama, s’est montré prêt à une intervention militaire américaine limitée, mais y a mis une condition, à savoir que de toutes les composantes de la société irakienne soient représentées dans le gouvernement irakien. Et il n’a pas manqué de remarquer que les intérêts sunnites n’avaient pas été pris en compte au cours des deux dernières années. Il sous-entendait ainsi, qu’étant la cause du problème, M. Al-Maliki devait se démettre dans la mesure où un troisième mandat ne garantirait pas le respect des droits des sunnites contre lesquels il a mené une campagne répressive. Un consensus existe désormais, tant sur le plan local qu’international, sur la nécessité du départ de M. Al-Maliki en préalable à la recherche d’une solution politique associant les sunnites rangés, pour le moment, sous la bannière de milices armées dont celle de l’organisation de l’Etat islamique en Irak et en Syrie (Daash), bien que dans leur grande majorité ils n’en partagent pas l’idéologie. Le président Hassan Rohani, disposé à intervenir en Irak afin d’y protéger les lieux saints chiites, comprend les limites et les dangers inhérents à toute intervention militaire. Mais, par contre, sa position lui permet d’envoyer ce message : que le responsable du désastre en Irak, en l’occurrence M. Al-Maliki, doit s’éclipser.

Pas digne de confiance

M. Al-Maliki a pris le risque de plonger l’Irak et toute la région dans une guerre civile pouvant conduire à la partition. Il a réussi à pousser les blocs sunnites dans les bras de « Daash », à l’instar du président syrien Bachar al-Assad. Avec lui, comme avec Assad, le slogan sera donc : « Moi, ou l’Etat islamique ! ». Aucune intervention américaine ou iranienne ne parviendra à faire face au dit « Etat » (islamique) tant que les populations sunnites urbaines, rurales et bédouines, ainsi que leurs institutions sécuritaires et militaires n’auront pas obtenu une alternative satisfaisante. Celle-ci est très simple : il s’agit d’associer les sunnites à la gouvernance du pays, sans discrimination ou volonté de division et aussi au partage d’un certain butin, dans un pays battant tous les records en matière de corruption. Il est indéniable que le chef de l’« Etat de droit » n’est pas digne de confiance, après huit longues années de promesses mensongères en deux mandats. Les développements en Irak ont alarmé le monde, mais ce n’est qu’à partir d’une entente politique rapide entre Washington, Téhéran et nombre de capitales arabes (qui ne sauraient voir d’un bon œil la prise du pouvoir par l’un des deux camps afin de constituer un nouveau gouvernement à Bagdad) que l’on pourra relever ce défi.

…(…)… D’aucuns pensent qu’Al-Maliki a préféré et continue à préférer être le dirigeant d’une grande région chiite, dans le cas où il lui serait impossible de recouvrer son pouvoir sur l’ensemble de l’Irak. Mais la question qui se pose à ce sujet est celle-ci : l’Iran acceptera-t-il l’instauration d’un îlot sunnite s’étendant jusqu’aux frontières occidentales de l’Irak et aux points de passage frontaliers, ce qui ne pourrait que couper la route le reliant à la Syrie, un pays dans lequel il a mis tout son poids et dont il continue à soutenir le régime ? C’est peut-être là une des attentes de forces locales, régionales et internationales, que l’Iran pourrait en fin de compte abandonner Damas, et même, au besoin, le président Bachar al-Assad. On peut craindre que ne se reproduise la même erreur, certains étant persuadés que l’Iran pourrait aisément retirer son soutien à l’Irak, voire, au besoin, à Al-Maliki!

Epuration ethnique

…(…)… L’Iran, rappelons-le, a contribué à aggraver le mécontentement et la colère des sunnites. Téhéran est accusé de l’élimination de plus de quatre cents universitaires irakiens, du limogeage d’aviateurs des forces armées après la chute de Saddam Hussein qui se sont réfugiés au Kurdistan, des assassinats de personnalités, de cadres et d’anciens gradés de l’armée et de l’épuration ethnique de familles entières dans certains districts et villes, ainsi que de s’être entendu avec les Etats-Unis sur le renouvellement du mandat d’Al-Maliki, il y a quatre ans.

…(…)… Naturellement, la menace sur Bagdad et sur les mausolées chiites du sud irakien que profère «Daash » a peu de poids. A Bagdad, et à Najaf et Karbala, les sunnites sont en minorité. Par conséquent, leurs milices armées ne pourront trouver d’environnement car la majorité chiite ne restera pas les bras croisés. Il en va de même de l’armée irakienne. Elle ne pourra retrouver sa confiance en elle que grâce au soutien de forces locales.

De plus, l’Iran ne permettra pas aux groupes radicaux de porter atteinte au régime qu’il a contribué à mettre sur pied, raison pour laquelle il a envoyé des « gardiens de la Révolution » en Irak, comme il en a envoyé en Syrie, afin d’apporter conseil et soutien à ses alliés (syriens, libanais et irakiens, ndt). Ayant protégé la minorité au pouvoir à Damas, il est certain de pouvoir protéger la majorité (chiite, ndt) à Bagdad… Si, au pire, la situation devait conduire à l’éclatement des deux pays, l’Iran verrait-il quelque inconvénient à ce que le Shâm (la Syrie, ndt) soit dépecé, si c’est le prix à payer pour s’assurer d’une domination durable sur l’ensemble du Moyen-Orient arabe ?

Une autre conséquence de la politique d’Al-Maliki est l’extension du Kurdistan jusqu’à Kirkuk et aux régions contestées. Mais la procrastination du dirigeant du prétendu « Etat de droit » (irakien), puis l’intensification des pressions, de menaces de guerre contre ce territoire et de suspension de salaires des fonctionnaires irakiens ont poussé les dirigeants kurdes à occuper ces mêmes régions. On ne saurait imaginer que ceux-ci consentiront à les restituer au gouvernement central. Celles-ci risquent bien plutôt de voir la crise qui les affecte s’aggraver et se complexifier.

Crainte d’un marché conclu entre Washington et Téhéran

Il ne faut pas non plus oublier le volet syrien de la crise actuelle. Le régime du président Al-Assad a, pour la toute première fois, effectué des raids aériens contre des positions de «Daash » dans l’est du pays notamment des convois de munitions en provenance d’arsenaux, des casernes et des bases de l’armée irakienne capturés. Mais, fondamentalement, ces raids n’avaient qu’une valeur politique destinée à toutes les parties concernées par la lutte contre les djihadistes qui, comme l’a déclaré Obama, menacent les intérêts des Etats-Unis et ceux des pays de la région, Ce message exprime également les craintes qu’un « marché » ne soit conclu entre Washington et Téhéran – un marché dont Damas serait exclu. En effet, il est devenu patent que la guerre contre l’« Etat islamique » en Syrie est devenue plus difficile depuis que cette organisation a réussi à occuper un territoire s’étendant jusqu’à l’est et le nord de la Syrie.

Si l’Iran a effectivement le sentiment, aujourd’hui, de détenir les clés d’une solution à la fois en Irak, en Syrie et au Liban (et d’aucuns accusent Téhéran, ainsi que Damas, de soutenir en sous-main « Daash » et d’avoir réussi à infiltrer cette organisation), le facteur temps exerce une pression impitoyable…(…)…

Intertitres : AFI-Flash

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