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LIVRE: François Belliot: « Guerre en Syrie, quand médias et politiques instrumentalisent les massacres »


ITRI : Institut Tunisien des Relations Internationales

Publié par Candide le 8 octobre 2017 dans Chroniques

Préface

Par Ahmed Manai

Le 30 décembre 2011, je déambulais dans la salle d’embarquement de l’aéroport de Tunis Carthage dans l’attente du départ de l’avion Egypt Air à destination du Caire où je devais rejoindre la mission des observateurs de la ligue arabe en Syrie. Le téléphone sonne, je décroche aussitôt. C’était ma fille Bochra qui m’appelait de Montréal pour me demander si j’acceptais de répondre à quelques questions d’une journaliste de Radio Canada. Aussitôt dit, aussitôt fait.

L’interview dura plus d’une trentaine de minutes : des questions sur la nature de la mission puis de nombreuses autres comportant leurs propres réponses, inspirées par l’image labellisée qui s’est installée depuis le début de la crise syrienne, que j’aurais admises de n’importe quel journaliste d’Aljazeera ou de Alarabia mais qui m’ont profondément choqué de la part d’une journaliste du lointain Canada, à savoir : « la violence des milices du régime syrien voire la guerre d’un despote contre un mouvement populaire, démocratique et pacifique soutenu par toutes les élites du monde et la communauté internationale». Mes réponses, mes explications et mes brèves analyses, fruit d’une vieille connaissance de la réalité sociale et politique syrienne, d’une longue proximité avec l’opposition syrienne en Europe et d’un suivi attentif des événements, irritèrent la journaliste et sûrement beaucoup de ses auditeurs. Le formatage des esprits ne laissait aucune place à une contestation de la narration officielle et encore moins à l’expression de la vérité.

Je fus conforté dans mes positions par la suite par une présence de 42 jours sur le terrain de la « révolution syrienne », en contact avec les manifestants des deux bords et avec le peuple, dans une mission décriée par le mainstream international avant même le début de sa mise en place. Cette mission était composée de plus de 160 observateurs originaires de 13 pays arabes, pour la plupart hostiles au gouvernement syrien, des officiers supérieurs, des diplomates, de hauts fonctionnaires des ministères de l’intérieur et des militants de la société civile, présidée par un homme, le Général soudanais Debbi, qui résista à toutes les tentatives de corruption et qui ne fut réduit au silence que par son propre gouvernement au prix d’un crédit substantiel du Qatar.

On dit souvent que la première victime d’une guerre c’est la vérité. Dans le cas syrien, on ne s’est pas contenté de tordre le cou à la vérité, on l’a tout simplement sacrifiée, lui « substituant un système complexe visant à inspirer aux masses une sorte de foi idéologique inébranlable, faite de mensonge, de lavage de cerveaux et de falsifications grossières des faits et des réalités les plus avérés et les plus tangibles, se polarisant de façon obsessionnelle sur l’urgente nécessité de « dégager Bachar el-Assad » à tout prix, comme le fut « Delenda Carthago est » pour le sénateur romain Caton l’Ancien au deuxième siècle avant J.C.

Fort heureusement notre monde ne manque pas de gens de conscience, des hommes et des femmes pour lesquels la vérité et la justice ont toujours un sens et qui parviennent, en payant parfois au prix fort leur engagement moral et éthique, à rompre le silence. En Europe, ils sont de plus en plus nombreux et à défaut de les citer tous, je voudrais citer au moins les précurseurs, les premières sentinelles à avoir sonné l’alarme et, rendre hommage à l’infatigable Silvia Cattori, journaliste Suisse libre, au front du combat pour la vérité, depuis que je l’ai connue il y a de cela 25 ans. Hommage aussi à mon ami, l’ancien ambassadeur de France, Michel Raimbaud, qui, avec son livre «Tempête sur le Grand Moyen-Orient» a sauvé l’honneur de la diplomatie française, à Richard Labévière, rédacteur en chef et écrivain franco-suisse, auteur de nombreux livres, dont l’ouvrage remarquable : « Terrorisme, face cachée de la mondialisation », à Michel Collon et Bruno Guigue intellectuels aussi lucides que courageux et enfin à François Belliot, l’auteur du présent livre, qui a été un véritable pavé jeté dans le marécage du paysage médiatique, audio-visuel, intellectuel et politique, lors de sa première parution en France en 2015.

François Belliot nous a fait l’amitié de nous confier son enquête sur « l’instrumentalisation des massacres en Syrie par les médias et politiques» aux fins de le mettre à disposition des lecteurs maghrébins francophones, à un prix abordable.

Une version arabe de ce livre est actuellement en préparation. Elle sera disponible d’ici quelques mois, au grand plaisir des lecteurs arabophones.
Nous espérons qu’un jour prochain, un chercheur ou journaliste tunisien, puisse avoir la curiosité, la patience et l’audace d’entreprendre un travail comparable à celui-ci et nous révéler la manière dont les politiques de tous bords et les médias tunisiens, ont traité de la guerre en Syrie, depuis que la Tunisie a abrité, toute honte bue, la première conférence internationale des « amis du peuple Syrien » le 24 février 2012 à Gammarth et qu’elle est devenue depuis ce jour là un des premiers fournisseurs de terroristes au monde.

Puisse François Belliot être largement lu en Tunisie « berceau » de ce faux « printemps arabe » qui a fait tant de ravages, notamment en Syrie et en Libye, et son livre dissiper le brouillard qui aveugle encore tant de nos concitoyens, abusés ou simplement complices. Son enquête, d’une implacable rigueur, n’est peut-être pas toute la vérité, mais elle est au moins une partie de la vérité qui rompt l’obscurité du mensonge.

Ahmed Manai

Membre de la mission de la ligue arabe en Syrie.

« La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s’est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s’y trouve ».

Djalal ad-Din Rûmi

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