L’ombre libyenne et la victoire de la Syrie
juin 6, 2012
L’Etat national syrien a-t-il gagné sa bataille contre l’insurrection que lui ont cuisinée les USA par France, Arabie saoudite et Qatar interposés, avec un rôle spécial pour la Turquie d’Erdogan ? Tous les signaux semblent dire oui, la défaite des insurgés est consommée.
Et bien au-delà de cette hypothèse, la défaite des Euro-Américains et des émirs du Golfe est dans la résurgence des anciens pôles qu’on croyait définitivement disparus au profit d’un seul, triomphant et sans contrôle. Pourtant, à Istanbul d’Erdogan, plus de 70 pays s’étaient retrouvés, mais au fond, sans s’entendre sur les objectifs. Il est déjà bien loin le temps des menaces, des bruits de bottes et des projets de «no fly zone», de «zones-tampons» et de «couloirs sécurisés» pour l’aide humanitaire. Ni la France ni le Qatar n’auront de «Benghazi syrien» ni autre espèce de base de regroupement de leurs forces pour monter à l’assaut de Damas.
Sur le plan de la propagande et de la discipline des médias, derrière l’invisible comité mondial de rédaction de l’OTAN, le succès ne se dément pas. Le même Journal Le Figaro publiait un reportage sur l’entrée clandestine en Syrie d’une de ses journalistes avec trois mercenaires libyens venus en renfort aux «révolutionnaires» syriens tout en continuant de parler de «civils» désarmés. Der Spiegel, journal de référence allemand, publie un entretien avec des «révolutionnaires syriens» au Nord-Liban. Ils parlent des meurtres rituels de dizaines de soldats et de citoyens tièdes à leur endroit, alors que toute la presse continue de parler de crimes du régime. Cette même presse recueille les confidences de diplomates se plaignant de la difficulté à imposer au CNS une charte «démocratique» qui efface quelque peu le côté confessionnel et les accusations de torture et de cruauté sur les civils qui commencent à poindre chez H.R.W. Mais sans accorder la moindre attention à ses propres révélations, cette presse reprend le refrain du «combat démocratique du peuple syrien désarmé» qu’elle illustre de photos de jeunes armés de pied en cap. Prenez la peine de chercher les articles de la presse en français ou en anglais sur la Syrie.
Ce sont les mêmes articles, avec souvent les mêmes titres et sans changement des virgules. Il n’existe même plus cette différence d’opinion que nous connaissions dans le temps. Nous avons affaire à un super marché de l’info où on vous ramène le même produit congelé ; ne change que le décor, un peu plus de photos ou un peu de people mais pas toujours la même pub. Vous pouvez lire les commentaires des lecteurs de cette presse pour votre propre édification. Pour quatre vingt dix pour cent, ils sont consternants de bêtise, du racisme ordinaire de gens qui croient de bonne foi en leur supériorité «démocratique» et au rôle missionnaire de la France. Ces commentaires devraient être médicalement prescrits à tous les nôtres croyant en la supériorité de l’occident : ils en guériraient sec !
Cette guerre médiatique continue et elle peut être le signe d’une autre méthode pernicieuse et non moins nocive contre la Syrie. La décision du Qatar de salarier les « révolutionnaires» fera-t-elle d’eux de vrais professionnels de la subversion ou des rentiers du terrorisme sans issue ?
Oui, la Syrie a en grande partie gagné. Et cela va bouleverser beaucoup de choses, même pour Erdogan qui perd sa première vraie grande bataille.