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L’OTAN et la légalité internationale,


Monique et Roland Weyl
1 June 2022

 
The following article was published in the May 2022 special issue of the International Review of Contemporary Law, the journal of the IADL, focusing on the 75-76 anniversary of the United Nations Charter.

L’OTAN et la légalité internationale
Monique et Roland Weyl
Si l’on compare la légalité internationale à la légalité interne, on peut dire que l’OTAN est comparable à ce que serait dans un pays une bande armée, et que même le prétexte purement défensif dont sa naissance a été couverte, ne le rend pas plus acceptable que ne le sont dans une démocratie les groupes d’auto-défense.
Mais pour confronter cette OTAN à la légalité internationale, encore faut-il préalablement rappeler en quoi celle-ci consiste.
Rappel de la légalité internationale
On ne rappellera jamais assez que même si tout est fait pour la réduire aux capacités de l’Organisation des Nations Unies, la légalité internationale repose d’abord sur la Charte des Nations Unies, qui pour la première fois institue, des règles de droit universelles, obligatoires pour tous et égales pour tous.
Jusqu’en 1945, il n’y avait que des traités bilatéraux ou multilatéraux entre puissances dont les alliances et coalitions se partageaient le monde à coups de guerres et de traités de paix.

La Charte proclame des valeurs et des règles de portée universelle et égalitaires, et fonde l’ONU pour en assurer le respect.
Or cette légalité internationale repose sur deux axes
Le premier est la paix : 1)  la maîtrise de chaque peuple sur ses affaires hors toute intervention étrangère, sous la seule obligation de respect mutuel, 2), l’interdiction du recours à la force ou à la menace de la force dans les relations internationales, pour y substituer l’obligation de donner aux différends une solution négociée,
1. En vertu de l’article 2,4 « Les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ».

La Charte reconnaît certes le droit de légitime défense, mais jusqu’à ce qu’intervienne le Conseil de Sécurité qui doit immédiatement être appelé, et jamais sous prétexte de défense préventive.
C’est l’article 51 qui dispose que « Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales».
Cet article ne prévoit ce droit de défense (et d’assistance : « individuelle ou collective ») que dans le cas où un membre est l’objet et non pas pour le cas où il le serait. Trop de guerres ayant été déclenchées par des agresseurs qui se prétendaient menacés, il exclut la défense préventive.
Le droit ainsi institué a une portée universelle (il doit s’appliquer pour les 193 pays composant l’Assemblée des Etats) et égalitaire (il doit s’appliquer de la même manière pour tous les pays, en vertu du principe d’«égalité des nations grandes et petites ».
Il en résulte que la force ne peut être utilisée que par l’instance qui représente tous les peuples, le Conseil de Sécurité, c’est ce qu’on appelle le principe de sécurité parce que aucun Etat ou groupe d’Etats ne peut se l’approprier. Et le Conseil de Sécurité lui-même ne peut utiliser la force que pour maintenir la paix (empêcher que deux pays se battent) ou rétablir la paix (défendre un pays qui a été victime d’une agression de la part d’un autre)
Enfin la Charte prévoit la possibilité de constituer des organisations régionales par son article 52.1 qui dispose que « aucune disposition de la présente Charte ne s’oppose à l’existence d’accords et d’organismes régionaux destinés à régler les affaires qui, touchant au maintien de la paix et de la sécurité internationales, se prêtent à une action de caractère régional  » mais le même article continue : «  pourvu que ces accords et ces organismes et leur activité soient compatibles avec les buts et les principes des Nations Unies  » et l’article 52.2 poursuit : «  Les membres des Nations Unies qui concluent ces accords ou constituent ces organismes doivent faire tous leurs efforts pour régler d’une manière pacifique, par le moyen des dits accords ou organismes, les différends d’ordre local, avant de les soumettre au conseil de Sécurité  » c’est-à-dire à la condition que ce soit dans le respect de ses principes : droit exclusif de chaque peuple à la maîtrise de ses affaires par son Etat, et relations pacifiques entre eux.
Un article 52.3 ajoute que «  Le présent article n’affecte en rien l’application des articles 34 et 35 » (qui traitent des compétences du Conseil de Sécurité en matière de maintien ou de rétablissement de la paix).
Les organisations régionales envisagées par la Charte ne sont donc nullement prévues comme pouvant être des coalitions militaires, fussent-elles prétendues défensives, contre des voisins de la région, mais comme un moyen de tisser des réseaux de solution pacifique des conflits possibles entre les membres de la région.
Ce rappel suffit à mettre en évidence les multiples causes de l’illégalité de l’OTAN.
Dès l’origine, la double illégalité de sa composition, et celle de son orientation
1ère illégalité, du seul fait de sa composition
Contre l’unité universaliste et égalitaire, la fracture en deux camps
D’origine le traité s’est inscrit contre l’esprit de ce nouvel ordre juridique mondial, construit sur le droit des peuples à leur libre détermination, donc sans discrimination procédant de la nature du régime politique qu’il s’est choisi.
En effet, la Charte repose sur la mise en cohérence des principes d’universalité et d’égalité, ce qui exclut toute discrimination en fonction de la façon dont un peuple s’organise.
Dans cette logique, comme à l’époque le monde est divisé en deux systèmes antagonistes, c’est pour éviter tout risque de fracture, que le recours à la force est de la seule compétence du Conseil de Sécurité et à condition que ses 5 membres permanents, qui appartiennent aux deux systèmes, y donnent un accord unanime.
Or la caractéristique de l’OTAN est de ne pas grouper les pays de la même région qui serait l’Europe, mais les occidentaux autour de leurs trois membres permanents contre une menace supposée venir de ceux de l’Est
2ème illégalité : sa composition n’avait rien de régional
Le Traité prend, soin dans les mots, de se couvrir au regard de la Charte des Nations Unies en se réclamant de l’article 51 et de l’article 52 mais il est bien clair que  que ce n’est qu’une précaution de langage parfaitement vaine.
La Charte n’admet pas d’autres structures particulières que sous le motif de coopération de voisinage à caractère régional.
Or l’OTAN n’est régional ni dans son périmètre ni dans sa composition.
Sauf à situer son centre à ST Pierre et Miquelon, un océan n’est pas une région. Il l’est encore moins quand la présence en son sein des Etats-Unis repousse son périmètre jusqu’aux rives orientales du Pacifique. Et dès sa création, il comportait l’Italie qui n’a jamais été riveraine de l’Atlantique, et, par la France, il s’était étendu au Maghreb ! Et depuis lors il n’a cessé de s’étendre vers l’Est de l’Europe.
3ème illégalité : L’atteinte à la libre disposition des peuples
Il est remarquable que, dans les mots, le Traité prend soin de se référer abondamment aux principes de la Charte pour déclarer les faires siens.
Mais il est non moins remarquable que dans sa référence aux principes de la Charte, on cherchera vainement la moindre référence au droit des peuples à leur libre détermination sans intervention étrangère.
On a trop laisser accréditer l’idée que l’OTAN était la réplique au pacte de Varsovie.
Pourtant, le pacte de Varsovie ne sera que de 1955, en réplique à l’OTAN qui est de 1949 et la cible principale de l’OTAN n’est pas tournée vers l’extérieur, mais vers l’intérieur. C’est une solidarité d’Etats contre le risque de changement de régime de leurs propres peuples.
Il ne faut pas oublier qu’en février 1948, les tchèques ont fait leur révolution et sont passés dans le camp des pays socialistes, essentiellement dans le refus du « plan Marshall ». La création de l’OTAN en 1949 est une défense contre le risque que cela se passe ailleurs.
A cet égard l’article 4 est très clair qui prévoit que les parties «  se consulteront chaque fois que de l’avis de l’une d’elles, l’intégrité territoriale, l’indépendance politique  ou la sécurité de l’une des parties sera menacée  ».
Donc s’il y a une menace sur un Etat participant, on ne consultera pas le Conseil de Sécurité, mais on se consultera entre soi. Et non pas si un des pays membres se sent menacé. Et pas seulement dans son intégrité territoriale, mais dans « son indépendance politique »
Et tout le sens en est donné par l’article 2 qui  écrit : «  en renforçant leur libres institutions, en assurant une meilleure compréhension des principes sur lesquels ces institutions sont fondées, en développant les conditions propres à assurer la stabilité (…), elles s’efforceront d’éliminer toute opposition dans leurs politiques économiques  ». En clair empêcher les bouleversements sociaux et garantir les principes du libéralisme et de l’économie de marché.
Pourtant nous avons vu que l’un des fondements essentiels de la Charte est le droit des peuples à être les seuls maîtres de leurs affaires et donc de leur choix de mode de gouvernement et de gestion économique.
Il est interdit à l’ONU elle-même d’y intervenir,  l’article 2.7 précisant qu’ «  Aucune disposition de la présente Charte n’autorise les Nations Unies (elles-mêmes !) à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un État ».
Mais l’OTAN  est construite sur un socle d’imposture idéologique car, pour tourner à la fois l’interdiction d’intervenir dans les affaires intérieures  d’un autre pays et celle d’user de la force dans les relations internationales autrement que pour venir au secours d’un pays agressé, 4 ans plus tard, lorsque, à la conférence de Caracas de l’Organisation des États Américains, les États-Unis, pour rester dans les cordes de Charte et de la légitime défense , faisaient adopter une  résolution selon laquelle un changement politique dans un pays pouvait être qualifié d’« agression interne du communisme international »), et s’en servaient aussitôt pour intervenir militairement au Guatemala et renverser le gouvernement ARBENZ coupable d’avoir nationalisé la firme étasunienne United Fruit.
Il faut d’ailleurs se rappeler aussi que si l’OTAN avait déjà une sœur ainée avec l’Organisation des Etats Américains, il lui était donné une sœur jumelle avec la SEATO, Organisation du traité de l’Asie du Sud-Est. Les deux organisations se complétaient donc pour assurer la couverture du monde entier sous le leadership étatsunien. Quand on considère que le rôle prépondérant des Etats-Unis n’apparaît pas seulement dans son commandement mais dans le fait que le traité prévoit que les adhésions seront reçues et enregistrés à Washington, sa création participe d’une opération de quadrillage du monde par les Etats-Unis, ces organisations pseudo-régionales étant complétées par un réseau de bases militaires dont Okinawa, Diego-Suarez et Guantanamo sont seulement les plus célèbres, et aussi par la non moins célèbre « ceinture verte » par laquelle la stratégie américaine entourait l’Union Soviétique d’un « mur » islamique, Ben Laden en tête.
Il est claire que cela constitue une double atteinte au droit des peuples à leur libre détermination, et particulièrement actuelle à l’heure du Traité Transatlantique, et donc bien un défi aux articles 2.4 et 51 de la Charte.
4ème et principale illégalité : Le mépris du principe de sécurité collective
Nous avons vu que la Charte interdit à tout Etat ou groupe d’Etats de s’arroger un pouvoir de police qui ne relève que des organes de la sécurité collective, et qui par-là abolit les affrontements potentiels cultivés par le système des alliances.
Et les organisations régionales envisagées par la Charte ne sont nullement prévues comme pouvant être des coalitions militaires puisqu’elles doivent répondre à ses principes.
De telles coalitions sont donc forcément en contradiction avec l’interdiction du recours à la force ou à la menace de la force, et au privilège exclusif des instances internationales universelles et égalitaires de sécurité collective, et de ce seul fait, elles n’ont pas plus de légalité  que des bandes armées et s’inscrivent au contraire en infraction évidente avec les règles de police officiellement et juridiquement organisées et seules licites.
Là encore, il y est fait référence dans les mots et, à des fins de couverture purement formelle, que le traité a défini dans l’article 5, la fonction de l’Organisation comme strictement défensive en ces termes : «  une attaque contre l’une d’elles sera considérée comme dirigée contre toutes, et chacune d’elle, en vertu du principe de légitime défense reconnu par la Charte, portera assistance à la partie attaquée ».
Mais nous avons vu que la défense préventive est interdite, et qu’un traité d’assistance militaire mutuelle entre membre d’une même région pour des attaques éventuelles, fussent-elles par des Etats étrangers à la région constitue une organisation de défense préventive et ne bénéficie donc nullement de la couverture de l’article de légalité de l’article 52.
L’OTAN constitue à tout cela un défi insolent, et a été créée hier en rupture hier avec tous les principes de la légalité internationale.
Si l’on devait néanmoins, bien à tort, admettre que le prétexte défensif à l’égard du bloc socialiste avait été le véritable et seul objet du Traité, l’effondrement du bloc socialiste et du pacte de Varsovie aurait dû entraîner la dissolution de l’OTAN en lui retirant sa raison d’être.
Or non seulement elle survit, mais les motifs de son illégalité n’ont fait que s’accuser davantage, à un plus insolent mépris encore de sa vocation prétendue et même de la lettre du traité.

L’OTAN aujourd’hui cumule de plus fort ces illégalités.
Concernant son régionalisme, les limites de l’océan Atlantique ne sont plus seulement « élasticisées » jusqu’à l’Elbe et à l’Adriatique. Dans le rassemblement ce sont maintenant la Roumanie et bientôt l’Ukraine qui sont atlanticisés.
Mais même si elle se limitait à des Etats d’Europe, l’OTAN serait illégale, à la fois en raison de la définition de ses objectifs et de son caractère militaire.
D’ailleurs l’illustration n’a pas tardé à en être donnée.
Or la Yougoslavie n’a jamais commis aucune attaque armée contre aucun État membre de l’OTAN, ni davantage l’Afghanistan lequel de surplus ne peut être considérés comme inclus dans des compétences régionale sauf à supposer que l’ampleur des conséquences du réchauffement de la planète a élevé le niveau de l’océan au point de reporter ses rives à l’Est de l’Afghanistan.
Et il en a été de même de l’intervention en Lybie, où certes ce fut sur le mandat de l’ONU, mais ce qui ne fait que fournir un exemple de la façon dont l’influence des puissances financières sur les Etats les conduit à entraîner l’ONU à être leur instrument de gouvernance au mépris du droit qu’elle a pourtant pour fonction de faire respecter ;
Plus que jamais maintenant l’OTAN agit ouvertement, insolemment pour ce à quoi elle a été destinée : un organe de police militaire (d’intervention armée) selon ses propres critère d’opportunité et de légitimité comme bras armée de domination de G20 sur le monde, en tant que gendarme mondial du libéralisme. C’est bien la caractéristique des groupes d’auto-défense.
Le renforcement de cette déviance par la perversion de l’OSCE
Ce qu’était et devrait redevenir l’OSCE
L’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la coopération en Europe) était à sa naissance le contraire et l’antidote de l’OTAN.
C’était en 1975, un produit de « l’Acte final » de la Conférence d’Helsinki. Cet acte a été mis au placard sous prétexte qu’il avait été signé au temps des deux blocs, et que cela le rendrait obsolète.
Or, même s’il est psychologiquement obéré de cette marque d’archaïsme, l’Acte, composé des résultats des 3 « corbeilles » en lesquelles s’était répartie la conférence (Droits de l’Homme, Sécurité mutuelle, Coopération économique), a été signé par tous les gouvernements d’Europe, et si l’on voulait bien le relire on constaterait que son contenu n’a rien perdu de sa pertinence exemplaire.
Tandis que dans le domaine des Droits de l’Homme, il prévoyait des modalités d’échanges d’expérience et de visites mutuelles de contrôle, le chapitre sur la coopération économique organisait celle-ci dans la prise en considération et le respect mutuel de la différence entre le système privilégiant l’économie privée et celui privilégiant l’économie publique.
Quant à la sécurité mutuelle, elle était fondée sur des perspectives de désarmement garanties par des mesures de confiance telles notamment que des inspections mutuelles.
Certes, ce n’était qu’un début, et il ne suffit pas qu’un texte existe pour qu’il opère. Mais intention et programme allaient dans le bon sens, et l’OSCE s’inscrivait dans les instruments de mise en œuvre. Notamment elle devait assurer cette fonction pour laquelle la Charte des Nations Unies prévoit les organisations régionales, de s’offrir aux concertations et à la solution négociée des conflits.
Après l’effondrement du système de l’Europe de l’Est, une logique hélas un peu naïve aurait conduit à penser que la disparition d’un motif majeur d’opposition loin de frapper d’obsolescence l’Acte final, aurait rendu sa mise en œuvre d’autant plus aisée, et que l’OSCE en serait l’outil bienvenu.
Or il n’a fallu que 8 ans pour qu’au contraire ce soit l’OSCE qui se réforme pour se mettre au service du gendarme.
Ce qu’est devenu l’OSCE
C’est en effet en 1999 (année de l’expédition contre la Yougoslavie), que l’OSCE réunie à Istanbul va se donner une nouvelle Charte qui en renverse la mission, pour en faire d’abord un instrument de police non seulement sur les Etats mais sur la politique interne que leur donne leur peuples et contre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, de police non pas seulement sur les États, mais sur la politique interne que leur donne leur peuple.
Il est d’abord proclamé, sous le titre « Défis communs » que «  les menaces pour notre sécurité peuvent résulter de conflits éclatant tant au sein d’un État qu’entre États  ».
Et l’intervention dans les affaires intérieures devient une telle priorité que la « Charte d’Istanbul » y consacre l’essentiel de ses dispositions nouvelles.
Elle commence par inscrire dans ses objectifs «  de créer des équipes d’assistance et de coopération rapides  », pour «  répondre rapidement à des demandes d’assistance et de mise en place d’importantes opérations civiles sur le terrain  » et pour que ce soit bien clair, elle ajoute «  de développer notre capacité de mener des activités de police afin de contribuer au maintien de la primauté du droit  ».
Les partisans du « droit » d’ingérence en cas d’atteintes graves aux droits de l’Homme y applaudiront peut-être, même si l’expérience enseigne que les Droits de l’Homme peuvent être un excellent alibi pour des interventions autrement inspirées.
Mais la notion de « primauté du droit » est autrement étendue.
La « Charte » indique que «  nous devons développer la confiance entre les individus à l’intérieur de l’État  » (autrement dit « la paix sociale »).
Mais surtout, affirmant ainsi sa mission de gendarme du libéralisme économique, elle précise «  Nous réagirons plus vigoureusement (…) en encourageant l’économie de marché  ». Certes on couvre sa garde en ajoutant «  tout en accordant l’attention voulue (sic) aux droits économiques et sociaux  », mais si l’on ne perd pas de vue que cela est écrit en 1999, on appréciera particulièrement le clin d’œil en direction des pays d’Europe orientale : «  Nous applaudissons au processus de transformation économique sans précédent qui se déroule dans de nombreux Etats participants. Nous encourageons ces Etats à continuer ce processus  ».
Le moment semble venu de noter que la première affirmation de la Charte d’Istanbul consiste à préciser que la plate-forme qu’elle constitue est destinée à «  renforcer la coopération entre l’OSCE et d’autres organisations et institutions internationales  » et de rappeler que, au même moment l’OTAN ne s’est lancé contre la Yougoslavie, sous le prétexte des Droits de l’Homme, qu’après que celle-ci ait refusé de souscrire aux accords de Rambouillet dont une clause secrète l’obligeait à privatiser soin économie.
Ainsi, à l’occasion d’une rencontre internationale, alors qu’il était remarqué que l’OSCE s’éloignait ainsi beaucoup de l’esprit de l’acte final d’Helsinki qui lui avait donné naissance, un diplomate participant à la direction de l’Organisation répondait en mettant à son actif d’avoir œuvré au passage d’anciens pays socialistes à l’économie de marché et un autre lui faisant écho résumait ainsi «  L’OSCE est la méthode soft et l’OTAN la méthode hard  ».
Et la boucle est bouclée quand la Charte d’Istanbul complète son rôle de fourrier civil de l’OTAN et de son extension géographique au-delà de tout critère régional, en déclarant : «  Nous réaffirmons que la sécurité des zones voisines, en particulier dans la région méditerranéenne et dans les zones à proximité directe d’États participants, comme ceux d’Asie centrale, revêt une importance croissante pour l’OSCE. Nous sommes conscients que l’instabilité des zones crée des problèmes qui affectent directement la sécurité et la prospérité des États de l’OSCE  ». Voilà donc pourquoi l’OTAN est à sa place en Afghanistan.
L’OTAN n’est donc ni une organisation régionale, ni une organisation de défense commune au sens de la Charte. Elle tend de plus en plus à s’affirmer comme organisation militaire participant d’un système global appelé à se substituer au système prévu par le Chapitre VII de la Charte avec une fonction de police mondiale dépassant largement le maintien ou le rétablissement de la paix.
On sait qu’elle nous entraîne à des dépenses militaires coûteuses dont nous n’avons pas la maîtrise, et qu’elle nous entraîne et peut nous nous entraîner à tout moment dans des aventures où nous perdons des hommes et notre image internationale pour des causes qui ne sont pas les nôtres. D’aucuns qui y consentent difficilement s’y résignent en pensant que nous y sommes juridiquement obligés. Il n’est pas inutile de leur faire savoir que le droit non seulement ne nous y oblige pas mais devrait nous dicter de nous en retirer et d’en combattre l’existence.
Il est d’autant plus nécessaire de le savoir et de le faire savoir que le droit est un combat et que les textes n’ont de valeur qu’en fonction de ce combat. S’opposer à une intégration aggravée dans l’OTAN et œuvrer à un retrait est un combat, comme est un combat d’imposer le respect de la légalité internationale.
Quand le Préambule de la Charte des Nations Unies proclame «  Nous Peuples des Nations Unies (…) avons décidé d’unir nos efforts. En conséquence nos gouvernements ont signé la présente Charte  », cela donne à l’intervention des Peuples une nouvelle dimension de citoyenneté qui, portant au niveau mondial la notion de souveraineté populaire, légitime l’action des peuples, appuyée sur les principes de la légalité internationale, et leur en donne non seulement le droit mais leur en confrère la responsabilité.
Il est donc du droit de notre peuple d’imposer à son gouvernement de se retirer de l’OTAN plutôt que d’y aggraver son implication, et de sa responsabilité vis-à-vis des autres peuples, d’en exiger la dissolution.
Monique et Roland WEYL

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