L’Otan et L’Algérie sur l’échiquier africain, par Idriss Aberkane
août 31, 2012
La partition du Soudan a fait de l’Algérie le plus grand pays d’Afrique par la superficie.
De l’extérieur cette situation la rend à la fois forte et vulnérable. Dans les immenses luttes d’influence qui opposent en Afrique les Etats-Unis, avec l’OTAN leur bras géopolitique, la Chine, l’Inde et la Russie, rarement l’Algérie n’a été autant mise sous pression.
Les Algériens doivent savoir que l’Algérie est un pivot stratégique, et que l’Afrique est à ce jour connue comme le continent le plus riche du monde en ressources naturelles. Par exemple si la totalité des richesses minières de la République Démocratique du Congo étaient mises sur le marché aujourd’hui, leur prix de vente excèderait de loin le produit intérieur brut annuel des Etats-Unis d’Amérique et de l’Union Européenne, la zone économique encore la plus riche du monde sur le papier. L’Afrique est donc en lutte perpétuelle pour son indépendance, autant qu’elle l’était pendant la colonisation, pendant la décolonisation, pendant la guerre froide et après la guerre froide. Les grandes puissances industrialisées d’hier, celles qui formaient la « triade »de la Commission Trilatérale : Etats-Unis, Union-Européenne et Japon, connaissent une crise sans précédent, et ont désespérément besoin de matières premières au plus faible coût : gaz naturel, pétrole, or, diamant, bauxite, cobalt et le coltan ou tantalite, alliage vital dans une immense partie de l’industrie électronique grand public. La Seconde Guerre du Congo dont on date le déclenchement à l’été 1998 est aussi connue comme la « Guerre du Coltan ». La prestigieuse revue médicale anglaise « Lancet » estime qu’elle aura fait jusqu’à 7,8 millions de morts jusqu’à aujourd’hui… Jamais les Etats-Unis n’ont été aussi endettés auprès des banques privées. La CIA établissait en 2011 l’ampleur de cette dette colossale a plus de 9100 milliards de dollars US, soit au moins 62% du Produit Intérieur Brut annuel américain, lui-même largement surévalué parce que sa valeur – celle des produits financiers de Wall Street – pourrait se volatiliser en quelques semaines. La dette publique américaine représente plus de 29000 dollars US par habitant. Dans la liste des pays les plus endettés viennent ensuite le Japon à 67000 dollars de dette par habitant, et l’Allemagne avec plus de 2400 milliards de dollars de dette publique soit plus de 30000 dollars par habitant. Les autres poids lourds économiques de l’Union Européenne : France, Royaume-Uni et Italie figurent dans les dix pays les plus endettés du monde. Par comparaison l’Algérie est huit fois moins endettée que la France à hauteur de son produit intérieur brut, six fois moins que les Etats-Unis et presque vingt fois moins que le Japon. L’économie dite « Occidentale » est entièrement basée sur l’endettement auprès des banques privées. Or l’Union Européenne ne peut plus financer sa dette, pas plus que les Etats-Unis d’ailleurs car contrairement à une croyance répandue et au sens commun la banque centrale Américaine, (laFederal Reserve) autant que la Banque Centrale Européenne qui émet l’euro, est une banque privée qui n’est ni aux ordres du gouvernement fédéral américain ni aux ordres du public. Pour emprunter, les pays de la zone euro doivent nécessairement faire appel aux banques privées (Deutsche Bank, JPMorgan-Chase, Goldman Sachs, etc.) qui elles seules bénéficient des crédits de la Banque Centrale Européenne qu’elles redistribuent ensuite avec les taux d’intérêts très élevés qu’elles obtiennent par les « agences de notation » auxquelles elles sont associées. Ce système d’intermédiaire non démocratique est odieusement coûteux pour l’Europe et a fait des peuples européens les esclaves des banques privées. Le journal Français Le Monde est allé jusqu’à parler de « Gouvernement Sachs Européen » dans un article intitulé « Goldman Sachs, le trait d’union entre Mario Draghi (le nouveau chef de la Banque Centrale Européenne), Mario Monti (le nouveau chef de l’état Italien), et Lucas Papadémos (le nouveau chef de l’état Grec) ». Le 29 juillet 2009 le Time pose la question : « après les « diamants sanglants » aura-t-on des « ordinateurs sanglants » ? ». La forte demande en matériel électronique de la part des pays les plus riches a en effet, en 2009, décisivement attisé les conflits dans la région des Grands Lacs Africains et notamment en République Démocratique du Congo, en augmentant le prix du coltan sur les marchés internationaux. Divide et impera disait Jules César : « divide and conquer » disent les anglophones, « diviser pour mieux régner » dira Napoléon. Tous les continents sur lesquels se sont affrontés les empires dans l’histoire du monde ont été profondément divisés : L’Asie Centrale, où s’affrontent encore l’OTAN, L’Inde, La Russie et la Chine est une des zones les plus divisées du monde. L’Europe Occidentale l’est aussi, où les guerres entre les empires ont fait naître le concept d’état-nation avant d’envahir l’Afrique, profondément divisée depuis elle aussi, comme les Balkans ont étés divisés pour empêcher l’Allemagne de se rapprocher de l’Empire Ottoman (l’Allemagne de 1914 voulait construire une voie de chemin de fer Berlin-Baghdad pour sécuriser ses approvisionnements en pétrole, inacceptable pour les Britanniques). Depuis cette division sera appelée « balkanisation » et elle est le signe d’une guerre imminente partout dans le monde. En effet les deux continents les plus divisés du monde sont les deux continents les plus en guerre au monde : L’Eurasie (avec une moyenne de 0,59 millions de kilomètres carrés par état) et l’Afrique (0,64 millions de km2 par état). Dans ces circonstances, ils sont très nombreux les états, les sociétés et les organisations qui voudraient diviser l’Algérie pour mieux s’en partager les ressources minérales (gas, pétrole, or, zinc, hélium) et stratégiques (Tamanrasset). Dans ces circonstances aussi, si l’Algérie savait être politiquement, socialement et économiquement exemplaire, elle pourrait se situer comme une force d’unification sur tout le continent Africain, au moins aussi puissante que l’Afrique du Sud. Ce dont l’Algérie a le plus décisivement besoin pour assurer son indépendance et la souveraineté de son peuple, ce sont de personnalités au charisme pacificateur comme Mahatma Gandhi et Nelson Mandela. Ordo ab chao : l’ordre né du chaos, est la devise de nombreux intérêts particuliers qui voudraient remodeler l’Afrique par la violence pour y accroître leur influence. La première force derrière la division du Soudan a été l’opportunité unique pour les Etats-Unis de retirer cet approvisionnement pétrolier vital à la Chine. La première force derrière le soutien International à la Syrie est la ferme volonté de la Chine et de la Russie de ne pas voir l’OTAN et notamment le Centcom, le Commandement américain au Moyen Orient, augmenter son influence dans la région. Depuis la Chine et la Russie sont en lutte ouverte avec l’Africom, le commandement US responsable de l’Afrique, dont le quartier général est basé à Stuttgart en Allemagne. Bien qu’aucun pays africain n’ait accepté jusque là d’abriter l’état-major de l’Africom, il est possible que celui-ci soit établi à Tripoli. Que peuvent donc faire les peuples pour défendre leurs droits fondamentaux face aux pouvoirs et intérêts des grandes puissances étrangères ? Les peuples peuvent et doivent refuser de se laisser manipuler par la violence, qui est le moyen préféré des empires pour remodeler des zones géographiques a leurs avantages. Gandhi dira : « il est un devoir sacré de ne pas collaborer avec le mal ». Quand l’Homme croit utiliser la violence pour arriver à ses fins, c’est bien toujours la violence qui l’utilise lui, pour arriver aux siennes. Gandhi aussi dira à Genève en 1931 : « je me considère comme un soldat, mais un soldat de la Paix », une attitude que tout Algérien devrait porter dans son cœur. Enfin le Mahatma expliquera : « je suis contre la violence car quand elle semble faire le bien, cela n’est que temporaire. Le mal qu’elle fait cependant, est permanent ». Al Djihad Al Akbar, le « Grand Combat » prescrit par l’Islam, infiniment supérieur au « petit combat » de la violence physique, est le combat contre soi-même. Ce combat est le plus grand de tous les combats, et le seul combat permanent pour la liberté des peuples. Sur l’échiquier Africain l’Algérie a été disputée dès son indépendance par l’URSS et les Etats-Unis, restant alliée de la Russie jusqu’au début des années 1990. Dans les années sanglantes aussi, l’Algérie sera âprement disputée à nouveau, conséquence directe de l’effondrement de l’URSS. Aujourd’hui tout ce qui était dans le pouvoir de l’OTAN a été fait pour irriter la Chine, en Asie Centrale comme en Afrique, de même qu’en 1914 absolument tout ce qui était en le pouvoir du Royaume Unis avait été fait pour irriter l’Allemagne. Mais si le Fond Monétaire International avait le monopole des crédits de soumission en Afrique après la chute de l’URSS en 1991, la Chine aujourd’hui propose pour la première fois une alternative rentable aux peuples africains, libérant des fonds et des moyens colossaux pour prendre pied dans le continent qui sera le plus stratégique pour elle. La volatilité de l’Afrique a toujours été dans les intérêts de ceux qui voulaient l’épuiser. Sur l’échiquier Africain l’Algérie, l’Algérienne et l’Algérien n’ont donc qu’une seule alternative : la liberté, l’éducation, l’émancipation et l’information dans la non-violence, c’est à dire la plus grande des violences faite à la violence elle-même. Le peuple Algérien ne sera fort que quand il sera libre et maître de lui-même, quand il dominera la haine plutôt que de se laisser dominer par elle. Alors aussi, le peuple algérien sera exemplaire à travers toute l’Afrique. Il entrera alors, enfin, de plein pied dans son destin et son histoire.
IRIB