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Moyen-Orient : un « point de non-retour » pour nos pitoyables clichés


Robert Fisk

Avec des rebelles syriens perpétuellement « sur le point de l’emporter », nous devrions être plus circonspects…

 
Hillary Clinton - criminelle en chef - et son caniche Fabius (le degré zéro de la diplomatie française) - à une réunion des "amis de la Syrie" à Paris le 6 juillet 2012

 
Hillary Clinton – criminelle en chef – et son caniche Fabius (le degré zéro de la diplomatie française) – à une réunion des « amis de
la Syrie » à Paris le 6 juillet 2012
 
Rappelez-vous les jours où nous avons pensé que le chemin de l’Égypte vers la démocratie était une affaire réglée ? Mohamed Morsi, validé par l’Occident, avait invité le peuple à venir le rencontrer dans l’ancien palais présidentiel de Hosni Moubarak, les vieux dandys militaires du « Conseil Suprême des Forces Armées » avaient été mis à la retraite et le Fonds Monétaire International attendait à la porte pour accorder certains de ses cadeaux empoisonnés à l’Égypte, pour la préparer à être soumise à notre bienveillance financière.
 
À la porte d’à côté, la Libye donnait la victoire au gentil, matérialiste et pro-occidental Mahmoud Jibril, promettant la liberté, la stabilité, un nouveau paradis pour l’Occident chez un des producteurs de pétrole les plus prolifiques du monde arabe. C’était un endroit où même les diplomates américains étaient censés pouvoir se balader sans protection.

La Tunisie pouvait avoir un parti islamiste dominant son gouvernement, mais il s’agissait d’une administration « modérée » – en d’autres termes, nous avons pensé qu’elle ferait ce que nous voudrions – tandis que les Saoudiens et l’autocratie du Bahreïn, avec l’appui bouche-cousue de MM. Obama et Cameron, liquidaient tranquillement ce qui restait du soulèvement chiite qui menaçait de nous rappeler à nous tous, que la démocratie n’était pas vraiment la bienvenue parmi les états arabes les plus riches. La démocratie, c’est pour les pauvres.

Sur le point de …

Il en va de même en Syrie. Au printemps de l’année dernière, le commentaire en vogue en Occident éliminait purement et simplement Bachar Al-Assad. Celui-ci ne méritait pas « de vivre sur cette terre », selon le Ministre français des affaires étrangères Laurent Fabius. Il doit « se démettre », « être mis sur la touche ». Son régime n’avait plus que quelques semaines à vivre, peut-être seulement quelques jours… C’était le « point de non-retour ».

Puis d’ici l’été, quand le « point de non-retour » était arrivé puis avait disparu, on nous a dit qu’Assad était sur le point d’employer les gaz « contre son propre peuple ». Ou que ses stocks d’armes chimiques pouvaient « tomber dans de mauvaises mains » (les « bonnes mains » étant toujours vraisemblablement celles d’Assad).

Les rebelles de la Syrie « s’approchaient de plus en plus » chaque jour – de la conquête de Homs, puis de Damas, puis d’Alep, puis de Damas encore. Et l’Occident soutenaient les rebelles. L’argent et les armes viennent à présent à foison du Qatar et d’Arabie Saoudite, en même temps que l’appui moral d’Obama, de Clinton,du pathétique la Haye, de Hollande, de toute cette fabrique de bons sentiments… Mais il s’est avéré inévitablement que les rebelles comprenaient beaucoup de salafiste, de bourreaux, de tueurs sectaires et, dans un cas précis, même un adolescent coupeur de têtes, qui se sont plutôt comportés de la même façon que l’impitoyable régime qu’ils combattent. L’usine à bons sentiments a dû inverser le fonctionnement de certaines de ses machines. Les États-Unis soutenaient toujours les bons rebelles laïques, mais considéraient maintenant les horribles rebelles salafistes comme une « organisation de terroristes ».

Et le pauvre vieux Liban, inutile de le dire, était sur le point d’éclater en guerre civile pour la seconde fois en moins de 40 ans, et cette fois parce que la violence de sa voisine la Syrie « se déversait » chez lui.

Le Liban n’a-t-il pas la même division sectaire que la Syrie ? Le Hezbollah libanais n’était-il pas un allié d’Assad ? Les sunnites du Liban ne soutenaient-ils pas les rebelles syriens ? Tout cela est vrai. Mais les Libanais ne sont pas obligés de se conformer aux « groupes de réflexion », aux journaleux et « experts » sur-payés, car bien qu’assaillis par des tueurs à la solde des services syriens du renseignement, ils étaient trop intelligents et instruits pour vouloir retourner au chaos des années 1975-90. L’Iran, naturellement, était sur le point d’être bombardé parce que c’était – ou serait sur le point de devenir – un fabricant d’armes nucléaires, ou pourrait – « pourrait » – fabriquer des armes nucléaires dans un mois, ou une année, ou une décennie.

Terreur

Obama ne pouvait pas bombarder l’Iran, il ne le voulait pas vraiment, mais – attendez – « toutes les options » étaient « sur la table ». Et ainsi en était-il naturellement avec Israël, qui voulait bombarder l’Iran parce qu’il pouvait, ou pourrait, fabriquer des armes nucléaires ou était en train de le faire, ou pourrait le faire dans six mois, ou dans une année, ou plusieurs années. Mais – là encore – « toutes les options » étaient « sur la table ». La possibilité de le faire pour Netanyahu se fermerait, nous a-t-on dit, à l’élection présidentielle américaine. Et cette absurdité a continué jusque… et bien… jusqu’à l’élection présidentielle américaine, et jusque là nous avons été abreuvés de cris d’alarme selon quoi l’Iran produisait, ou pouvait, ou pourrait produire une arme nucléaire.

Israël a également menacé le Liban parce que le Hezbollah avait des milliers des missiles, et menacé Gaza parce que les Palestiniens avaient des milliers de missiles. Et beaucoup de journalistes israéliens – avec leurs clones américains – ont préparé leurs lecteurs à ces deux guerres contre la « terreur ». Toujours est-il que le Liban est resté non-bombardé tandis qu’un conflit très frustrant (du point de vue d’Israël) éclatait entre Israël et le Hamas, et qui s’est terminé quand Morsi – l’allié supposé de l’Occident – a persuadé les Palestiniens de se conformer à un cessez-le-feu que Netanyahu alors a dû alors tristement accepter. Il a ainsi renforcé le prestige de Khaled Meshal qui a plus tard annoncé que la Palestine devra un jour à nouveau s’étendre complètement depuis le fleuve Jourdain jusqu’à la mer Méditerranée. En d’autres termes, il n’y aura plus d’Israël. Alors que le Ministre israélien des affaires étrangères, Avigdor Lieberman [sur le point de devoir démissionner] et ses copains avaient dit bien avant qu’Israël devait exister de la mer et jusqu’au fleuve Jourdain. En d’autres termes, plus de Palestine… Ce qui a permis de dire au courageux – et très vieillissant – Uri Avnery, que si chacun des deux camps voyait son souhait exhausser, il ne resterait qu’une tombe ouverte entre le fleuve et la mer.

Une langage qui n’a plus de sens

Ainsi la fin de l’année, l’amical et câlin Mohamed Morsi « se la jouait » Moubarak et ramenait à lui tous les vieux pouvoirs autoritaires disponibles, tandis qu’une constitution très controversée mettait le feu à la population laïque, dont les Musulmans et Chrétiens que Morsi avait pourtant promis de servir. En Libye, naturellement, les États-Unis se sont avérés avoir plus d’ennemis qu’ils ne l’imaginaient ; l’ambassadeur a été assassiné par une milice du type Al-Qaïda – et un jury doit tirer au clair ce qui s’est passé en dépit des dissimulations de la Clinton.

En effet, c’est l’organisation Al-Qaïda elle-même – politiquement en faillite avant le meurtre d’Osama bin Laden par un commando américain d’assassins en 2011 – qui a été quasiment remise en selle par la Maison Blanche avant la réélection d’Obama. Ces desperados du wahhabisme ont acquis cette habitude si appréciée dans les films d’horreur, de ressusciter sous diverses formes en différents endroits Le Mali a remplacé l’Afghanistan, comme la Libye a remplacé le Yémen et comme la Syrie a remplacé l’Irak.

Un conseil, donc, pour les potentats et dictateurs du Moyen-Orient, les présentateurs de télévision et les journaleux frimeurs en Occident. En 2013, évitez d’employer les mots ou les expressions qui suivent : modérés, démocratie, se démettre, mis sur la touche, tomber dans de mauvaises mains, cerner, renverser, les options sur la table ou la terreur, la terreur, la terreur, la terreur… Est-ce trop demander ? Certainement. Nous aurons assurément une nouvelle dose de bons vieux poncifs pour remplacer ceux qui ont déjà rempli leur fonction.


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