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Oligarques libanais (dans « La Reine de Beyrouth »)


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Oligarques libanais (dans « La Reine de Beyrouth »)

Publié par Gilles Munier sur 22 Janvier 2018, 09:33am

Catégories : #Liban, #Beyrouth

Par Habib Tawa

Dans « La Reine de Beyrouth »* un banquier reconverti dans l’écriture conte les tours, les contours et les détours de certains mafieux, de haut vol dont il masque les identités.

Le maelström qui balaie depuis plusieurs décennies le Proche-Orient n’a pas manqué de faire des ravages au Liban. Emportant hommes et biens comme des fétus de paille, ce cyclone a laissé derrière lui des épaves, mais a vu aussi surnager de surprenantes résurgences et d’impressionnants mastodontes. Interpellé par ces catastrophes à répétitions, qui frappent son pays, Nabil Malek s’interroge, y trouvant plusieurs causes. A son avis le confessionnalisme, avec comme a priori l’identification aveugle à sa propre communauté en parallèle à la stigmatisation de qui n’est pas comme soi, lui apparaît malsaine et belligène. Il découvre aussi le rôle délétère d’Israël et de son Mossad. En revanche, il s’extasie face aux brillantes réussites de nombreux Libanais à travers la planète dans les diverses activités humaines, sans en trouver l’explication.

Afin de décrire quelques-unes des multiples facettes de ces destins heurtés notre romancier a rédigé un livre à clefs. Il est vrai qu’introduit dans les milieux d’affaires, , sa connaissance des situations lui a permis de regarder derrière la scène. Il a découvert certains des tireurs de ficelles et , tout en dissimulant leur identité sous des voiles à peine trompeurs, en dénonce les manœuvres délétères. Ayant surnagé au naufrage du plus grand nombre, ils ont alors abusé à leur propre profit de la faiblesse et de la désespérance de ces malheureux.

Dans sa saga mouvementée l’argent est roi et l’ambition démesurée qui ronge ses adorateurs les conduit aux pires vilenies. D’une plume sans complaisance, nous est décrite, non seulement les basses intrigues qui les amènent à accumuler milliards sur milliards, mais la bonne conscience qu’ils parviennent à se forger. Impavides face aux criantes évidences qui devraient les accabler, ils s‘en vont attribuant aux circonstances leurs dévoiements. Confrontés à des dilemmes prétendument contraignants, ils affirment la conscience en paix avoir choisi le moindre mal, bien qu’ayant ramassé au passage de beaux dividendes de leur forfaiture et oublié les victimes de leurs actes. Bien sûr leur réussite ne saurait être que le fruit de leurs mérites, de leur sagacité et de leur labeur… Bref, un cynisme paisible semble les habiter, conforté par les positions acquises.

Nabil Malek

Dans cet univers où Mammon règne, Nabil Malek nous introduit à petits pas. Partant du destin apparemment commun d’un jeune garçon et de sa famille, pris dans la tourmente de la guerre civile libanaise et de ses horreurs, il nous entraîne progressivement dans les milieux de la gentry internationale en Suisse, puis dans celui de la haute finance anglo-américaine. La dépravation des mœurs, le mirage de l’ascension facile liée aux compromissions pleinement assumées s’y mêlent à des incursions dans les arrière-cours de l’art contemporain. Sans vouloir dévoiler le cheminement de deux arrivistes forcenés et de leur immoral mentor qui habitent ce livre à multiples rebondissements, on relève qu’il dépeint d’une langue acérée les pratiques quotidiennes des quelques rois politico-financiers (d’ailleurs plus serviteurs de l’or que du pouvoir) qui tiennent le haut du pavé au Liban et dans sa diaspora.

Cinquième ouvrage de ce « financier écrivant » selon sa propre définition, ce roman à tiroirs est rédigé sur plusieurs niveaux. Un narrateur y relate l’histoire, tout en négociant parallèlement sa mise en forme cinématographique avec un réalisateur. célèbre. Simultanément à son évocation des événements, le narrateur en devient aussi acteur. Pour apprécier cette œuvre, il faut donc s’y plonger jusqu’au bout. En particulier, la traversée de longues périodes descriptives ou psychologiques ou conceptuelles s’impose au lecteur. Souhaitons à Nabil Malek un succès à la hauteur de ses espérances. Tout compte fait cette « Reine de Beyrouth » qui semble le fasciner ne serait-elle pas la révélatrice de « L’arène de Beyrouth » où tout se noue ?

(*) La reine de Beyrouth, Nabil Malek, Les impliqués éditeur (L’Harmatan), 306 p., 2017, 22 Euros

Entretien avec l’auteur sur You Tube (11’33)

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