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ONU / Syrie : Bachar al-Jaafari répond aux porte-plumes du droit humanitaire…


Syrie
Mercredi 25 septembre 2019

Le 19 septembre courant, deux camps se sont affrontés au Conseil de sécurité, a priori au sujet de la situation humanitaire dans le gouvernorat d’Idleb en Syrie ; lequel, comme chacun le sait, est en grande partie toujours contrôlé par Hay’at Tahrir al-Cham, alias le Front al-Nosra, alias Al-Qaïda, bien que l’Armée syrienne continue d’avancer.

Deux projets de résolution concurrents ont été soumis aux votes. L’un, présenté par l’Allemagne, la Belgique et le Koweït, défendait l’idée que le droit humanitaire prime sur tout le reste, d’où l’exigence d’une cessation des hostilités quasi immédiate à partir du 21 septembre courant. L’autre, présenté par la Russie et la Chine, défendait l’idée qu’en l’occurrence, la cessation des hostilités ne pouvait pas s’appliquer à la lutte militaire contre des individus ou des groupes terroristes.

Le premier projet prétendument « purement humanitaire » a été rejeté par un double veto russo-chinois [le 13ème pour la Russie ; le 8ème ou le 9ème pour la Chine ?]. Le deuxième projet a été rejeté par 9 voix contre [Allemagne, Belgique, États-Unis, France, Koweït, Pérou, Pologne, République Dominicaine et Royaume-Uni] et 4 abstentions [Afrique du Sud, Côte d’Ivoire, Guinée équatoriale et Indonésie].

Pour mémoire, voici la réponse du Dr Bachar al-Jaafari aux porte-plumes du droit humanitaire, notamment au délégué du Koweit, lequel a exprimé son mécontentement en concluant : « l’Histoire se souviendra de cette séance et de la position de chacun ».

En effet, l’Histoire se souviendra et les Syriens aussi… [NdT].

Monsieur le Président,

Nous voici de nouveau face à une scène d’une absurdité surréaliste de par la volonté de trois États occidentaux -membres permanents du Conseil de sécurité- dissimulés derrière la campagne de porte-plumes engouffrés, depuis le dernier exposé de l’OCHA [Bureau de la coordination des affaires humanitaires], dans la conception d’un projet de résolution politique partiale, non d’un projet de résolution humanitaire, intitulé : « Cessez-le feu au nord-ouest de la Syrie ».

Ainsi, il est désormais certain que l’encre des porte-plumes sèche dès que le sujet se trouve en rapport avec les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, passés et actuels, commis par ladite « Coalition internationale », menée par les États-Unis, et ses instruments ou agents au sein d’organisations terroristes et de milices illégitimes.

Tout comme leur encre sèche lorsqu’il s’agit de présences illégales américaine, britannique, française et turque sur le sol de mon pays, ou d’agressions israéliennes répétées, encouragées par le silence de votre Conseil et l’immunité accordée aux pratiques des autorités d’occupation israéliennes par certains de ses États membres permanents, depuis la création de cette organisation internationale [des Nations Unies].

Monsieur le Président,

Certains collègues ont dit que la lutte contre le terrorisme ne dispense pas les États de respecter leurs obligations au regard du droit international humanitaire. Mais, je ne les ai pas entendus dire que la fabrication du terrorisme ne dispense personne de respecter ses obligations au regard du droit international et des dispositions de la Charte. Le droit international et les dispositions de la Charte sont prioritaires ou, disons, qu’ils sont sur un même niveau que le droit humanitaire. Mais, qui veut respecter le droit international humanitaire doit respecter le droit international et les dispositions de la Charte.

L’Histoire se souviendra de cette session ? Oui, parce qu’elle a été programmée pour perturber la présidence russe [du Conseil de sécurité], comme cela est déjà arrivé le 8 octobre 2016, alors que la Fédération de Russie [comme aujourd’hui] présidait les travaux de ce Conseil. Oui, l’Histoire se souviendra de cette session parce que son but n’est pas d’aider le peuple syrien, mais de manipuler politiquement le dossier humanitaire et de gêner la présidence russe.

Monsieur le Président,

Comme pour les précédentes résolutions adoptées par le Conseil de sécurité, le projet de résolution d’aujourd’hui réaffirme dans le deuxième alinéa de son préambule, et je cite :

« son ferme attachement à la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale de la République arabe syrienne ».

Cependant, les pratiques des porte-plumes témoignent de l’énorme fossé entre le principe et l’application de ce paragraphe en particulier, vu leur violation de la souveraineté de la République arabe syrienne à travers cette campagne menée sous une bannière humanitaire ; ce qui est inacceptable.

En effet, comment ces porte-plumes pourraient-ils mener et s’acquitter de ce projet de résolution à visée prétendument humanitaire, alors qu’ils ont œuvré à convoquer cette réunion et à présenter leur projet sans consultation ou coordination avec la délégation syrienne ?

Et, comment se peut-il qu’ils ignorent le fait que l’État syrien a accepté un cessez-le-feu dans la zone de désescalade d’Idleb à partir du 30 août dernier, tout en se réservant le droit de répondre à toute violation de la part des terroristes, conformément aux accords d’Astana et de Sotchi sur la création de zones de désescalade en Syrie ?

Aussi, nous avons le droit de nous interroger sur les raisons qui ont poussé ces porte-plumes à ne pas exclure les organisations terroristes de leur projet, alors que nul n’ignore que l’Accord d’Astana relatif à la mise en place des zones de désescalade n’inclut pas les groupes armés qualifiés par le Conseil de sécurité d’entités terroristes.

Pour rappel, l’accord d’Astana comporte un ensemble d’obligations, notamment celle qui contraint les organisations armées, signataires de l’accord, à rompre leurs liens avec les organisations terroristes, notamment Daech, le Front al-Nosra et autres organisations associées. De plus, les deux accords d’Astana et de Sotchi affirment le droit du gouvernement syrien et de ses alliés d’affronter les organisations terroristes, abstraction faite du nom qu’elles se donnent.

En plus de ces obligations ignorées par les porte-plumes du droit humanitaire, comment croire qu’ils se soucient de la situation humanitaire en Syrie, alors qu’ils font mine d’ignorer la cause principale de la crise syrienne : le terrorisme malheureusement soutenu par des États, dont certains sont des membres permanents de ce Conseil, ainsi que les milliers de combattants terroristes étrangers présents en Syrie ?

Pour exemple, le gouvernement allemand a récemment annoncé, suite à une question posée devant le parlement par l’expert des affaires intérieures du Parti libéral [Constantin K ?], que le nombre de terroristes allemands rendus en Syrie et en Irak a atteint un total de 500, dont 360 combattent toujours dans les rangs des organisations terroristes. Ce sont là des statistiques du gouvernement allemand. Elles confirment une certitude : la présence de centaines de terroristes venus d’Europe

À ce propos et pour répondre à la demande de confirmation exprimée lors de la dernière réunion de ce Conseil par notre collègue le délégué du Koweït :

Lorsque j’ai parlé de l’existence d’un mouvement salafiste au Koweït, il a répondu : il n’existe pas de mouvement salafiste au Koweït. Et lorsque j’ai cité un terroriste du nom d’Al-Mteiri, il a répondu : le dénommé Mteiri n’existe pas. Voici l’annonce distribuée par le mouvement salafiste au Koweït, avec des photos de Koweitiens, sous le titre : « Wage War Jihad for Syria » :

Toutes ces photos sont celles de Koweitiens appartenant au mouvement salafiste koweitien et l’annonce est publiquement affichée dans des rues koweitiennes. Et voici une autre annonce…

Quant à l’article du New York Times concernant un sergent de l’armée koweitienne nommé Al-Mteiri, que mon collègue koweitien a réfuté, le voici. Il a été rédigé par le correspondant du NYT au Koweït. Je cite en anglais (extrait que nous traduisons ci-dessous) :

« Ghanem al-Mteiri collecte les fonds et les achemine vers la Syrie pour les rebelles combattant le président Bachar al-Assad.
M. Mteiri, un Koweitien parmi des dizaines d’autres Koweïtiens qui collectent ouvertement des fonds pour armer l’opposition, a contribué à transformer ce minuscule et riche État du golfe Persique en une sorte de Western Union pour transfert d’argent aux rebelles syriens, le gros des fonds récoltés allant à des Syriens affiliés à Al-Qaïda.
Un don venant du Koweït a permis de collecter des fonds pour équiper 12000 combattants rebelles à 2500 dollars chacun ».

Écoutez particulièrement ceci :

« Les donateurs sont récompensés d’un «statut silver» ou d’un « statut gold » selon qu’ils donnent 175 dollars pour 50 balles de sniper ou le double pour 8 coups de mortier » ! [1]

Et, concernant la « Carnegie Institution », institution américaine, voici deux études portant sur le mouvement salafiste koweitien et son soutien aux terroristes en Syrie et en Irak :

Brothers in Alms: Salafi Financiers and the Syrian Insurgency [2]
Kuwaiti salafism and its growing influence in the Levant [3]

Et donc : lors de la précédente réunion du Conseil de sécurité, le délégué du Koweït m’a demandé de présenter des noms et des documents prouvant le soutien de Koweitiens au terrorisme si toutefois j’en possédais. C’est chose faite. Ceux qui parmi vous souhaiteraient des copies pourront prendre contact avec la délégation syrienne permanente à l’ONU, à New York.

Monsieur le Président,

Comment se peut-il que les portes-plumes dudit projet humanitaire et ceux qui l’ont adopté soient soucieux de la situation humanitaire en Syrie, alors que dès le premier jour ils se sont associés à ladite Coalition internationale, illégitime, prétendument destinée à combattre Daech, mais laquelle n’a jamais combattu le terrorisme et a systématiquement et délibérément détruit des infrastructures syriennes dont les ponts sur l’Euphrate, les silos à grain, les écoles, les hôpitaux, les villages paisibles, tuant des milliers de civils, sauvant des dirigeants de Daech à Hajine, Bagouz et Raqqa, afin de les recycler dans d’autres pays en tant qu’« opposition terroriste démocratique modérée » ?

Comment se peut-il que les portes-plumes dudit projet humanitaire soient soucieux de la situation humanitaire en Syrie, alors qu’ils font mine d’ignorer le danger de l’annonce par les États-Unis et la Turquie d’un accord sur la création d’une dite « zone de sécurité » en territoire syrien, leurs patrouilles conjointes étant déjà opérationnelles, dans le but de compliquer et de prolonger la crise en Syrie par la création de nouvelles réalités sur le terrain dans les régions occupées illégalement par leurs forces militaires ?

Et comment se peut-il que les portes-plumes dudit projet humanitaire soient soucieux de la situation humanitaire en Syrie, alors qu’ils contribuent au terrorisme économique consistant à imposer des mesures économiques coercitives unilatérales dont les effets sont désastreux sur les citoyens syriens, en plus de leur effet limitant les capacités du gouvernement syrien à mieux répondre à leurs besoins ?

Monsieur le président,

Partant de ce qui précède, le gouvernement de mon pays tient à remercier les États ayant voté contre ce projet de résolution et je cite nommément la délégation de la Fédération de Russie et la délégation de la Chine populaire, ainsi que les délégations qui se sont abstenues, afin de sauvegarder les principes du droit international et les dispositions de la Charte des Nations Unies, notamment le respect de la souveraineté des États et la non-ingérence dans leurs affaires intérieures.

Merci Monsieur le Président

Reprise de parole suite à l’intervention du délégué permanent du Koweït considérant que le Dr. Al-Jaafari puise ses témoignages dans la presse et ne prouve rien :

Veuillez m’excusez de prendre la parole pour la troisième fois. Je ne serai pas long. La dernière chose à laquelle je pense est de créer une situation d’irritation réciproque entre mon collègue délégué du Koweït et moi-même. Je ne cherche que l’intérêt de mon pays et mes paroles s’adressent à vous tous :

Premièrement, nous ne faisons plus partie de la Ligue arabe depuis qu’elle est venue devant ce Conseil pour tenter de le retourner contre nous et de militariser ce qui se passait en Syrie. C’est pourquoi l’évocation de la Ligue arabe en tant que référence par mon collègue délégué du Koweït est incorrecte. Nous ne sommes pas partie prenante dans la Ligue arabe et nous ne sommes pas partie prenante dans l’Organisation de la Coopération islamique. Il n’est donc pas possible de se référer à ces deux organisations pour parler d’une quelconque obligation politique concernant le gouvernement de mon pays.

Deuxièmement, nos informations ne sont pas uniquement puisées dans les journaux. Nous sommes un gouvernement responsable. Nous avons des services de renseignement solides. Nous avons des institutions. Et, nous avons saisi des dizaines de milliers de documents trouvés dans les tanières des terroristes. Des documents écrits de leurs propres mains et contenant une énorme quantité d’informations, lesquelles indiquent la participation du Golfe au parrainage du terrorisme en Syrie. C’est indubitable. Nous vous avons envoyé des centaines de lettres avec les noms, les adresses, les accusations, les lieux, etc. Des lettres à votre portée au Conseil de sécurité. Et il nous reste quantité d’autres [informations] dont nous parlerons le moment venu.

D’ailleurs, chaque fois qu’une délégation du Conseil de sécurité concernée par la lutte anti-terroriste a visité la Syrie, elle a été stupéfaite des informations communiquées par Damas. Interrogez le chef de l’équipe d’observateurs et d’enquêteurs dépendant de votre organisation sur les résultats de leur dernière visite.

L’opiniâtreté en cas d’erreur est plus nuisible que l’erreur elle-même. Faisons en sorte qu’elle cesse : il y a parrainage du terrorisme en Syrie et c’est chose indubitable, en Syrie et en Irak !

À moins d’admettre que cette poubelle d’ordures d’apparence humaine, nommée Daech ou Front al-Nosra, ne nous soit arrivée de la planète Mars :

Qui a parrainé ces terroristes ?

Qui leur a délivré des visas et leur a permis de circuler de capitale en capitale ?

Qui a payé les 2500 dollars au combattant terroriste transformé en sniper pour tuer des Syriens ?

Qui les a entraînés ?

Comment sont-ils recyclés et transportés d’Idleb en Syrie, vers le Nigeria, l’Algérie, l’Afghanistan et puis le Yémen ?

Autant de questions à confier aux diplomates professionnels, non aux amateurs. C’est là un très grave problème. Ce que nous endurons aujourd’hui vous atteindra demain ou le jour d’après. Si vous vous comportez avec complaisance à l’égard de la lutte anti-terroriste en Syrie, le terrorisme vous atteindra tous.

Oui, nous avons des monstres à visage humain venus d’Europe, de pays arabes et d’Asie centrale ; des monstres d’apparence humaine. Si vous voulez leur appliquer le droit humanitaire, prenez-les. Emportez-les dans vos villes et vos capitales. Ramenez-les là d’où ils sont venus. Nous n’en voulons pas !

Nous n’en voulons pas et nous avons le droit de les combattre jusqu’au dernier, ce qui relève de notre souveraineté et du droit international.

Merci Monsieur le Président.

Dr Bachar al-Jaafari
Délégué permanent de la Syrie auprès des Nations-Unies
19 septembre 2019

Transcription et traduction par Mouna Alno-Nakhal

Sources : videos / The Syrian Mission to the United Nations

https://www.youtube.com/watch?v=fIkjOvYxeuA https://www.youtube.com/watch?v=GPOc2d3YLto

Notes :

[1] [Private Donors’ Funds Add Wild Card to War in Syria]
L’extrait traduit : « Ghanim al-Mteiri gathers the funds and transports them to Syria for the rebels fighting President Bashar al-Assad.Mr. Mteiri — one of dozens of Kuwaitis who openly raise money to arm the opposition — has helped turn this tiny, oil-rich Persian Gulf state into a virtual Western Union outlet for Syria’s rebels, with the bulk of the funds he collects going to a Syrian affiliate of Al Qaeda.One Kuwait-based effort raised money to equip 12,000 rebel fighters for $2,500 each »… Donors earn “silver status” by giving $175 for 50 sniper bullets, or “gold status” by giving twice as much for eight mortar rounds ».

[2] [Brothers in Alms: Salafi Financiers and the Syrian Insurgency]

[3] [ KUWAITI SALAFISM AND ITS GROWING INFLUENCE IN THE LEVANT ]

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Source : Mouna Alno-Nakhal

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