Paradise Now
octobre 19, 2013
Sortie le 16 octobre 2013
Le cinéaste de Paradise Now filme toutes les urgences (de se sauver, de résister, d’aimer, de vivre, de survivre) avec la nervosité propre aux meilleurs thrillers. Axé sur un cas de conscience inextricable et insolvable, Omar, magistralement filmé, décrit une ville dans laquelle les courses poursuites décuplent la tension permanente et historique et confère à l’ensemble l’allure du film de guerre. Epoustouflant.
Une ville de Cisjordanie. Le mur de la honte, ainsi que l’ont baptisé ses opposants. Omar, jeune palestinien, le franchit régulièrement pour y retrouver celle qu’il aime, Nadia et ses deux amis d’enfance, Tarek et Amjad. Les trois garçons, voulant créer leur propre réseau de résistance, s’arment mais leur première opération tourne mal. Omar se retrouve dans une geôle israélienne d’où il ne ressort qu’en échange d’une promesse : trahir les siens. Un dilemme doublé d’une traque commence pour lui.
La tension permanente que fait régner Hany Abu-Assad n’est pas sans rappeler celle de « Paradise Now » qui traitait un peu du même sujet. On retrouve cette même objectivité dans le propos, ce constat que sous-tend la situation historique et quotidienne de ces jeunes embarqués dans une spirale infernale. La nécessité de se taire dans « Paradise Now » (la soirée d’adieu avant d’aller commettre l’attentat suicide) est substituée ici par celle de ne pas parler car la parole tient lieu de trahison. Associée à cette traque constante du personnage principal, auquel Adam Bakri apporte une incroyable crédibilité, le propos vire au thriller pur. Les courses poursuites prennent ici, dans ce décor labyrinthique de rues étroites, une force nourrie par l’enjeu et l’état d’urgence, autrement plus prégnante que dans certaines productions US.
En contrepoint à cette nervosité, le cinéaste prend le temps de filmer ses personnages, leurs conflits intérieurs, leur quotidien. Au cours de cette terrible scène de contrôle d’identité quasiment en plan fixe ou, pire encore, celles de torture, le temps semble s’arrêter, se délier dans un suffocant réalisme. Ce réalisme quasi documentaire que l’on retrouve dans ces plans de panneaux publicitaires (pour une bonne literie, « plantez de l’espoir ») bien vains et illusoires mais témoignant de la double vitesse de tout le propos. La gestion parfaitement calibrée de ce film où ces idéalistes pas encore vraiment adultes se livrent à une lutte perdue d’avance, lui confère une force suggestive démentielle. On sort K.O de cette histoire qui puise avec autant d’acuité dans son ainée, celle avec un grand « H ». Un des plus beaux films de cette année 2013.
Franck Bortelle