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Pour Khaled Mechaal, c’est le Hamas qui mène désormais la lutte palestinienne


Pour Khaled Mechaal, c’est le Hamas qui mène désormais la lutte palestinienne
Dans une interview à MEE, le responsable de la diaspora au Hamas appelle les Palestiniens à un « soulèvement global » contre l’occupation israélienne
Par David Hearst

Published date: Dimanche 30 mai 2021 –

e Hamas mène aujourd’hui le peuple palestinien parce que la vocation première des dirigeants sous l’occupation est de mener le peuple vers la liberté et la libération, assure à Middle East Eye Khaled Mechaal, responsable de la diaspora au Hamas.

Dans la première interview en anglais du mouvement depuis le cessez-le-feu de vendredi dernier avec Israël, Khaled Mechaal appelle à un soulèvement global « partout » dans la Palestine historique : à Jérusalem et dans sa vieille ville, en Cisjordanie occupée et en Israël.

Ce cadre, qui a dirigé le bureau politique du Hamas jusqu’en 2017, assure également que le mouvement est prêt à discuter avec les États-Unis.
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Il trouve curieux que le gouvernement du président Joe Biden dialogue avec les talibans, qui combattent activement les troupes américaines en Afghanistan depuis près de vingt ans, en refusant par ailleurs d’engager le dialogue avec le Hamas, qui ne combat pas les États-Unis mais est désigné comme une organisation terroriste par Washington depuis 1997.

Il prévient toutefois que le Hamas resterait sur ses positions concernant Israël.

« Voici mon message à Biden, aux États-Unis et à l’ensemble des États occidentaux qui continuent à placer le Hamas sur la liste des organisations terroristes. Je leur dis : qu’importe le temps que cela prend, le Hamas ne cédera pas à vos conditions. »

« Nous ne vous considérons pas comme nos ennemis, bien que nous nous opposions à bon nombre de vos politiques biaisées que ce soit en faveur d’Israël ou contre nos intérêts arabes et musulmans dans d’autres domaines. Nous ne combattons aucun d’entre vous. Donc nous sommes prêts à communiquer avec quiconque sans conditions », ajoute-t-il.
« La normalisation, une illusion »

Le responsable estime que la normalisation des relations des pays arabes avec Israël est non seulement un coup de poignard dans le dos des Palestiniens, mais que cela nuit aussi à leurs propres intérêts en risquant une révolte populaire.

« Ce qu’ils espèrent obtenir d’Israël est une illusion », met en garde Khaled Mechaal. « Et s’ils n’en ont pas honte, ils ont peu de marge de manœuvre parce que l’opinion publique sera contre eux. »

En Palestine, le Hamas a remarqué un soutien populaire accru suite à sa décision de lancer des missiles contre Israël en réaction aux attaques israéliennes contre la mosquée al-Aqsa et les habitants de Sheikh Jarrah.
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Ce soutien provient de zones qui ne sont pas traditionnellement sous son contrôle et où ses membres ont fait l’objet d’arrestations, en Cisjordanie occupée et parmi les citoyens palestiniens d’Israël.

Interrogé sur l’autorité de Mahmoud Abbas en tant que président palestinien après les derniers affrontements, Khaled Mechaal répond : « Nous n’excluons personne et nous ne minimisons le rôle de personne.

Cependant, il ne fait aucun doute que tout le monde a vu que Hamas a renforcé sa légitimité et son statut au sein de la direction palestinienne parce qu’il a mené la lutte ces derniers temps, et particulièrement lors du dernier cycle de violences. »

Pour la première fois depuis des années, des drapeaux du Hamas ont flotté aux côtés de ceux du Fatah dans les manifestations à Naplouse ; vendredi dernier, un imam ayant refusé de mentionner Gaza dans son sermon à al-Aqsa a mis dehors par des fidèles furieux.

À Jérusalem et à Umm al Fahm dans le nord d’Israël, des manifestants ont scandé le nom de Mohammed Deif, chef de l’aile militaire du Hamas, les brigades Ezzedine al-Qassam, qu’Israël a tenté d’éliminer lors de ce conflit.

Pour Mechaal, la vocation première des dirigeants dans ces conditions est la lutte et la résistance et de mener les Palestiniens vers la liberté et la libération.
Les élections ne sont pas la seule option disponible

Quelques semaines avant les affrontements, le Hamas s’était préparé à briguer les élections contre le Fatah et les autres factions palestiniennes avant leur report par Mahmoud Abbas.

Khaled Mechaal assure que le Hamas a confiance en lui et est toujours prêt à se présenter face aux urnes, mais que les élections ne sont pas la seule option disponible.

« Le Hamas n’a pas peur de se présenter devant le peuple via les urnes. Peut-être que d’autres ont peur », explique-t-il, comme une pique en direction de Mahmoud Abbas.

Avant de renchérir : « Toutefois, une fois encore, est-ce que les élections sont la seule option ? Est-ce le seul composant d’un système de réconciliation pour remettre les pendules à l’heure chez les Palestiniens ? Non. »
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Il indique que les Palestiniens sont un peuple avec une cause commune et appelle à un soulèvement global partout.

« À Jérusalem où le danger plane sur al-Aqsa, à Sheikh Jarrah et dans la vieille ville et partout à Jérusalem, en Cisjordanie où il y a l’occupation, les colonies, où les liens se rompent et les terres sont confisquées, et dans les frontières de 1948 où il y a la discrimination raciale, les tentatives visant à expulser et bannir notre peuple en se servant de la loi ; ainsi que la résistance à Gaza et même dans la diaspora. La libération est notre responsabilité à tous. »

Alors que Khaled Mechaal s’exprimait, des colons israéliens appuyés par la police ont une fois de plus fait irruption à al-Aqsa.

Interrogé sur ce qui pousserait le Hamas à reprendre les tirs de roquettes, Mechaal explique que le cessez-le-feu ne repose pas uniquement sur la fin des attaques contre Gaza, mais aussi sur la fin des incursions des forces de sécurité israéliennes à al-Aqsa, et sur la fin des déplacements d’habitants palestiniens de Sheikh Jarrah et Jérusalem-Est.

« La bataille a débuté pour ces raisons. Gaza ne lancera plus de roquettes de la résistance si ces conditions sont respectées », déclare-t-il.

Cependant, il précise que chaque région sous occupation doit choisir la forme que prendra sa résistance.
Le « prix à payer » pour Israël

D’après Mechaal, le dernier conflit a souligné le rôle des Palestiniens qui vivent au sein des frontières de la Palestine de 1948.

« Ils ont transmis un message : nous faisons partie intégrante de ce peuple et [ils viennent] en aide à al-Aqsa, au quartier de Sheikh Jarrah et à Gaza comme tout autre Palestinien qui vient en aide à son frère. »

Israël paie également le prix de ses politiques racistes et de ses atteintes aux droits de ses citoyens palestiniens, ce qui a exposé la « fragilité » d’Israël, a-t-il ajouté.

« Il est devenu évident pour tous les Palestiniens, les Arabes et les musulmans et pour les peuples libres du monde que les jours d’Israël sont comptés et que cette entité coloniale d’occupation n’a aucun avenir dans la région. »

« Il est devenu évident pour tous les Palestiniens, les Arabes et les musulmans et pour les peuples libres du monde que les jours d’Israël sont comptés et que cette entité coloniale d’occupation n’a aucun avenir dans la région »
– Khaled Mechaal

MEE a demandé à Mechaal d’expliquer comment le Hamas était passé d’une contestation des élections, alors même que des centaines de ses membres étaient arrêtés en Cisjordanie, au tir de missiles.

À ce moment-là, il a eu un vif débat au sein du Hamas concernant la sagesse de s’opposer à des élections dans un contexte où il ne pourrait pas agir librement en tant que parti politique. Ces élections ont finalement été reportées, annulées pour beaucoup, par Abbas qui s’est servi du refus d’Israël de permettre aux Hiérosolymitains de voter comme prétexte.

Mechaal confirme un « débat interne » quant à l’intérêt de se présenter aux élections en Cisjordanie. Mais il a insisté sur le fait que se présenter aux élections n’était pas répréhensible.

Expliquant comment on était passé des urnes aux missiles, Mechaal rapporte que la décision d’annuler les élections avait suscité de la « colère et de la frustration » et un certain étonnement : « Pourquoi cette décision ? »

Puis il y a eu les violences contre les fidèles et les manifestants à al-Aqsa et la menace de déplacement des habitants de Sheikh Jarrah.

Il accuse Israël d’être à l’origine de l’agression. Selon lui, le Hamas a mis en garde Israël, donc ce dernier n’a pas été surpris par les tirs de roquettes.

« Lorsqu’ils ont fait irruption dans la mosquée al-Aqsa à la fin du Ramadan, la résistance n’a eu d’autre choix que de réagir… et la bataille a commencé », indique Mechaal.

« Il n’y a pas de contradiction entre le fait de s’engager dans une bataille politique à travers les élections et le partenariat et soutenir la cause et se mobiliser dans les forums internationaux et le fait d’engager le combat. Les deux batailles sont liées. »

Quant au responsable du tir des missiles, Mechaal explique que le mouvement a une direction unique mais que chaque composante prend ses propres décisions.

« Lorsque les dirigeants des brigades al-Qassam décident de s’engager dans la bataille, ils le font conformément à la stratégie et à la décision générale du mouvement. Il en va de même pour ceux qui travaillent dans les domaines de la mobilisation des masses ou des relations politiques. Il s’agit de décisions détaillées de pistes de travail. Elles découlent des décisions centrales prises par la direction du mouvement. »
« Intérêts mutuels » avec l’Égypte

Mechaal se montre chaleureux vis-à-vis de l’Égypte, même si le président Abdel Fattah al-Sissi a orchestré un putsch contre le président Mohamed Morsi, démocratiquement élu et soutenu par les Frères musulmans, et massacré ses partisans sur la place Rabia. Sans compter qu’il applique le siège de Gaza, en détruisant les tunnels du Hamas et le côté égyptien du poste-frontière de Rafah.

Mechaal estime que le rôle de l’Égypte dans les affaires palestiniennes est primordial, même s’ils ont eu des désaccords.

« Les intérêts mutuels exigent que les deux côtés œuvrent ensemble et cherchent à fournir des rôles sur lesquels les deux côtés s’accordent et sur lesquels ils peuvent travailler conjointement malgré les différences, comme vous l’avez dit, à propos du problème des Frères musulmans ou autres. »
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« Bien que nous sommes une composante essentielle des Frères musulmans, nous sommes un mouvement de résistance et nous n’interférons pas dans les affaires des autres et nous interagissons avec les pays islamiques et avec d’autres sur la base de notre cause et ses intérêts sans interférer dans leurs affaires ou qu’ils interfèrent dans les nôtres.

« Par conséquent, nous saluons le rôle de l’Égypte comme nous saluons le rôle de tous les États arabes et islamiques ou de tout pays du monde tant que cela contribue à servir notre peuple et à cesser l’agression à son encontre et que cela serve sa ténacité. »

Ce cadre du Hamas estime que les États arabes doivent élaborer une nouvelle stratégie pour reprendre la Palestine, Jérusalem et al-Aqsa et pour mettre fin à l’occupation.

« Je pense que tout le monde a réalisé l’inutilité des négociations, du processus de paix et des accords de paix avec Israël et l’inutilité de la normalisation. Ceux qui ont vu Israël comme un élément naturel de la région sont dans l’erreur. Certains pensaient qu’on pourrait puiser de la force en Israël en affrontant leurs ennemis ici et là.

« Tout le monde est désormais convaincu qu’Israël est le véritable ennemi de la région et qu’Israël est une entité fragile que nous pouvons vaincre au lieu de se plaindre de ses politiques. »

Il affirme que l’Égypte est mécontente des politiques israéliennes en ce qui concerne le barrage de la Renaissance en Éthiopie que le Caire considère comme une menace pour la sécurité nationale. L’Égypte est assurément mécontente des informations concernant les projets israéliens de creuser un nouveau canal alternatif au canal de Suez.

« Par conséquent, au lieu d’être démunis concernant les atteintes israéliennes et leurs projets, c’est une opportunité… La résistance en Palestine et ce grand soulèvement de notre peuple dit aux peuples arabes que nous sommes une seule et même oumma et que nous avons les mêmes intérêts, alors travaillons en ce sens », affirme-t-il.

« Menons une seule bataille, pas uniquement pour sauver et reprendre la Palestine, mais pour protéger l’ensemble de la oumma. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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