Rapport Vague d’arrestations arbitraires parmi les Palestiniens d’Israël
mai 25, 2021
Ce rapport a été rédigé par des avocats et juristes palestiniens israéliens sur le terrain. En quelques jours, plus de 700 Palestiniens citoyens d’Israël ont été arrêtés, dont des dizaines de mineurs. Des arrestations arbitraires dont le seul but est de terroriser les Palestiniens pour les dissuader de manifester.
Traductions: français ????
Israël/Palestine > Peuples et minorités > Conflits > Droits humains > Sociétés > Politiques > Juristes pour la défense des détenus du soulèvement > 17 mai 2021
Droits de l’enfant Droits humains Israël-Palestine Israël Mouvement populaire Palestiniens d’Israël Prison Répression
Jérusalem-Est, 5 mai 2021. Manifestant palestinien arrêté à Sheikh Jarrah devant la maison d’un colon israélien
Emmanuel Dunand/AFP
Traduit de l’arabe par Sarra Grira.
Haïfa, mai 2021.
Durant la première semaine de ce soulèvement unitaire palestinien, les militants des droits humains en Israël ont enregistré des cas de violence extrême et des violations flagrantes des droits humains perpétrées par les forces israéliennes, qu’il s’agisse de la police, des unités spéciales, de la police aux frontières (Magav), de la police secrète ou des mista’arivim
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, sans parler de la répression légale menée par les juges et les procureurs.
Parallèlement aux centaines d’arrestations qui ont eu lieu à Jérusalem et en Cisjordanie, plus de 700 arrestations ont été enregistrées dans les territoires de l’intérieur entre le 9 et le 14 mai, dont des dizaines d’enfants. Il apparaît clairement que ces opérations avaient pour but de terroriser les Palestiniens afin de les dissuader d’aller manifester et de descendre dans la rue. Elles visaient également à les empêcher de défendre leurs familles et leurs maisons, leurs quartiers et leurs villes, face aux agressions des milices sionistes. En procédant à ces arrestations, les forces de l’ordre et la justice israélienne ont légitimé l’action de ces milices qui ont agressé les Palestiniens, tiré sur eux, incendié et vandalisé leurs propriétés.
Ce rapport s’appuie sur les déclarations des avocats qui exercent en Israël et dans les territoires occupés. Il rend compte des schémas d’arrestation similaires que l’on retrouve dans toutes les villes et tous les villages palestiniens.
Des arrestations arbitraires
Une des premières caractéristiques de ces opérations est leur dimension arbitraire. La police a ainsi procédé à des arrestations massives durant les manifestations. Elle n’a pas épargné de simples passants qui se trouvaient par hasard dans le périmètre des protestations. Ces interpellations se sont également poursuivies dans les quartiers alentour, même après la fin des manifestations.Les forces de l’ordre ont aussi mis en place des barrages dans des zones où il n’y avait plus de contestation. Elles ont stoppé les voitures conduites par des jeunes, procédé à des fouilles et arrêté les personnes à bord des véhicules.
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La police s’est introduite dans plusieurs maisons qui se trouvent dans les zones des manifestations. Elle a agressé les habitants et procédé à des arrestations. Des raids policiers ont également eu lieu dans les commerces, les restaurants ou les cafés qui ont accueilli les blessés des manifestations. Ces lieux ont été vandalisés et les blessés arrêtés.
Pas de témoin
Des dizaines de personnes qui ont filmé les violences policières contre les manifestants — notamment durant les arrestations, marquées par une extrême brutalité — ont été à leur tour agressées et arrêtées par la police. D’autres ont été menacées par les armes et ont subi des tirs de balles en caoutchouc et de bombes sonores.
Les forces de police ont refusé de transférer à l’hôpital des dizaines de blessés interpellés, malgré les recommandations et l’insistance des équipes médicales présentes dans les manifestations. La police a en effet insisté dans de nombreux cas pour que les soins ne soient délivrés qu’après les interrogatoires. Des avocats ont contesté cette décision et ont refusé de représenter leurs clients jusqu’à ce que ces derniers soient hospitalisés. La réponse de la police a été de retarder les interrogatoires et de garder les personnes en détention pendant des heures — parfois même jusqu’à 9 heures —, alors que certains blessés devaient être pris en charge en urgence, notamment ceux qui avaient été atteints aux yeux.
Des violences physiques ont eu lieu pendant la détention ou lors des transferts vers les centres de rétention : jambes et bras fracturés, blessures au dos, au cou, aux yeux, au visage, à la tête… Les agents de la police israélienne ont en effet matraqué et frappé avec les crosses de leurs fusils les personnes interpellées. Ils ont écrasé leurs têtes et leurs cous sous leurs bottes pendant plusieurs minutes, et cogné leurs têtes contre le sol, les murs ou les portières des fourgons de police. En plus des violences physiques, des violences morales ont été exercées en connaissance de cause contre des personnes souffrant de maladies mentales, provoquant des crises qui ont nécessité leur transfert à l’hôpital en urgence.
Les unités anti-émeutes ou yasam étaient présentes à l’intérieur des centres de rétention où les détenus étaient entassés dans des cellules minuscules, sans eau, sans nourriture, ni accès aux sanitaires. Des agents des unités spéciales ont utilisé leurs téléphones portables pour prendre les détenus en photo, en toute illégalité. Un habitant de Nazareth affirme avoir été enfermé avec d’autres prisonniers dans une cellule où ils devaient garder la tête baissée, afin de ne pas pouvoir identifier les policiers qui venaient les battre. Dans son témoignage, il affirme que le sol de la cellule était à la fin recouvert de leur sang.
Menaces de mort contre des mineurs
Les mineurs ne sont pas en reste. Arrêtés par les mista’arivim, les yeux bandés, les visages cagoulés, ils ont été transférés pendant des heures d’une voiture à l’autre et menacés de mort.
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Des violations récurrentes des droits des enfants ont été rapportées, qu’il s’agisse là aussi de violence physique ou psychologique. Ces derniers ont été privés de leurs droits les plus élémentaires, comme la présence d’un avocat, l’utilisation de leur langue maternelle lors des interrogatoires ou l’accompagnement d’un parent, alors que ces droits sont prévus par la loi. La plupart de ces interrogatoires ont été menés à l’aube, et les policiers ont tenté de piéger les enfants afin de leur extorquer des aveux.
Les forces de sécurité ont également fabriqué de fausses preuves contre les manifestants. Après avoir procédé aux arrestations, des agents ramassaient au hasard des pierres, des bouteilles ou des bâtons en prétendant qu’elles étaient entre les mains des personnes interpellées. Ces derniers étaient par ailleurs entassés les uns sur les autres dans des fourgons non aérés. Ceux qui étaient transportés dans des voitures de police ont été battus.
Agressions contre les avocats
La police a œuvré à empêcher le travail des avocats. Ces derniers, bénévoles, étaient là pour représenter les détenus collectivement et rappeler leurs droits, notamment l’accès aux soins. Dans de nombreux cas, la police a chassé les avocats à l’entrée des centres de rétention, afin de les empêcher de connaître le nombre ou les noms des personnes arrêtées. À Nazareth, deux avocats ont été arrêtés. À Om Al-Fahm, le commissariat de police avait fermé ses portes et ne répondait plus aux appels téléphoniques, empêchant la moindre information de filtrer concernant les détenus, et leur interdisant de consulter un avocat. Plus généralement, la police a tenté d’épuiser les avocats pour entraver leur travail, en retardant les interrogatoires jusqu’à l’aube et les obligeant à attendre de longues heures avant de pouvoir conseiller les détenus.
Étant donné le nombre d’arrestations arbitraires, la police a décidé de libérer des détenus sans les faire passer devant un tribunal, mais en leur imposant toutefois des conditions visant à les empêcher de prendre part aux manifestations. Ainsi, certains ont été libérés, mais assignés à résidence des jours durant, tandis que d’autres étaient éloignés de leur lieu de résidence. D’autres encore ont dû s’engager à ne pas prendre part aux manifestations. Or, toutes ces conditions sont illégales et sans aucun fondement juridique. Bien que les détenus libérés aient fait appel de ces décisions, les tribunaux israéliens ont volontairement tardé à rendre leur décision, ne se penchant sur ces cas qu’après la fin des périodes d’assignation à domicile ou d’éloignement.
Une justice à la botte
Pour ceux qui sont passés devant les tribunaux, les procureurs ont à leur tour émis des accusations fallacieuses, évoquant entre autres l’incitation à la haine et prétendant que les manifestants ont appelé à la « mort des juifs », pour faire croire au caractère raciste ou antisémite de la contestation. D’autres chefs d’accusation tout aussi mensongers ont été invoqués, comme l’usage d’explosifs ou les crimes racistes, à grand renfort de lois antiterroristes.
Lors des procès visant à prolonger les périodes de détention, les avocats ont pu constater le rôle central joué par une justice qui obéit à l’appareil politique et qui a fait fi des droits humains les plus élémentaires. Ainsi dans le Néguev, où un avocat témoigne d’un juge invoquant des « ordres venus d’en haut ». Par ailleurs, les juges israéliens ont presque systématiquement ignoré les agressions subies par les détenus, même lorsque les traces de ces violences physiques étaient clairement visibles. Ordonnant le prolongement des détentions, ils ont refusé de prendre en considération toutes les exactions commises par les forces de sécurité, comme le refus de la présence d’un avocat ou la violation des droits des mineurs, en plus de l’humiliation que faisaient subir les procureurs aux avocats des accusés, à l’intérieur même de la salle du procès. De même, les juges n’ont pas reconnu aux détenus leur droit de manifester, pourtant garanti par la loi.
Les magistrats ont insisté pour proposer des marchés aux accusés, bien que ces propositions nient les droits des détenus. En cas de refus, la sentence leur en faisait payer le prix. Cette logique de chantage commence dès le commissariat, où les policiers menacent les avocats de demander une période de prolongation de détention plus importante si jamais ces derniers refusent leurs propositions. Enfin, dans la plupart des cas où le tribunal autorise la libération du détenu, le procureur fait appel, la décision du premier juge est cassée et la période de détention prolongée. A contrario, l’écrasante majorité des appels de la défense ont été refusés.
Il est clair que ces méthodes visent à terroriser la jeunesse palestinienne et à la dissuader de prendre part aux manifestations. L’objectif est de vider la rue en procédant à des arrestations à domicile et à des éloignements, ainsi que de dissuader la population palestinienne de se défendre et de protéger ses maisons, ses biens, ses villages et ses villes. Les équipes d’avocats sont décidés à continuer à représenter tous les détenus palestiniens durant ce soulèvement courageux, et à défendre leur droit de lutter pour la liberté.
Juristes pour la défense des détenus du soulèvement