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Raqqa, désormais essentielle à la stratégie américaine en Syrie et dans toute la région


8 novembre 2016
RTFrancias

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© Karam Al-Masri Source: AFP

Arriver à Raqqa avant l’armée syrienne et ses alliés est désormais indispensable pour les Etats-Unis qui jouent là leur dernière carte, afin de renverser le gouvernement d’Assad à Damas, selon le journaliste John Wight.

John Wight écrit pour de nombreux journaux et sites web américains et anglais, notamment The Independent, The Morning Star, Huffington Post, Counterpunch, London Progressive Journal et Foreign Policy Journal. Il est aussi un commentateur régulier sur RT et BBC Radio. John Wight a été l’organisateur du mouvement pacifiste américain dans la période qui a suivi les attaques terroristes du 11 Septembre.

Comprendre la situation à Alep – c’est comprendre l’essentiel du conflit syrien à ce stade : qui, de Washington et ses alliés, ou de la Russie et l’armée syrienne, libérera Raqqa, la capitale dudit Etat Islamique ?

Il ne faut pas être un génie militaire pour comprendre la stratégie de Washington qui consiste à prolonger l’opération militaire de l’armée syrienne soutenue par la Russie pour libérer Alep-Est – toujours occupé par Al-Nosra et les «rebelles modérés» combattant aux côtés du groupe terroriste djihadiste.

Le scénario américain établirait ainsi une permanente présence militaire des Etats-Unis dans le pays depuis longtemps essentielle pour que Washington puisse achever son but de dominer la région

Retenir les forces militaires russes et syriennes enlisées dans l’est d’Alep est indispensable pour permettre à la coalition dirigée par les Etats-Unis de terminer l’opération qui est actuellement en cours, celle de la reprise à Daesh de la ville irakienne de Mossoul, avant de poursuivre à travers la frontière syrienne pour prendre Raqqa. Ensuite, Raqqa sera établie de facto comme une capitale des prétendues forces syriennes modérées qui s’y regrouperont. Et ce sans doute sous couverture d’une zone d’exclusion aérienne imposée par les Etats-Unis, pour faire contrepoids aux autorités gouvernementales d’Assad à Damas. Un tel scénario établirait ainsi une permanente présence militaire des Etats-Unis dans le pays, présence depuis longtemps essentielle pour que Washington puisse achever son but de dominer la région.
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Cet aspect de la stratégie est, bien sûr, illégitime, selon les termes de la charte des Nations Unies. Mais cela a peu d’importance pour la puissance impériale, qui considère depuis longtemps le droit international comme optionnel quand il s’agit de poursuivre ses objectifs géopolitiques sur toute la planète. Le Moyen-Orient est une région riche en ressources naturelles, en particulier en pétrole. Si elle n’est pas primordiale pour ce qui est des besoins énergétiques des Etats-Unis, cette mer de pétrole au-dessus de laquelle se trouve la région est, sans aucun doute, essentielle pour la stabilité des cours mondiaux de l’énergie. Et cela est primordial pour l’économie américaine.

Comme Gal Luft, du Conseil de sécurité énergétique, l’a observé dans son rapport de 2014 : «Si les Etats-Unis ne dépendent pas du Moyen-Orient pour ce qui est de l’approvisionnement physique en pétrole, ils dépendent de la région pour la stabilité des prix. L’économie américaine est particulièrement sensible aux hausses des prix pétroliers.» Luft continue : «Au cours des 40 dernières années, chaque importante augmentation des prix du pétrole a été suivi par une récession, et la plupart de ces hausses ont été causées par un bouleversement au Moyen-Orient : embargo sur le pétrole des pays arabes, guerre entre Iran et Irak, invasion de Koweït par Irak, etc.»

Les hurlements de la part de Washington et de ses intermédiaires européens, accusant la Syrie et la Russie de cibler des civils à Alep-Est, sont tout simplement une diversion

Dès janvier, le ministre de la Défense des Etats-Unis, Ash Carter, évoquait l’importance de Raqqa pour la stratégie militaire américaine en Syrie. Dans son discours devant la 101e division aéroportée prononcé à la base de Fart Campbell dans le Kentucky le 13 janvier, il a dit : «Sur notre plan de campagne, il y a deux grandes flèches qui désignent Mossoul et Racca. Nous allons commencer par faire s’effondrer le pouvoir de Daesh dans ces deux villes, et ensuite nous nous engagerons dans des opérations d’élimination sur d’autres territoires contrôlés par Daesh en Irak et en Syrie.»

C’est l’objectif que le ministre de la Défense des Etats-Unis a encore une fois mis en évidence dans son interview pour NBC. «C’était depuis longtemps une partie de notre plan, l’opération de Mossoul sera lancée au moment indiqué», Carter a révélé. «On préparait ce plan depuis des mois, [il était prévu] que Raqqa suivrait peu après.»

Ces hurlements à la lune que nous avons entendus ces dernières semaines de la part de Washington et de ses intermédiaires européens, accusant la Syrie et la Russie de cibler des civils à Alep-Est, sont tout simplement une diversion. Cela était destiné à rabaisser ce qui est une opération militaire extrêmement compliquée : la libération d’une population civile retenue en otage par les sectaires bouchers d’Al-Nosra et d’autres groupes terroristes, utilisant femmes et enfants comme boucliers humains. Nous savons à quel point c’est vrai, puisque, malgré le fait que les forces syriennes et russes établissent régulièrement des couloirs humanitaires pour permettre aux civils des quitter Alep-Est, on les en empêche, sous peine de mort.

La stratégie globale de Washington dans ce conflit nous permet de comprendre son refus de séparer les groupes des «rebelles modérés» qu’il prétend contrôler, de leurs homologues d’Al-Nosra, conformément aux conditions du cessez-le-feu négocié par Moscou et Washington début septembre

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L’hypocrisie est criante quand on prend en compte l’absence d’inquiétude de la part de Washington pour les civils habitants Alep, contrôlé par les forces gouvernementales, soumis à un règne de terreur prenant la forme d’attaques à la roquette, contenant notamment du gaz toxique, chaque jour et chaque nuit, de la part d’Al-Nosra et des ses alliés «modérés» de l’est d’Alep.

La stratégie globale de Washington dans ce conflit nous permet aussi de comprendre son refus de séparer les groupes des «rebelles modérés» qu’il prétend contrôler, de leurs homologues d’Al-Nosra, conformément aux conditions du cessez-le-feu négocié par Moscou et Washington début septembre. Le cessez-le-feu a été rompu six jours après son commencement, par une frappe aérienne américaine qui a tué des dizaines de militaires syriens au cours d’une bataille contre Daesh dans l’est de Deir-Ezzor. Washington a invoqué une faute. Il ne faut pas prendre une telle affirmation pour argent comptant, surtout si nous considérons que Deir-Ezzor jouxte Raqqa, dans l’est de la Syrie, et que cette ville sera donc essentielle pour toute future opération conjointe des Russes et des Syriens pour libérer la ville.

Arriver à Raqqa avant l’armée syrienne et ses alliés est désormais indispensable pour les Etats-Unis qui jouent là leur dernière carte, afin de renverser le gouvernement d’Assad à Damas. Un gouvernement qui était depuis longtemps une véritable épine pour l’hégémonie américaine dans la région, aussi bien que pour les plan régionaux de ses plus proches alliés au Moyen-Orient – Israël et l’Arabie Saoudite.

Avec l’affaiblissement inévitable de la Syrie, comme le croient les stratèges américains, Hezbollah et Iran – le plus grand prix – seront aussi affaiblis – sans mentionner la puissance russe qui sera réduite dans le cadre de la lutte pour une alternative multipolaire à l’actuelle situation unipolaire.

Comme si c’était là la reprise de la course pour Berlin à la fin de le Seconde Guerre Mondiale, dont le résultat avait déterminé l’avenir de l’Europe et du reste du monde dans le contexte de la guerre froide qui allait suivre, l’avenir de la Syrie, du Moyen-Orient, et du monde réclamant une alternative multipolaire à l’hégémonie globale des Etats-Unis, se réduit désormais à la seule situation à Raqqa.

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