Sur la Syrie et bien au-delà Par Lars Schall
septembre 28, 2012
L’un des meilleurs experts européens sur le Moyen-Orient, le Professeur Günter Meyer,
traite en profondeur de la guerre civile syrienne et ses dimensions internationales
dans cette interview exclusive accordée à l’Asia Times Online.
Günter Meyer a mené pendant près de 40 ans une recherche empirique sur le développement social, économique et politique dans les pays arabes et a publié plus de 150 livres et articles, en particulier sur la Syrie, l’Egypte, le Yémen et les pays du Conseil de Coopération du Golfe [CCG]. Il dirige le Centre de recherche sur le monde arabe à l’université Johannes Gutenberg de Mainz, en Allemagne, laquelle est l’un des centres majeurs d’information dans le monde pour la diffusion d’informations et de recherches sur le Moyen-Orient. Le Pr. Meyer préside l’Association allemande des études sur le Moyen-Orient (DAVO), l’Association européenne pour les études sur le Proche-Orient (EURAMES) et le Comité consultatif international du Congrès mondial pour les Etudes sur le Moyen-Orient (WOCMES).
Lars Schall : Professeur Meyer, étant donné que nos perceptions sont encadrées par les médias, quel est votre sentiment sur la couverture du conflit en Syrie par les médias occidentaux ?
Günter Meyer : Ma perception n’est pas seulement encadrée par les médias, elle l’est également par ma propre expérience en Syrie et par mes contacts avec des Syriens, d’autres experts arabes et des militants politiques du Printemps arabe. L’information que je reçois de ces sources, ainsi que des médias d’information arabes, couvrent un éventail beaucoup plus large de points de vue et d’appréciations que les reportages plutôt orientés de la majorité des médias occidentaux.
LS : A votre avis, quelles informations devraient-elles être critiquées en particulier ?
GM : Jusqu’à récemment, les reportages dominants dans les médias occidentaux manquaient manifestement d’objectivité. Ils se focalisaient principalement sur la distinction entre le « mauvais » régime syrien, qui devait être renversé, et la « bonne » opposition, qui devait être soutenue parce qu’elle combat un gouvernement corrompu, autoritaire et brutal. Cette perception a progressivement changé au cours des derniers mois. De plus en plus de médias rendent compte des conflits d’intérêt des groupes d’opposition très fragmentés, ainsi que des atrocités commises par les groupes rebelles et leurs crimes contre la population civile, en particulier contre les Alaouites, mais également contre les Chrétiens.
L’afflux de Salafistes, de Djihadistes et de partisans d’al-Qaïda, de même que l’espoir que des islamistes radicaux sunnites contrôlent la Syrie après la chute de Bachar el-Assad, sont des thèmes embarrassants qui sont désormais également rapportés dans les médias occidentaux. Après un long délai, la couverture de l’information sur le développement des évènements en Syrie ne se concentre plus seulement sur la diffusion du point de vue politique des « Amis de la Syrie », mais elle a commencé à donner une image plus complète sur la situation extrêmement complexe en Syrie.
Néanmoins, il existe toujours un manque d’objectivité lorsqu’il s’agit de rendre compte des massacres. La majorité des médias – et des gouvernements – occidentaux ont tendance à prendre pour argent comptant l’information offerte par les sources d’opposition, à savoir que les forces gouvernementales, en particulier la milice Chabiha, sont responsables des cruelles tueries de civils, parmi lesquels beaucoup de femmes et d’enfants. En même temps, les preuves d’une « stratégie marketing de massacre » systématique[1] par les rebelles sont rejetées comme étant une propagande du régime d’Assad. Il est évident que dans de nombreux cas, en particulier dans les massacres qui ont fait le plus grand nombre de victimes, à Houla[2] et à Déraya[3], les forces d’opposition ont commis des crimes brutaux contre les civils dans le but d’accuser le gouvernement de ces massacres. A travers cette stratégie, ils essayent de manipuler l’opinion publique et d’influencer la prise de décision politique contre le régime syrien.
LS : Diriez-vous que ceux qui veulent explorer les intérêts qui entrent en collision dans le conflit en Syrie seraient bien inspirés d’examiner l’importance géopolitique de la Syrie sur l’échiquier énergétique eurasiatique ? J’entends par-là que la Syrie est en fin de compte le principal point central pour les futurs pipelines et gazoducs, non ?
GM : A chaque fois que l’on tente d’analyser les conflits politiques au Moyen-Orient et que l’on va au fond des choses, on a toutes les chances de trouver du pétrole ou du gaz. Le conflit actuel a été lié au rôle de la Syrie en tant que pays de transit pour les exportations de gaz iranien. L’année dernière, un contrat a été signé entre l’Iran, l’Irak et la Syrie en vue de construire un gazoduc d’ici à 2016 pour acheminer le gaz naturel du gigantesque champ gazier de South Pars, en Iran, jusqu’à la côte syrienne sur la Méditerranée, afin d’approvisionner le Liban et l’Europe en gaz. La conséquence serait que la Turquie perdrait son importante et très profitable position politique en tant que pays dominant le transit de gaz en provenance de la Russie et du Bassin de la Caspienne.[4]
Cette concurrence programmée a-t-elle pu conduire le gouvernement turc à abandonner ses bonnes relations avec le régime syrien et à soutenir l’opposition [syrienne] ? C’est peu probable. Au cours des dernières années, l’Iran a signé d’innombrables protocoles d’entente et de contrats avec des gouvernements et des sociétés étrangères pour exploiter son gaz et ses champs de pétrole et construire des pipelines. Aucun de ces programmes n’a été exécuté, en résultat de l’embargo des Etats-Unis contre l’Iran. Par conséquent, il faut supposer que le contrat en vue de construire un pipeline vers la Syrie a été essentiellement signé pour des raisons de politique intérieure du gouvernement iranien. On doit aussi s’interroger sur la viabilité économique de ce projet. Pourquoi le gaz du sud iranien devrait-il être exporté vers l’Europe lorsque la plus forte demande de gaz iranien provient de ses voisins pakistanais et indien ?
Il y a un autre projet qui aurait plus de sens. En 2009, le Qatar a proposé de construire un pipeline reliant le gigantesque champ gazier de cet émirat à la Turquie, et passant par la Syrie, lequel serait relié à d’autres pipelines acheminant le gaz vers l’Europe.[5] En se basant sur ce programme, les fidèles d’Assad ont soutenu que les troubles en Syrie ne sont pas un soulèvement mais une agression à l’instigation du Qatar, destinée à dominer leur pays pour garantir l’accès qatari à la Méditerranée pour ses exportations de gaz. Toutefois, on peut considéré cet argument comme participant de la théorie de la conspiration.[6]
LS : Les découvertes de ressources énergétiques en Méditerranée orientale et dans le Bassin du Levant ont-elles quelque chose à voir ici ?
GM : Les découvertes de gaz naturel inexploité sont extrêmement importantes pour Israël, qui n’aura plus besoin de dépendre des approvisionnements aléatoires depuis l’Egypte. Les réserves de gaz naturel qui ont été découvertes sont si grandes qu’Israël peut non seulement parvenir à l’indépendance énergétique, mais bénéficiera également de juteux contrats à l’exportation. Des réserves de gaz supplémentaires, et même de pétrole, devraient être découvertes dans des zones au large de la Syrie et du Liban.[7] Cependant, ces ressources fraîchement découvertes n’ont pas un impact direct sur la crise actuelle en Syrie.
LS : En ce qui concerne les puissances occidentales, ont-elle l’intention spécifique d’affaiblir l’axe Iran/Syrie/Hezbollah ?
GM : De nombreuses déclarations du gouvernement nord-américain insistent sur l’importance géostratégique de chasser le régime syrien, afin que l’Iran et le Hezbollah, au Sud du Liban, perdent leur allié le plus important. La fourniture par l’Iran et la Syrie d’équipement militaire au Hezbollah sera devenue impossible. L’affaiblissement de la force militaire de cette organisation chiite signifie que son impact sur la structure du pouvoir au Liban, et en particulier sa capacité d’attaquer Israël, déclinera de façon spectaculaire.[8] La chute de Bachar el-Assad affaiblira également l’influence de la Russie et de la Chine au Moyen-Orient et renforcera le rôle des Etats-Unis et de l’Arabie Saoudite dans cette région.
LS : Connaissons-nous actuellement une « balkanisation de la Syrie » ou une « balkanisation du Moyen-Orient » en général ?
GM : Au cours des dernières décennies, la Syrie a été un Etat laïc fortement focalisé sur le panarabisme. A présent, les frictions ethniques et religieuses sont devenues un facteur dominant et menacent l’unité de l’Etat syrien. Le pire des scénarios serait vraiment un « balkanisation » de la Syrie, qui signifierait que ce pays serait divisé, avec un Etat kurde au Nord-Est qui fournirait un refuge pour le PKK [le Parti des Travailleurs Kurdes] et serait un cauchemar pour la Turquie, un Etat alaouite dans les zones montagneuses et côtières à l’Ouest, une minuscule enclave druze au Sud, et un Etat sunnite au centre de la Syrie. Seul ce dernier disposerait probablement d’un potentiel économique suffisant pour exister sur le long terme.
D’autres experts suggèrent un scénario de type « libanisation », qui immobiliserait l’armée syrienne et affaiblirait le gouvernement central à Damas.[9] Le modèle d’une « irakisation » de la Syrie pourrait également avoir des chances de devenir une réalité, avec plusieurs régions autonomes ou semi-autonomes. Des exigences similaires sont aussi soulevées dans l’Est de la Libye, riche en pétrole, où une partie importante de la population ne veut plus être dominée par le centre du pouvoir politique en Tripolitaine, la région occidentale de la Libye.
LS : A votre avis, la situation en Syrie est-elle similaire à celle qui prédominait auparavant en Libye, ou est-elle très différente ?
GM : La situation en Libye était complètement différente. Les forces militaires de Kadhafi étaient bien trop faibles pour résister à la puissance militaire combinée de l’OTAN, qui a été autorisée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies à intervenir en Libye. Une grande partie de la population et presque tous dans la partie orientale de la Libye s’opposaient au régime autoritaire et c’est pourquoi les conseillers étrangers purent se déplacer librement dans cette partie du pays, soutenir les groupes combattants de l’opposition avec des armes lourdes et les entraîner à utiliser cet équipement militaire sophistiqué.
Pour sa part, Bachar el-Assad peut compter sur ses Gardes Républicains qui sont très bien entraînés et mieux équipés, ainsi que sur la 4ème Division Blindée – des soldats d’élite qui sont presque tous alaouites. L’armée de l’air syrienne et, notamment, la défense anti-aérienne sont équipées de la toute dernière technologie russe. Une analyse récente menée par le Massachusetts Institute of Technology [M.I.T.] est arrivée à la conclusion que la défense aérienne syrienne est cinq fois plus sophistiquée que ne l’était celle de [l’ancien dirigeant syrien Mouammar] Kadhafi.[10]
Une offensive militaire par des troupes étrangères pour chasser Bachar el-Assad serait une opération extrêmement risquée et très coûteuse. En outre, il n’y a aucune chance que la Russie et la Chine acceptent une résolution de l’ONU pour une intervention militaire en Syrie. Dans ces circonstances, les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni se sont contentés jusqu’à présent d’entraîner les combattants de l’opposition sur le territoire turc à proximité de la frontière au Nord-Ouest de la Syrie et de leur fournir des moyens de communication et autres équipements non létaux. En même temps, selon un rapport des services de renseignements occidentaux, que l’agence Reuters a pu lire, l’Iran utilise son aviation civile pour acheminer du personnel militaire et de grandes quantités d’armes, via l’espace aérien irakien, pour aider la Syrie à écraser le soulèvement. Toutefois, le gouvernement irakien réfute que ces survols de leur territoire ont lieu.
LS : Nous savons que des forces d’al-Qaïda combattent sur le sol syrien. Ed Husain, collaborateur émérite aux Etudes sur le Moyen-Orient du Council on Foreign Relations [CFR], a écrit sur le sujet :
De façon générale, les bataillons de l’Armée Syrienne Libre (ASL) sont fatigués, divisés, désordonnés et inefficaces. Se sentant abandonnées par l’Ouest, les forces rebelles sont de plus en plus démoralisées [.] Cependant, les combattants d’al-Qaïda pourraient leur remonter le moral. L’afflux de djihadistes apporte la discipline, la ferveur religieuse, l’expérience des combats acquise en Irak, le financement de la part des sympathisants sunnites du Golfe et, ce qui est le plus important, des résultats en termes d’ennemis tués. En résumé, l’ASL a désormais besoin d’al-Qaïda.[11]
N’est-ce pas une sacrée déclaration après plus de 10 ans de cette soi-disant « guerre contre le terreur »?
GM : En effet ! Il y a de nombreux comptes-rendus similaires – entre autres provenant de la vallée de l’Euphrate oriental près de la frontière irakienne – où des combattants de l’opposition ont essayé en vain pendant plusieurs mois de prendre d’assaut des garnisons de l’armée syrienne. Dans un cas au moins, ils ont demandé le soutien d’un groupe d’al-Qaïda. En conséquence de leurs attaques, l’armée s’est retirée de cette base en quelques jours.
Les combattants d’al-Qaïda et les djihadistes ne viennent pas seulement de pays arabes, en particulier d’Irak, de Libye et de la Péninsule arabique, mais également du Pakistan, et comprennent même des islamistes radicaux en provenance de pays européens. Leur nombre croît rapidement. C’est une raison majeure pour laquelle le gouvernement des Etats-Unis a été si réticent à fournir aux combattants de l’opposition des missiles sol-air, qui pourraient atterrir entre les mains d’al-Qaïda ou du Hezbollah. Il n’a été rapporté que récemment que l’Armée Syrienne Libre a acquis 14 missiles Stinger. Toutefois, jusqu’à présent, il n’a pas été confirmé que ces armes ont été utilisées pour attaquer les avions et les hélicoptères de combat syriens.[12]
LS : Quelle est l’importance du fait qu’al-Qaïda soit une organisation terroriste ?
GM : Environ 70% de la population syrienne est sunnite. Beaucoup d’entre eux considèrent que les Alaouites au pouvoir ne sont pas de vrais musulmans.
La même chose s’applique pour al-Qaïda, qui exige que tous les Musulmans s’unissent afin d’éradiquer les « infidèles » alaouites. Toutefois, cela ne signifie pas qu’al-Qaïda et autres djihadistes étrangers sont soutenus par tous les Sunnites syriens. C’est plutôt le contraire. La vaste majorité rejette à la fois les points de vue extrémistes et l’intervention d’islamistes radicaux étrangers.
LS : On dit que le dirigeant de la Syrie, Bachar el-Assad, pourrait utiliser des armes chimiques. Qu’en pensez-vous ?
GM : Le régime a assuré qu’il n’utilisera jamais d’armes chimiques ou biologiques. Cette déclaration peut être considérée comme fiable, parce que l’usage d’armes de destruction massive, ou même le mouvement de telles armes, signifierait le « franchissement de la ligne rouge », ainsi que le Président Obama a prévenu. Une intervention militaire massive contre le gouvernement syrien en serait la conséquence.[13]
Cependant, il existe des rapports détaillés selon lesquels les puissances de l’OTAN, en coordination avec l’Arabie Saoudite, préparent une fausse attaque avec des armes chimiques dans le Sud de la Syrie et pour laquelle le régime d’Assad sera accusé afin de justifier une invasion internationale massive.[14]
LS : Observons-nous au microscope certains développements dans le conflit syrien : les Etats-Unis ne peuvent plus se permettre financièrement certains types d’aventures et ont atteint les limites de leur influence, tandis que les Russes et les Chinois ne veulent pas qu’on leur dise ce qu’ils doivent faire au Moyen-Orient ?
GM : L’aspect financier est très important du point de vue du gouvernement des Etats-Unis, mais il y a également la promesse du Président Obama « de ramener nos gars à la maison ». Une nouvelle implication militaire américaine dans une autre guerre est extrêmement impopulaire, en particulier durant la présente campagne électorale présidentielle. En ce qui concerne la Russie et la Chine, elles ont des intérêts géostratégiques importants en Syrie. Il n’y a aucune raison convaincante pour qu’elles renoncent à cette position confortable et influente.
LS : Au regard des influences extérieures, il a été écrit récemment que des Etats arabes et européens payent de hauts fonctionnaires du gouvernement [syrien], s’ils se détournent d’Assad.[15] Qu’en pensez-vous ?
GM : Cela s’applique non seulement aux principaux représentants du régime syrien, mais en particulier aux membres de l’armée syrienne. Le Qatar et l’Arabie Saoudite ont annoncé publiquement qu’ils dépenseraient au moins 300 millions de dollars pour payer les salaires des combattants de l’opposition et qu’ils verseraient également des primes pour motiver les soldats de tous grades à déserter les forces militaires [syriennes] et rejoindre les troupes de l’opposition. Dans ces circonstances, il est vraiment étonnant que seuls si peu d’officiers, de généraux et de membres hauts placés du régime aient fait défection jusqu’à présent. Cela souligne à quel point le pouvoir du gouvernement [syrien], son armée et ses services de sécurités sont toujours stables.
LS : Dans quel cas pourrait-on considérer l’attitude des Européens comme valant la peine d’être soutenue ?
GM : Permettez-moi de commencer par expliquer pourquoi l’attitude actuelle des Européens ne vaut pas la peine d’être soutenue. Les principaux gouvernements de l’UE ont écarté une solution politique du conflit syrien et opté à la place pour le soutien – au moins indirect – d’une éviction militaire du régime d’Assad. Ils coopèrent en particulier avec le Conseil National Syrien (CNS), qui est dominé part les Frères Musulmans et qui est constitué principalement de Syriens qui ont vécu pendant longtemps dans les pays occidentaux, surtout aux Etats-Unis. Ces personnes veulent diriger la Syrie post-Assad, mais ils ne sont absolument pas acceptés par la majorité de la population qui vit en Syrie.
A Berlin, par exemple, l’Institut allemand aux affaires internationales et de sécurité (Stiftung Wissenschaft und Politik), en coopération avec l’Institut de la Paix nord-américain, a organisé les infrastructures pour que les membres de l’opposition syrienne et des experts internationaux se rencontrent afin de planifier le « Jour d’Après ».[16] Le résultat est un calendrier destiné à créer un nouveau système politique en Syrie selon les normes démocratiques et les valeurs occidentales après la chute du régime actuel.
Ce plan a été conçu sans connaître la répartition future du pouvoir entre les diverses forces qui pourraient être impliquées dans le renversement du gouvernement, et avec seulement une toute petite participation des nombreux groupes d’opposition à l’intérieur de la Syrie. Il n’est pas surprenant qu’un tel plan ait été rejeté par les membres de l’opposition syrienne de l’intérieur comme étant un « exercice théorique » n’ayant aucune pertinence au moment où l’issue de la crise syrienne reste toujours complètement ouverte. La même chose s’applique aux divers comités financés par les Etats, qui planifient le futur, à Paris, Rome, Istanbul et au Caire.
Les exigences réitérées que l’opposition extrêmement hétérogène s’unisse se sont avérées vaines. Ceci s’applique également à la dernière tentative du président français François Hollande, qui a aussi proposé de reconnaître un nouveau gouvernement syrien en exil. Cette proposition a été immédiatement rejetée par le gouvernement des Etats-Unis comme étant prématurée à cause du manque d’unité entre les groupes d’opposition.
Ce qui est beaucoup plus pertinent pour le développement actuel de cette crise est la proposition d’établir un refuge sûr pour les réfugiés syriens. C’est le gouvernement turc qui a été le premier a le demander et cette proposition a été récemment soutenue par le président français. A présent, plus de 80.000 Syriens sont arrivés dans des camps de réfugiés en Turquie ; le gouvernement d’Erdogan a déclaré que la Turquie ne pouvait accepter sur son territoire qu’un maximum de 100.000 réfugiés. Des réfugiés supplémentaires doivent être installés dans une zone tampon sûre du côté syrien de la frontière avec la Turquie. La même chose a été proposée le long de la frontière avec la Jordanie.
Au premier abord, une telle exigence semble plutôt indolore et ne poser aucun problème, impliquant seulement une intervention militaire limitée. Toutefois, l’établissement d’une zone tampon sûre en Syrie ne peut se faire que par l’entremise d’une guerre de grande envergure menée par l’OTAN et les troupes alliées des pays arabes contre les puissantes forces armées syriennes. Pour protéger les réfugiés dans ce refuge sûr, une zone d’interdiction aérienne doit être établie, laquelle ne pourra être contrôlée qu’après que l’OTAN aura obtenu la supériorité aérienne sur l’ensemble du territoire syrien.
Cela pourrait impliquer la destruction des forces aériennes syriennes, qui comptent environ 400 avions de combat et un énorme arsenal de missiles anti-aériens très sophistiqués. La dimension, le coût et la durée d’une telle intervention seraient immenses, ainsi que l’a montré l’analyse du M.I.T.[10]
Il faut également garder à l’esprit qu’en termes légaux une telle attaque ne peut être entreprise qu’en vertu de la norme internationale plutôt controversée de la « Responsabilité de Protéger » (R2P). Mais son application doit être préalablement approuvée par une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU, où l’on peut considérer qu’un veto de la Russie et de la Chine va de soi.
Si l’on revient à la question concernant la position qui devrait être soutenue : la solution la plus intelligente, et la seule qui permettrait une solution pacifique, est toujours le plan [de Kofi] Annan [proposé par l’ancien secrétaire générale des Nations Unies], impliquant non seulement l’opposition et ceux qui la soutiennent, mais également les gouvernements à Damas et à Téhéran, dans la négociation sur le futur développement de la Syrie. Toutefois, il n’y a aucune chance que cette proposition soit acceptée par l’opposition en exil et ses supporters aux Etats-Unis, dans la Ligue Arabe, en Turquie et dans l’UE.
LS : Que pensez-vous de l’aide que la Bundesnachrichtendienst [BND – l’agence allemande des renseignements extérieurs] apporte aux rebelles ?
GM : Le journal allemand Bild a révélé que des membres de la BND, stationnés sur des navires près de la côte libanaise et syrienne et sur la base de l’OTAN près d’Adana, collectent des renseignements sur le mouvement des troupes du gouvernement syrien et partagent cette information avec les forces de l’Armée Syrienne Libre.[17] La même chose s’applique aux agents des services secrets britanniques basés à Chypre, ainsi qu’aux activités des agents secrets et des satellites espions nord-américains.
Il est évident que le gouvernement allemand a retenu la leçon pour s’être abstenu de soutenir l’intervention militaire en Libye, qui a provoqué un grave revers dans les relations politiques avec ses partenaires de l’OTAN et qui a réduit les chances pour les entreprises allemandes de bénéficier de la reconstruction économique de ce pays d’Afrique du Nord. Cette fois-ci, l’Allemagne joue non seulement un rôle principal dans le contexte des décisions de l’UE visant à des sanctions économiques contre la Syrie, mais également dans le soutien uni des puissances occidentales à l’opposition syrienne, dont la fourniture de renseignements.
LS : Comment percevez-vous les rôles de l’Arabie Saoudite et du Qatar ?
GM : Ces deux pays sont en première ligne des adversaires du régime syrien. Ce sont les principaux soutiens financiers de l’opposition syrienne, comprenant le financement de la fourniture d’armes aux rebelles. Il existe même des rapports issus de sources non dévoilées dans les médias arabes que l’Arabie Saoudite pourrait être prête à prendre en charge les dépenses d’une intervention militaire généralisée de l’OTAN en Syrie.
Pourquoi cette monarchie conservatrice sunnite a-t-elle autant envie de chasser Bachar el-Assad ? Il y a avant tout l’objection à motivation religieuse, visant le dirigeant alaouite et l’alliance politique, économique et militaire entre Damas et le gouvernement chiite à Téhéran, qui est perçue comme la principale menace pour les Etats membres du Conseil de Coopération du Golfe.
La chute du régime syrien serait un coup extrêmement dur porté contre l’influence politique iranienne au Moyen-Orient. Le gouvernement à Téhéran est accusé de soutenir l’opposition chiite dans les riches provinces pétrolières orientales de l’Arabie Saoudite, au Koweït, au Nord du Yémen et surtout au Bahreïn. Dans ce dernier pays, le soulèvement de la majorité chiite de la population contre la minorité sunnite au pouvoir n’a pu être réprimé que par les troupes en provenance d’Arabie Saoudite et des Emirats Arabes Unis.
La décision du dirigeant qatari de soutenir l’opposition syrienne incluait non seulement la fourniture de moyens de financement mais également l’utilisation d’Al Jazeera pour diffuser des informations de propagande en faveur des rebelles. Dans le passé, cette chaîne de télévision, dont le siège se trouve à Doha, a gagné la réputation d’être la principale chaîne d’information indépendante, objective et très critique dans le monde arabe. Elle a joué un rôle important comme source d’information la plus fiable sur les révolutions en Tunisie, en Egypte et en Libye.
Son image positive a volé en éclat lorsque cette chaîne est devenue la voix partiale de la politique du gouvernement qatari contre Bachar el-Assad et lorsque des informations falsifiées à propos du régime syrien ont été produites. Cela est devenu public dans un document vidéo qui a été diffusé sur YouTube, montrant comment un film basé sur une information inventée à propos de la brutalité du régime syrien a été mis en scène par un journaliste d’Al Jazeera.[18]
LS : Et qu’y a-t-il à dire sur la Turquie ?
GM : Avant le soulèvement en Syrie, les relations entre les deux pays étaient très bonnes. Le principal conflit du passé avait été réglé, à savoir que la Turquie a garanti un approvisionnement suffisant en eau à l’Euphrate et que le gouvernement syrien a cessé de soutenir le PKK. Durant la première phase du Printemps Arabe, le gouvernement turc a soutenu le soulèvement en Tunisie, en Egypte et en Libye, et l’Etat islamique modéré d’Erdogan a été loué comme étant le modèle politique idéal pour les Etats arabes post-révolutionnaires.
Peu après que les troubles en Syrie eurent débuté, le gouvernement turc s’est joint aux Etats arabes du Golfe dans leur soutien à l’opposition, a abrité les réfugiés et permis aux autres Etats de l’Otan d’entraîner les combattants syriens sur le territoire turc.[19] Cette position a fait l’objet d’attaques croissantes de la part de l’opposition turque laïque, qui a accusé Erdogan d’essayer d’installer un gouvernement islamique sunnite à Damas et d’avoir sacrifié la vie de deux pilotes turcs, dont les avions ont été abattus lorsqu’ils ont survolé le territoire syrien en vue de tester l’efficacité des forces anti-aériennes en Syrie. Le soutien d’origine de la majorité de la population turque à un changement démocratique dans ce pays voisin décline, tandis que l’appréhension grandit sur le fait qu’une implication d’Ankara dans la crise syrienne aura un impact négatif sur l’économie et la sécurité nationale.
LS : Compte tenu de ces influences, la guerre en Syrie n’a-t-elle pas cessé d’être une guerre civile pour devenir en fait une opération combinée de forces extérieures ?
GM : C’est toujours une guerre civile mais avec une intervention croissante de l’étranger. De nombreux analystes politiques se réfèrent dans ce contexte aux guerres par procuration entre les Etats-Unis et la Russie, de même qu’à un conflit entre Etats sunnites et chiites.
LS : Selon vous, à quoi faut-il s’attendre au cas où Assad serait renversé ?
GM : Tout d’abord, le régime [d’Assad] est toujours au pouvoir et la question reste ouverte de savoir s’il sera ou non chassé. Quelques-uns de mes collègues arabes font remarquer que le soutien à ce régime s’est même accru en conséquence des dernières atrocités commises par les groupes rebelles.
La majorité des fidèles d’Assad ne sont en aucun cas satisfaits du système politique autoritaire, mais ils craignent que leur situation ne soit bien pire lorsque l’opposition arrivera au pouvoir en Syrie. Cela ne s’applique pas seulement aux Alaouites, qui représentent environ 13% de la population et qui craignent des tueries massives de vengeance. Les deux millions et plus de membres des diverses dominations chrétiennes, ainsi que les autres minorités religieuses comme les Druzes et les Ismaéliens, ont peur de devenir des citoyens discriminés de seconde zone sous un gouvernement islamiste sunnite.
Les autres soutiens au régime se trouvent parmi les gens qui sont employés par le gouvernement, notamment ceux en poste dans l’armée, dans les services de sécurité, dans l’administration et les divers services publics. Le reportage sur un postier qui a été assassiné par des rebelles salafistes, uniquement parce qu’il recevait un salaire du gouvernement,[3] a été considéré par de nombreux fonctionnaires comme une puissante alerte sur ce qu’il pourrait leur arriver lorsque l’opposition prendra le contrôle en Syrie.
D’un point de vue régional, les opposants au régime viennent essentiellement des zones rurales. La situation économique de la population qui travaille dans l’agriculture s’est significativement détériorée depuis 2006 à cause de la politique libérale adoptée par le gouvernement, qui comprenait l’abandon des subventions aux productions agricoles.
En outre, une longue période de sécheresse a détruit la base économique de beaucoup de paysans, ce qui a conduit environ 1,5 millions d’entre eux à migrer vers les villes. Beaucoup d’artisans font partie des perdants des réformes économiques, parce que les importations industrielles à bas coût ont inondé le marché syrien et conduit au déclin de la demande pour les produits artisanaux. Cela peut expliquer par exemple pourquoi Douma, une banlieue de Damas qui compte beaucoup de petits ateliers, s’est transformée en centre de résistance contre le gouvernement.[20]
Par ailleurs, la classe-moyenne urbaine, et en particulier les commerçants, ont bénéficié de façon importante de la libéralisation de l’économie. La majorité d’entre eux vivant à Damas et dans la métropole économique d’Alep est toujours fidèle au gouvernement. Cela est devenu évident lorsque les rebelles ont occupé certains quartiers d’Alep. Ils n’ont reçu le soutien que des habitants des banlieues, dont la population est dominée par les migrants ruraux. Dans les autres parties de la ville, les rebelles ont été accueillis avec réserve et hostilité, alors que les soldats du gouvernement ont été chaleureusement accueillis comme des sauveteurs ayant sauvé les habitants des envahisseurs.
Les deux millions de Kurdes, environ, qui se trouvent dans la partie septentrionale du pays, représentent un autre groupe qui jouera un rôle vital pour le développement futur de la Syrie. Désormais, les troupes gouvernementales se sont pratiquement complètement retirées de cette zone. Les demandes sont fortes de la part des représentants kurdes pour une région kurde autonome ou semi-autonome dans le futur, ce qui a même donné lieu à un pugilat entre les représentants kurdes et arabes de l’opposition lors d’une réunion au Caire.[21] Toutefois, la population kurde en Syrie n’est absolument pas unie, mais divisée en une douzaine de groupes aux orientations politiques différentes. Il est également improbable que le gouvernement turc tolère une telle région kurde en partie indépendante, qui pourrait servir de refuge aux combattants du PKK.
Un autre problème est la « ceinture arabe » le long de la frontière turque dans la région kurde riche en pétrole, au Nord-Est. Là, 43 villages ont été créés dans les années 70, pour accueillir plus de 20.000 habitants arabes des implantations rurales qui furent inondées après la construction du barrage de l’Euphrate. Les propriétaires kurdes ont été expropriés des terrains sur lesquels ont été construits ces villages et la terre a été remise aux colons arabes.
Je connais bien la situation de cette communauté arabe car j’y ai conduit une étude sur les conditions sociales et économiques dans tous ces villages.[22] Entre-temps, le nombre d’habitants s’est accru d’environ 100.000 personnes, qui sont à présent confrontées aux exigences kurdes de restituer ces terres aux anciens propriétaires et même de quitter complètement la région.
J’ai essayé d’expliquer que les groupes religieux, socio-économiques et ethniques mentionnés plus haut ont des attentes assez différentes quant au futur développement en Syrie. Différenciés selon leur orientation politique, il y a un large éventail de groupes, allant des supporters à un régime réformé d’Assad aux défenseurs d’une démocratie laïque de type occidental, en passant par ceux qui combattent pour un Etat à domination sunnite basé sur la loi islamique. Ce dernier modèle a probablement les meilleures chances de réussir, étant donné le soutien massif des autres Etats arabes et le fait que la vaste majorité des Syriens est sunnite.
LS : Patrick Seale a fait récemment un tour d’horizon dans l’un de ses articles :
Le Moyen-Orient est confronté à un grave danger de guerre, avec des conséquences imprévisibles et potentiellement dévastatrices pour les Etats et les populations de cette région. Une « guerre de l’ombre » est déjà en cours – par Israël et les Etats-Unis contre l’Iran ; par une coalition de pays contre la Syrie ; et par les grandes puissances, les unes contre les autres. Une simple étincelle pourrait embraser ce baril de poudre.[23]
Est-ce vrai?
GM : Une telle étincelle embrasant tout le Moyen-Orient pourrait se produire en cas d’attaque israélienne contre l’Iran ou une intervention étrangère en Syrie. Dans le premier cas, on s’attend à ce que la Syrie et le Hezbollah, et peut-être également le Hamas, attaquent Israël. Dans le second cas, l’Iran défendra son allié syrien, en vertu des traités d’assistance mutuelle conclus entre Téhéran et Damas.
LS : Dans le même article, M. Seale écrit ceci :
Au lieu de se mettre du côté des Etats-Unis et d’Israël dans la destruction de l’Iran et de la Syrie, l’Arabie Saoudite et ses alliés du Golfe devraient se joindre à l’Iran pour construire un nouveau système de sécurité pour la région, libérée de l’ingérence extérieure. S’ils agissent ensemble, ils peuvent faire économiser à la région la dévastation d’une guerre. Mais ils doivent agir rapidement car le temps est compté.
Quel est votre point de vue?
GM : C’est une jolie recommandation, mais fort éloignée de la réalité politique. La tension entre l’Arabie Saoudite et l’Iran s’accroît dramatiquement – pas essentiellement du fait que les monarques arabes se mettent du côté des Etats-Unis, mais avant tout à cause de l’hostilité sectaire qui monte entre les Sunnites et les Chiites, combinée à la menace croissante qu’un Printemps Arabe et l’idée d’une république islamique puissent aussi s’étendre à la Péninsule Arabique et résulteraient dans le renversement de ces monarchies. L’opposition et la résistance intérieure contre le système politique sont très puissantes au Bahreïn et grandissent tout particulièrement en Arabie Saoudite. Par conséquent, la confrontation avec l’Iran, de même que l’intervention en Syrie et d’autres parties du monde arabe, doivent aussi être regardées comme une lutte pour la survie des familles dirigeantes du Conseil de Coopération du Golfe.
LS : Comment une guerre de l’Ouest contre l’Iran pourrait-elle être empêchée ?
GM : Nous parlons ici d’une frappe israélienne unilatérale contre les installations nucléaires en Iran. Téhéran a toujours déclaré que son programme nucléaire est pacifique. Dans le communiqué final de leur dernier sommet, les 120 membres du Mouvement des Non-Alignés ont confirmé leur soutien à la revendication de l’Iran, selon laquelle, en vertu du Traité de Non-Prolifération des armes nucléaires, ce pays a droit à une énergie nucléaire pacifique, ainsi que le droit de disposer d’un cycle de carburant nucléaire complet, y compris l’enrichissement de l’uranium.[24]
Le gouvernement à Téhéran a appelé à de nombreuses reprises à la destruction de l’Etat juif [NdT : cela n’est pas tout à fait exact, Téhéran a en effet appelé à plusieurs reprises à la destruction du régime sioniste, cf. l’article de Jonathan Steele paru dans The Guardian du 14 juin 2006, « Perdus dans la traduction », et non pas à « rayer Israël de la carte ».]. Par conséquent, Israël considère que si l’Iran disposait de l’arme nucléaire cela constituerait une menace à son existence. Cela justifie-t-il une attaque militaire préventive contre l’Iran ? Selon une déclaration récente du ministre israélien des agences de renseignements, les gouvernements à Washington et à Jérusalem sont tous deux arrivés à la conclusion qu’il faudrait de 18 mois à deux ans à l’Iran pour produire une arme nucléaire à partir du moment où il aura pris la décision politique d’en construire une.[25]
Afin d’empêcher l’Iran d’acquérir les composants nécessaires pour commencer à assembler une bombe, l’armée israélienne a terminé tous les préparatifs nécessaires en vue d’une attaque contre l’Iran à tout moment. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou et le ministre de la Défense Ehoud Barak sont les principaux promoteurs d’une frappe unilatérale contre les installations iraniennes – malgré les mises en garde publiques et retentissantes de la part de hauts-gradés de l’armée et des services de renseignements en Israël, de même que de la pression politique croissante de la part du gouvernement des Etats-Unis. Néanmoins, Netanyahou a poursuivi ses rodomontades et assuré à ses partisans que le Président Obama apporterait son soutien militaire une fois que l’attaque israélienne aura débuté.
Il est devenu manifeste que cette attente ne devrait pas être prise pour argent comptant lorsque la participation des troupes nord-américaines dans les manouvres conjointes annuelles pour la défense d’Israël a été sévèrement réduite et que le président nord-américain de l’état-major interarmées, le Général Dempsey, a déclaré dans une interview qu’il ne serait pas « complice » d’une attaque israélienne. Une telle frappe ne pourrait que retarder le projet nucléaire iranien et pourrait détricoter la puissante coalition internationale qui a appliqué des sanctions sévères contre la République Islamique.[26]
En conséquence de cette réprimande publique et de critiques similaires de la part de Paris et de Berlin, Netanyahou a changé de stratégie et exigé des Etats-Unis qu’ils proposent à Téhéran l’option sans équivoque, soit de stopper ses activités nucléaires, soit d’être confronté à la guerre lorsque la « ligne rouge » sera franchie. Cette exigence a été immédiatement rejetée par le Secrétaire US à la Défense. La dernière tentative de Netanyahou d’accroître la pression politique sur le gouvernement d’Obama a consisté à affirmer que l’Iran sera prêt à produire des armes nucléaires dans une période de seulement six à sept mois. Cela contredit les conclusions de toutes les agences de renseignements et ne changera pas l’opposition des Etats-Unis qui ne veulent pas être attirés dans une nouvelle guerre dans le Golfe. Dans ces circonstances, il n’y a aucun risque immédiat qu’Israël lance une attaque contre l’Iran – du moins pas avant la prochaine élection présidentielle aux Etats-Unis [en novembre prochain].[27]
LS : Le conflit avec l’Iran est-il aussi une lutte liée aux questions d’énergie et à de possibles pipelines et gazoducs ?
GM : Depuis près de 70 ans, le contrôle de la riche région pétrolière du Golfe a été une priorité de la politique étrangère des Etats-Unis. Cela a commencé en 1943 lorsque le Président [Franklin] Roosevelt a établi une relation pétrole-contre-sécurité avec le Roi Abdel Aziz, en déclarant que la défense de l’Arabie Saoudite était d’un intérêt vital pour les Etats-Unis.
En 1953, la CIA a joué un rôle principal dans le renversement du gouvernement démocratiquement élu de Mossadegh, qui avait nationalisé l’industrie pétrolière iranienne. Avec l’aide des Etats-Unis, Mohammed Reza Shah Pahlavi a été réinstallé comme dirigeant. Il a ouvert la porte à l’exploitation des ressources pétrolières iraniennes aux compagnies nord-américaines et est devenu « le gendarme des Etats-Unis dans le Golfe » avec la force militaire la plus puissante de la région, et qui était équipée d’armes nord-américaines achetées pour plus de 20 milliards de dollars. La Révolution islamique en Iran en 1979 a été un coup dur porté à la domination des Etats-Unis dans cette région et a démarré les hostilités entre Téhéran et Washington.
L’occupation du Koweït par l’armée de Saddam Hussein en 1990 a offert une chance unique aux Etats-Unis d’étendre leur présence militaire dans cette région afin de protéger les Etats arabes du Golfe contre le risque d’une agression irakienne et d’accroître la taille et le nombre de leurs bases militaires dans la région du Golfe. L’invasion de l’Irak menée par les Etats-Unis en 2003 au prétexte de contrer la menace des armes de destruction massive de Saddam Hussein était entièrement fondée sur des mensonges fabriqués au préalable par la CIA.[28]
Cette invasion était principalement destinée à servir les intérêts géostratégiques des néoconservateurs du gouvernement [de George W.] Bush, qui avaient pour objectif le contrôle par les Etats-Unis des ressources pétrolières irakiennes. L’exécution de ce plan s’est avéré être un échec. Après des dépenses colossales et la mort d’environ 4.000 Américains et plus de 100.000 Irakiens, les Etats-Unis ont dû renoncer complètement à leur présence militaire en Irak, et les relations entre le gouvernement à domination chiite à Bagdad et Washington se détériorent, tandis que l’influence de l’Iran s’est énormément accrue.
Dans ces circonstances, les tensions croissantes entre la République islamique d’Iran et les monarchies du Golfe sont une bénédiction pour les intérêts géostratégiques des Etats-Unis. En protégeant les Etats du CCG contre la menace iranienne, le gouvernement d’Obama peut justifier sa présence militaire dans cette région riche en pétrole, et les fabricants d’armes nord-américains sont les grands bénéficiaires des ventes d’armes aux Etats du Golfe. Les derniers contrats de vente d’avions de combat F-15 à l’armée de l’air royale saoudienne sont évalués à 30 milliards de dollars ; les Emirats Arabes Unis ont acheté un système de défense anti-missiles et des hélicoptère Chinook pour une valeur de 4,5 milliards de dollars ; et Oman a commandé des avions de combat pour une valeur de 1,4 milliards de dollars.[29]
LS : Comment évaluez-vous les actions entreprises récemment par le président égyptien Mohamed Morsi, notamment celles liées à ses visites en Chine et en Iran ?[30]
GM : Il est très significatif que le Président Mohamed Morsi ait rendu sa première visite dans un pays extérieur au Moyen-Orient, non pas à Washington, mais à Pékin. Cela démontre la tentative d’éloigner la politique étrangère égyptienne de son ancienne dépendance des Etats-Unis durant le règne du président Moubarak. Cette visite ostentatoire a été applaudie par la majorité de la population égyptienne et notamment par les Frères Musulmans, dont les membres n’ont pas oublié que le gouvernement des Etats-Unis avait soutenu la politique de Moubarak de persécution de l’opposition islamique en emprisonnant et en torturant les Frères Musulmans.
La recherche d’une plus grande indépendance a été également soulignée par la décision de Morsi de participer à la conférence du Mouvement des Non-Alignés à Téhéran, en dépit de la critique et de la pression politique de la part des Etats-Unis et d’Israël, qui veulent isoler la République Islamique. Morsi s’est servi de son discours d’ouverture de cette conférence pour appeler à la création d’un groupe régional constitué de l’Egypte, de l’Iran, de l’Arabie Saoudite et de la Turquie, en vue de trouver une solution à la crise en Syrie. Cette proposition enfreint manifestement l’initiative menée par les Etats-Unis contre les régimes à Damas et à Téhéran. Elle doit être vue comme une nouvelle tentative du Caire de regagner un poids politique dans la région.
LS : Pensez-vous que ce soit un problème majeur, comme David P. Goldman l’a fait remarquer, que la population égyptienne soit économiquement désemparée parce qu’elle a peu ou pas de moyens de production pour s’émanciper en tant que cliente des Etats-Unis, de l’Arabie Saoudite ou de n’importe qui d’autre ?[31]
GM : Une telle affirmation passe complètement à côté du fait que l’Egypte a pas mal de choses à offrir, tant d’un point de vue géostratégique que d’un point de vue économique. L’Egypte compte la plus grande population du monde arabe, 82 millions d’habitants. Cela représente un immense marché, qui est stimulé par l’argent que versent [à leurs familles restées au pays] les Egyptiens qui travaillent à l’étranger. L’argent qui provient des émigrés a atteint l’année dernière un record absolu de 14,3 milliards de dollars, et est essentiellement utilisé pour la consommation privée et a contribué à contrer la baisse des réserves de devises en 2011.[32]
Le pays arabe le plus peuplé est aussi d’une énorme importance géostratégique pour les Etats-Unis et Israël, en stabilisant la situation politique dans la région sur la base de l’Accord de Camp David. L’Egypte accorde des droits de survol de son espace aérien à l’US Air Force et donne accès au Canal de Suez, voie maritime clé pour les cargaisons de pétrole et du transport militaire américain vers la région du Golfe. En échange de ces avantages, Washington verse chaque année 1,56 milliards de dollars d’aide financière à son important allié, sommes qui totalisent 65 milliards de dollars depuis 1979. La très grande majorité de cet argent a servi à acheter des armes aux fabricants américains.[33]
L’arène politique est maintenant en train de changer. Morsi invite de nouveaux concurrents à défier la position américaine dominante en Egypte. Sa visite à Pékin a servi avant tout l’objectif d’accroître la coopération économique. Pour l’instant, la Chine a investi environ 500 millions de dollars, et des contrats supplémentaires pour des investissements dans des programmes d’infrastructure ont été signés durant la visite de Morsi. En 2011, les exportations chinoises vers ce pays arabe ont atteint 7,3 milliards de dollars, dépassant les exportations américaines vers l’Egypte, qui se sont élevées à 6,2 milliards de dollars. Certains analystes posent déjà la question suivante : « La Chine est-être en train de racheter l’Egypte aux Etats-Unis ? »[34]
Pour sécuriser leur influence en Egypte, les Etats-Unis doivent accroître leur soutien financier. L’annonce par la Maison Blanche d’apporter au Caire un 1 milliard de dollars supplémentaires en remise de dette et en aide économique, le soutien à un ensemble de prêts du FMI de 4,8 milliards de dollars et l’arrivée d’une délégation nord-américaine importante, comprenant six fonctionnaires du ministère du commerce et des représentants de douzaines d’entreprises multinationales, montre assez clairement l’importance que le gouvernement et les acteurs privés nord-américains accordent à l’Egypte.[35]
En même temps, le Qatar et l’Arabie Saoudite se font aussi concurrence pour accroître leur influence en Egypte. Cela a commencé durant la première campagne électorale libre pour les législatives après la révolution égyptienne, lorsque le Qatar a soutenu les Frères Musulmans, tandis que l’Arabie Saoudite finançait les Salafistes. Après la victoire des Frères Musulmans, à la fois dans les élections législatives et la présidentielle, il n’est pas surprenant que le dirigeant qatari continue d’être extrêmement généreux dans son soutien au gouvernement de Morsi. Cela est souligné par l’annonce de 15 milliards de dollars d’investissements dans le tourisme et des projets industriels au cours des cinq prochaines années. L’Arabie Saoudite fait de même.[36]
Les entreprises et les banques d’investissement du Golfe, qui bénéficient des prix élevés du pétrole font aussi la queue pour investir en Egypte. Cela s’applique essentiellement au secteur bancaire dans lequel les banques européennes vendent leurs actions égyptiennes pour faire face à la crise bancaire [dans leurs pays respectifs].[37]
Il est manifeste que le déclin de l’économie égyptienne post-révolutionnaire a franchi un tournant. Les perspectives économiques s’améliorent rapidement. La poursuite de ce développement positif et la création d’un nombre suffisant de nouveaux emplois dont le besoin est criant dépendra de la stabilité politique, du rétablissement de la sécurité publique et de l’exécution réussie des réformes structurelles de l’économie.
LS : Quelles sont les implications politiques des manifestations violentes contre le film anti-islam, au regard des relations entre l’Egypte et les Etats-Unis ?
GM : A la suite de l’attaque de l’ambassade des Etats-Unis au Caire, le président égyptien n’a condamné que le film injurieux et a ajouté une déclaration générale disant que les missions diplomatiques étrangères devaient être protégées. En évitant une condamnation des manifestations anti-américaines violentes, Morsi a de toute évidence essayé de ne pas mettre en danger ses alliances intérieures avec les Salafistes ultra-conservateurs. Cependant, cette attitude a provoqué une réaction plutôt vive du Président Obama qui a dit que l’Egypte n’était ni une alliée ni une ennemie des Etats-Unis. Bien qu’un porte-parole de la Maison Blanche ait déclaré plus tard à ce sujet que le statut de l’Egypte n’avait pas changé au regard des privilèges spéciaux dont bénéficie ce pays dans sa coopération avec les Etats-Unis, il est clair que les relations entre les deux Etats s’est détériorée. Cela est aussi souligné par les négociations sur l’allègement de la dette et l’aide financière de Washington qui calent.
Les manifestations anti-américaines dans beaucoup de pays arabes, et en particulier la mort de l’ambassadeur américain en Libye, pourraient également affecter sérieusement le soutien des Etats-Unis à l’opposition en Syrie. Selon les comptes-rendus de la presse arabe, il y a une crainte généralisée parmi les groupes syriens d’opposition que l’attaque fatale de militants islamistes contre l’ambassade de Benghazi soit vue comme un modèle pour le développement en Syrie après le renversement du régime alaouite. Cela pourrait conduire à un réajustement de la politique des Etats-Unis et à un retrait du soutien américain aux forces d’opposition.
LS : Voici enfin la question classique : Qui bénéficie le plus de ce qui se passe en Syrie et au-delà ?
GM : Jusqu’à présent, Israël et les Etats-Unis ont été les principaux gagnants. Le gouvernement à Jérusalem a pu se rallier un soutien significatif pour son combat contre l’Iran, auprès de Washington et des capitales européennes. Cela ne s’applique pas à l’intervention militaire demandée par Netanyahou et Barak, mais s’applique à une augmentation significative des sanctions contre Téhéran, qui provoquent des problèmes de plus en plus sérieux pour le développement économique de l’Iran.
Les Etats-Unis profitent de la dépendance croissante des pays du CCG d’une protection par les troupes nord-américaines, en combinaison avec des ventes record d’armes par les fabricants aux Etats-Unis, où des dizaines de milliers de nouveaux emplois sont créés et des centaines de milliers d’anciens emplois sont préservés.
Lars Schall est un journaliste financier allemand
Notes :
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[1] Jurgen Todenhofer : Mein Treffen mit Assad [Ma rencontre avec Assad], Bild, 9 juillet 2012.
[2] Viktor Reznov : ANNA News Journalist Marat Musin about Houla Massacre [Le journaliste d’informations Marat Musin, d’ANNA News, à propos du massacre de Houla], Syria News, 31 mai 2012.
[3] Rainer Hermann : Syrien. Eine Auslöschung [La Syrie. Une oblitération], Frankfurter Allgemeine Zeitung, 13 juin 2012.
[4] Pepe Escobar : Syria’s Pipelineistan War [la guerre syrienne du pipelineistan], Al Jazeera, 6 août 2012.
[5] Tamsin Carlisle, Thomas Seibert : Qatar Seeks Gas Pipeline to Turkey [Le Qatar à la recherche d’un gazoduc vers la Turquie], The National, 26 août 2009.
[6] Roula Khalaf, Abeer Allam : Assad Intensifies Cyberwar against Qatar [Assad intensifie la guerre cybernétique contre le Qatar], Financial Times, 24 avril 2012.
[7] Osama Habib : Lebanon’s offshore gas likely exceeds Cyprus, Syria [La quantité de gaz au large du Liban excède probablement celle au large de Chypre], Daily Star, 7 septemùbre 2012.
[8] Remarques du Sénateur John McCain sur la situation en Syria depuis l’hémicycle du Sénat américain, 5 mars 2012.
[9] Pepe Escobar: Realpolitik blurs US red line in Syria, Asia Times Onlline, 24 August 2012.
[10] Brian T Haggerty : Safe havens in Syria: missions and requirements for an air campaign [Des refuges sûrs en Syrie : missions et besoins pour une campagne aérienne], SSP Working Paper, juillet 2012, voir également Daniel Trombly : The cost of a Syrian intervention [Le coût d’une intervention en Syrie], US Naval Institute, 22 août 2012.
[11] Ed Husain : al-Qaeda’s specter in Syria [Le spectre d’al-Qaïda en Syrie], Council on Foreign Relations, 6 août 2012.
[12] Alexander Marquardt : Syrian helicopter appears to be shot down by rebels [Un hélicoptère surien semble avoir été abattu par les rebelles], abc-News, 27 août 2012.
[13] Obama warns Syria chemical weapons use may spark US action [Obama avertit la Syrie que l’utilisation d’armes chimiques pourrait déclencher une action américaine], BBC, 21août 2012.
[14] Paul Joseph Watson : NATO plot to use ambulances as cover for humanitarian invasion of-Syria [le complot de l’Otan pour utiliser des ambulances comme couverture pour une invasion humanitaire en Syrie], Infowars, 29 août 2012.
[15] Ismail Salami : West Throttling Syria, Tightening Noose L’Ouest étrangle la Syrie, le noud coulant se resserre], Media Monitors Network, 20 août 2012.
[16] The Day After : The day after project: supporting a democratic transition in Syria [Le jour d’après : soutenir une transition démocratique en Syrie], août 2012.
[17] German Spy Ship Aiding Syrian Rebels [Un navire espion allemand aide les rebelles syriens], Deutsche Wellte, 20 août 2012.
[18] Unraveling media scandal: Al Jazeera exodus: Channel losing statt over bias [Dénouement d’un scandale médiatique: L’exode d’al Jazeera: La chaîne perd son statut pour partialité], Global Research, 13 mars 2012 ; voir également Al Jazeera proxy for war hungry forces fuelling Syrian conflict [Al Jazeera mandataire des forces assoiffées de guerre, attise le conflit syrien], Russia Today.
[19] Murat Yetkin : The Syrian war becomes a Turkish political issue [La guerre syrienne devient un problème politique turc], Hurriyet, 28 août 2012.
[20] Jürgen Wagner : Imperialer Neolliberalismus: Syrien und die Europaische Nachbarschaftspolitik [Néolibéralisme impérial : La Syrie et la politique de voisinage européenne], IMI-Studie, 12-13 août 2012.
[21] Fights break out at Syria opposition meet; Kurds walk out in protest over nationality [Des bagarres éclatentlors de la rencontre de l’opposition syrienne; les Kurdes quittent la réunion en protestation sur la nationalité], Al Arabiyya News, 3 juillet 2012.
[22] Günter Meyer: The resettlement of the population from the reservoir area of Lake Assad [La réimplantation de la population en provenance de la zone du réservoir du Lac Assad], Erlanger Geographische Arbeiten, Sonderband 16, 1984, p. 25-86, 299-301.
[23] Patrick Seale : The urgent need to prevent a Middle East war [Il est urgent d’empêcher une guerre au Moyen-Orient], agence global, 14 août 2012.
[24] Dilip Hiro : Non-Aligned summit belies isolation of Iran [Le sommet des Non-alignés contredit l’isolement de l’Iran], Yale Global, 4 septembre 2012.
[25] IAEA Report: Iran doubled number of centrifuges between May and August [Rapport de l’AIEA : L’Iran a doublé le nombre de ses centrifugeuses entre mai et août], Media Line MidEast Daily, 2 septembre 2012.
[26] Israel under international pressure not to attack Iran alone [Israël sous pression internationale de ne pas attaquer l’Iran seul], Reuters, 31 août 2012.
[27] Israel shift on Iran after US ‘no’ [Israël change de stratégie sur l’Iran après le ‘non’ américain], Gulf Times, 5 septembre 2012.
[28] Jeremy R. Hammond : The lies that led to the Iraq War and the persistent myth of ‘intelligence failure’ [Les mensonges qui ont conduit à la guerre d’Irak et le mythe persistant de la « faille dans les services de renseignements »], Foreign Policy Journal, 8 septembre 2012.
[29] Mark Landler et Steven Lee Myers : With 30 billion arms deal, US bolsters Saudi ties [Avec un contrat d’armement de 30 Mds de dollars les Etats-Unis renforcent ses liens avec l’Arabie Saoudite], New York Times, 29 décembre 2011.
[30]. M. K. Bhadrakumar : Egypt thumbs the nose at US [L’Egypte fait un pied de nez aux Etats-Unis], Asia Times Online, 21 août 2012.
[31] David P. Goldman : When will Egypt go broke? [Quand l’Egypte va-t-elle devenir fauchée ?], Asia Times Online, 12 juillet 2011.
[32] Jamie Collinson : Egyptian remittances peaked in 2011 [Les allègements de la dette égyptienne ont connu un plus haut en 2011], microDinero, 18 août 2012.
[33] Egyptian blase about US threat to cut aid [La lassitude égyptienne vis-à-vis de la menace américain de réduire l’aide financière], The Media Line, 23 août 2012.
[34] Erin Cunningham : Is China ‘buying’ Egypt from the US? [La Chine est-elle en train de « racheter » l’Egypte aux Etats-Unis], Global Post, 6 septembre 2012.
[35] Borzou Daragahi : Egypt’s consumer and investor confidence on the rise [La confiance des consommateurs et des investisseurs égyptiens s’améliore],Washington Post, 6 septembre 2012.
[36] Qatar to invest $ 18bn in Egypt [Le Qatar s’apprête à investir 18 Mds de dollars en Egypte], Gulf Times, 7 septembre 2012.
[37] Brian Wingfield et Nicole Gaouette : Mariott joins Boeing seeking trade assurance on trip to Egypt [Mariott se joint à Boeing dans la recherche de promesses commerciales lors d’un voyage en Egypte], Bloomberg Businessweek, 6 septembre 2012.