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Syrie : « L’attentat-suicide de Damas n’a pas décapité le pouvoir »


Samedi 21 juillet 2012

Revue de Presse : Blog « Si Proche Orient » – 21 juillet 2012 – Armin Arefi *

Analyse de Fabrice Balanche, Maître de conférences à l’université Lyon II et directeur du Groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (Gremmo)

Damas a annoncé vendredi matin la mort du chef de la sécurité nationale, qui avait été blessé dans l’attentat de mercredi. Était-il une personnalité importante ?

Hicham Ikhtiar était un personnage de premier plan dans l’organisation de la répression. Il s’agissait d’un homme âgé, un des vétérans du régime, qui avait su constituer un important réseau personnel de clientélisme. Il possédait ainsi des informateurs fiables qui lui permettaient de procéder à de nombreuses arrestations. Surtout, il était sunnite. Il s’agissait d’une tête de réseau.

Était-ce le cas également d’Assef Chawkat, beau-frère de Bachar el-Assad et vice-ministre de la Défense, lui aussi tué mercredi ?

Assef Chawkat était encore plus important que Hicham Ikhtiar, car c’était lui le véritable organisateur de l’armée syrienne, avec Maher el-Assad, frère cadet de Bachar el-Assad. Assef Chawkat était le vrai ministre de la Défense.

Il avait été mis sur la touche par le régime en 2008, après l’assassinat d’Imad Moughnieh, un des chefs du Hezbollah à Damas. Il faut dire qu’il était connu pour avoir les dents longues. Le clan Assad craignait d’ailleurs qu’il ne fomente un coup d’État contre ses beaux-frères. Mais il a été rappelé ces derniers mois, en raison de l’efficacité dont il a toujours fait preuve dans son « travail ».

Les événements semblent dramatiquement s’accélérer en Syrie. Hier, le vice-ministre irakien de l’Intérieur a annoncé, à la surprise générale, que les rebelles contrôlaient l’ensemble de la frontière avec l’Irak.

Ce n’est, au contraire, pas surprenant étant donné qu’il n’existe que deux postes-frontières entre la Syrie et l’Irak. Le premier se trouve à Abou Kamal, sur la vallée de l’Euphrate, dans une zone déjà tenue par les rebelles. Il est donc normal qu’ils s’en soient emparés rapidement, d’autant plus que seule une vingtaine de soldats le défendait. Le second poste-frontière se trouve entre Damas et Bagdad, dans une zone désertique assez facile à conquérir.

Pour quelle raison ?

Tout simplement parce que l’armée régulière a déserté cette région, pour se concentrer sur Damas, où elle a été appelée en renfort par le régime. Il en va de même pour les troupes syriennes positionnées sur le plateau du Golan, elles aussi envoyées dans la capitale. En effet, le régime syrien n’a rien à craindre en ce moment du côté israélien.

On observe aujourd’hui des scènes de guerre à Damas. S’agit-il, comme l’affirme l’Armée syrienne libre, de la « bataille pour la libération » ?

On constate effectivement une accélération des événements, mais ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas la fin du régime. L’attentat de mercredi n’a pas décapité le pouvoir, comme on le dit. Il lui porté un coup, bien sûr, mais le régime est loin d’être paralysé. Il a d’ailleurs mis en place une stratégie de contre-insurrection, qu’il est actuellement en train d’appliquer. Malgré certains déboires ainsi qu’un manque de technicité, Damas n’a pas changé sa position pour autant.

Quelle est cette technique ?

Elle consiste à reprendre le contrôle du territoire à partir des pôles urbains. C’est la « technique de la tache d’huile ». L’armée attend qu’un nombre significatif de rebelles s’installent dans un quartier, puis que leur présence devienne pesante – tant au niveau sécuritaire qu’au niveau économique – pour la population, avant de lancer le bombardement. Le pilonnage provoque la fuite des habitants, et ceux qui restent sont démasqués et éliminés.

L’opération est alors reproduite à l’identique dans un autre quartier, puis un autre encore. Cette technique, notamment utilisée par les États-Unis au Vietnam, ou par la France en Algérie, trouve pourtant ses limites en Syrie. Le régime ne contrôlant plus ses frontières, il ne peut espérer enfermer la rébellion dans le territoire syrien.

Selon vous, la capitale ne serait donc pas sur le point de tomber ?

Non, les rebelles ne sont pas assez bien organisés, ni armés. Regardez, l’armée a décidé ce matin d’aller les déloger à Midane.

Le mois du ramadan, qui commence ce vendredi, peut-il changer la donne ?

Ce mois sacré est propice à une augmentation des combats, car il galvanise les rebelles. De l’autre côté, l’armée syrienne a déjà prouvé l’année dernière qu’elle réprimerait malgré tout. Étant donné l’escalade de la violence, il est peu probable que les manifestants descendent dans la rue.

Une riposte sanglante du régime est-elle à craindre après l’attentat de mercredi ?

En 1980, au lendemain de l’attentat manqué contre Hafez el-Assad, père de Bachar, près de 1 000 prisonniers avaient été tués en réponse à Palmyre.

Aujourd’hui, on risque fort d’assister à une vengeance du régime sur les civils, notamment de la part des fidèles d’Assef Chawkat.

*http://6procheorient.blogspot.fr/2012/07/syrie-lattentat-suicide-de-damas-na-pas.html

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