Syrie : Lettre ouverte de Roland Diagne aux syndiqués CGT, CFDT, Solidaires, FSU, UNSA
décembre 16, 2012
Les dirigeants de divers syndicats français viennent d’appeler une fois de plus le gouvernement à intervenir en Syrie sous prétexte de considérations humanitaires. A cette occasion, Roland Diagne a fait parvenir à la rédaction d’Alger républicain une lettre ouverte dans laquelle il dénonçait déjà en février dernier leur compromission avec les ingérences impérialistes quand ils avaient appelé à soutenir les insurgés syriens.
Nous publions cette Lettre et notre commentaire.
AR
HALTE A LA COMPLICITE DES DIRIGEANTS SYNDICAUX
AVEC L’IMPERIALISME FRANCO-EURO-ETASUNIEN CONTRE LES PEUPLES D’ICI ET DE LA BAS !
Ce jeudi 9 février 2012 sous le titre « halte aux massacres en Syrie », les dirigeants des syndicats CFDT, CGT, UNSA, FSU et Solidaires ont signé une déclaration commune appelant à manifester le 11 février à Paris en prétendant dans le sillage des gouvernements Franco-Euro-Etasunien qu’en Syrie il n’y aurait qu’un soulèvement « pacifique contre le pouvoir despotique ».
Les dirigeants syndicaux CFDT, CGT, l’UNSA, FSU et Solidaires ne disent rien de bien différent de la propagande des impérialistes Franco-Euro-Etatsuniens après le veto Russo-Chinois soutenu par la plupart des Etats comme le Brésil, l’Inde, le Vietnam, les pays de l’Alba en Amérique du sud, etc., quand ils écrivent que :
« la Syrie ne pourra désormais plus rester isolée… Ce n’est plus qu’une question de temps. Mais combien faudra t-il de morts pour que la communauté internationale puisse condamner … et imposer des sanctions contre celui-ci et ses dirigeants »
avant de menacer en disant
« face à ces crimes contre l’humanité, les responsables de ce régime qui ne possèdent plus aucune légitimité devront répondre devant la justice des atrocités commises »
et enfin ils accusent le syndicalisme, notamment syrien de ne pas être « indépendant ».
Alors que cela leur a manqué dans toutes les luttes sociales des travailleurs jusqu’ici, nos dirigeants CFDT, CGT, l’UNSA, FSU et Solidaires montrent ici une inquiétante faculté au « consensus » pour suggérer, voire appeler à l’agression impérialiste Franco-Euro-Etatsunien qui est en fait déjà à l’œuvre en Syrie à travers l’armement, l’entraînement de l’opposition armée apatride, à ne pas confondre avec l’opposition patriotique pacifique, à l’actuel gouvernement Syrien. Objectivement tout comme en Libye, la dite opposition armée et le Conseil National Syrien (CNS) sont des laquais des théocraties fondamentalistes Saoudienne, Quatarie, Koweitienne et des Emirats alliées à des réseaux d’El Qaïda et aux impérialistes Franco-Euro-Etatsuniens plus l’Etat colonialiste d’Israël.
Ils font comme si les mensonges Franco-Euro-Etasuniens de la première et de la seconde guerre d’occupation coloniale de l’Irak (sans notre pays, c’est tout à son honneur), puis de l’Afghanistan, le détournement de la résolution 1975 pour capturer à la manière des négriers d’antan le président de la Côte d’Ivoire et l’utilisation illégale de la résolution 1973 pour la guerre coloniale de l’OTAN en Libye ont été effacés de la mémoire des travailleurs, des ouvriers par la guerre antisociale et anti-démocratique pour le profit maximum que leur livrent le grand patronat et les gouvernants Franco-Euro-Etasuniens. Rappelons-leurs que le consensus des dirigeants syndicaux dont le monde du travail, la classe ouvrière a besoin aujourd’hui pour ne pas perdre tous les acquis sociaux et démocratiques, c’est le « consensus » des dirigeants syndicaux pour :
- s’opposer en 2010 à la réquisition des travailleurs des raffineries force de frappe de la lutte
- pour le droit à la retraite ;
- dire non à la criminalisation des luttes sociales et l’utilisation de la justice de classe contre les militants syndicaux et grévistes ;
- faire respecter le vote populaire souverain qui le 29 mai 2005 a rejeté l’Europe du capital ;
- exiger la régularisation des travailleurs sans papiers ;
- empêcher la destruction de l’école jusqu’à l’université et la mise sous tutelle du patronat et des religions de l’éducation ;
- préserver le droit à la santé de plus en plus privatisée ;
- faire en sorte qu’un toit soit un droit pour tous ;
- garder les emplois dans le pays en nationalisant les entreprises qui empochent l’argent public et délocalisent ;
- augmenter les salaires pour satisfaire les besoins essentiels des familles ;
- dénoncer les politiques d’austérité en montrant justement qu’ils ont de l’argent pour faire leurs guerres coloniales, mais pas pour l’école, la santé, le logement, l’emploi et la hausse des salaires ;
- montrer aussi que ce sont les enfants des travailleurs qui sont poussés par le chômage à aller dans l’armée pour se faire tuer tout en tuant par exemple en Afghanistan ;
bref, frayer la voie et organiser la grève générale, seule capable de stopper la broyeuse infernale des agressions du capital contre le travail, etc.
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Le consensus des dirigeants syndicaux dont le peuple multicolore et multiculturel qu’est devenu la France a besoin pour l’unité de classe des travailleurs du pays est celui qui dénonce et agit fermement contre :
– les discours fascistes du ministre de l’intérieur sur « les civilisations ne se valent pas » ;
- les lois scélérates sur le « colonialisme positif » ;
- les attaques multiples des gouvernants contre la laïcité par la criminalisation d’une religion : l’islam ;
- les crimes racistes, notamment perpétrés par des policiers impunis ;
- la parole raciste abjecte de plus en plus libérée en toute impunité ainsi que les diverses manifestations xénophobes ;
- les lois racistes visant les sans papiers et l’immigration ;
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Le consensus des dirigeants syndicaux conformes aux meilleures traditions de solidarité internationale entre travailleurs du monde entier et peuples dont on a besoin, c’est l’exigence de respect :
- de la solidarité avec la formidable résistance ouvrière et populaire du peuple Grec contre les diktats antisociaux de l’UE, du FMI et de la Banque Mondiale ;
- du droit des peuples à l’indépendance ;
- du principe selon lequel le sort de chaque gouvernement ne dépend exclusivement que son peuple, c’est-à-dire de la souveraineté populaire ;
- du mot d’ordre pas d’ingérence dans les affaires internes d’un pays ;
- de lutte contre le chauvinisme des puissants qui prétendent être d’une ‘civilisation supérieure’ aux autres peuples et à ce titre ils exercent le principe barbare de la raison du plus fort ;
- de la valeur selon laquelle les humains, mais aussi les peuples naissent libres et égaux en droit et en dignité ;
- de l’opposition aux guerres impérialistes, principalement le « nôtre », contre les peuples, fondement de l’internationalisme et de l’unité et de la solidarité entre les peuples.
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Ils sont manifestement trop souvent à l’Elysée et à Matignon et cet appel consensuel à peine voilé à la guerre contre la Syrie de nos dirigeants syndicaux montre la grave dépendance de nos centrales syndicales vis-à-vis de nos gouvernements au service du grand capital, dépendance qui est manifestement renforcée par la crise systémique du capitalisme que les travailleurs et les peuples doivent combattre pour forger un avenir meilleur à nos enfants et notre jeunesse.
14/02/12
DIAGNE Roland Fodé, membre de la commission exécutive (CE) de la CGT Educ’Action Nord et de la Ferc CGT
Commentaire d’Alger républicain
Les dirigeants des syndicats CFDT, CGT, UNSA, FSU et Solidaires avaient déjà signé en février dernier une déclaration commune appelant à manifester pour une intervention française soi-disant humanitaire en Syrie. Roland Diagne avait dénoncé de façon cinglante leur déclaration en montrant qu’elle puait la collaboration de classe avec l’impérialisme.
Cette collaboration nous rappelle les pires moments de la propagande colonialiste justifiant l’oppression des peuples, sauf qu’à l’époque la CGT de Benoît Frachon se tenait du bon côté et ne mordait pas à l’hameçon de la prétendue « mission civilisatrice » de la France dans les colonies.
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Les Algériens ont souffert du terrorisme réactionnaire des forces qui utilisent l’islam. Ces forces avaient bénéficié du soutien des socialistes et de Mitterrand enjoignant aux Algériens de reconnaître la « victoire » électorale des islamistes. Les patriotes et progressistes algériens conséquents refusent que la Syrie tombent entre les pattes de l’impérialisme et de ses collabo syriens appuyés financièrement et militairement par les dictatures moyenâgeuses du Golfe que les dirigeants syndicaux français s’abstiennent de dénoncer dans leur déclaration.
Une victoire des forces de l’impérialisme et de la réaction arabe aura des répercussions immédiates graves sur les peuples de tous les pays arabes. Les travailleurs des pays impérialistes en subiront eux aussi et en retour les conséquences, car elle renforcera l’emprise des forces les plus réactionnaires dans le monde, les plus réfractaires à toute idée de démocratie véritable et à tous les droits sociaux des travailleurs.
Est-il besoin de rappeler que les régimes théocratiques du Golfe organisent l’exploitation la plus cruelle et la plus éhontée de millions de travailleurs étrangers originaires d’Asie au bénéfice des multinationales et qu’à ce titre ces régimes constituent le rempart de la pire réaction dans cette région ?
Faut-il souligner que le rêve des dirigeants des pays impérialistes est d’arriver à ramener la condition ouvrière d’Europe et d’Amérique à celle des travailleurs des bagnes du Golfe ?
Les dirigeants de ces syndicats sont-ils assez naïfs pour ne pas voir que le modèle politique et socio-économique des chefs de l’insurrection islamiste en Syrie, qu’ils soutiennent objectivement, est celui de leurs parrains de l’Arabie Saoudite, de Qatar ou de Dubaï ? Il est impossible de croire qu’ils ignorent à ce point quels sont vraiment leurs soutiens.
En faisant cette déclaration, les dirigeants de ces syndicats se sont placés dans le camp de la réaction et du colonialisme camouflé sous le masque du « devoir d’ingérence humanitaire ». Les peuples d’Afrique, du Moyen Orient, d’Asie et d’Amérique latine ne peuvent rester indifférents à cette évolution ouvertement pro-impérialiste des dirigeants du mouvement syndical français. Ce mouvement a été jusqu’à une époque encore récente une source d’inspiration qui stimulait leurs luttes pour l’indépendance et le progrès social.
Parce qu’ils sont les premiers à subir les conséquences de l’agressivité croissante des puissances impérialistes, et parce qu’une éventuelle victoire de ces puissances en Syrie aura de graves répercussions sur la souveraineté de leurs pays ainsi que sur les conditions d’existence même de leurs peuples, les progressistes d’Afrique, du Moyen Orient, d’Asie et d’Amérique latine dénoncent l’alignement des dirigeants du mouvement syndical français sur les positions des chefs de leurs États impérialistes fauteurs de guerres criminels et principaux responsables des malheurs du peuple syrien par leur soutien à la rébellion réactionnaire et leur refus de toute solution politique avec le régime syrien.
C’est au peuple syrien qu’il revient de décider qui doit le diriger.
Le devoir des forces progressistes des nations impérialistes est d’abord de combattre les ingérences de leurs bourgeoisies dans les affaires intérieures des autres peuples.
Un peuple qui soutient les guerres menées par sa bourgeoisie contre d’autres peuples, justifie ces guerres ou laisse faire passivement ses exploiteurs, finira par récolter un jour le fascisme et la guerre chez lui.
Alger républicain
12.12.12