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Syrie : Sinistre signal de Paris et Londres.


par Lena Azizi

Samedi, 16 Mars 2013

La France et la Grande-Bretagne ont décidé de marquer l’entrée de la Syrie dans sa troisième année de guerre civile en annonçant leur intention de ne plus se plier à l’embargo sur les armes.

C’est une pression exercée sur les autres pays européens plus que réticents et pour des raisons objectives. L’opposition syrienne, qui applaudit le signal franco-britannique, va donc recevoir, en plus des flux d’armes venant des pays du Golfe, des armes de la France et de la Grande-Bretagne. Il s’agirait notamment de missiles sol-air pour attaquer l’aviation syrienne. Les Russes, qui ont défendu une solution politique sans cesse bloquée par l’exigence, intenable, d’un départ préalable de Bachar Al Assad, ont rappelé, par la voix de Serguei Lavrov, qu’une éventuelle livraison d’armes à l’opposition syrienne était une violation du droit international.

« La loi internationale n’autorise pas, ne permet pas de fournir des armes à des acteurs non gouvernementaux et, selon nous, il s’agit d’une violation de la loi internationale », a rappelé, à Londres, le chef de la diplomatie russe. Ce rappel n’est pas de pure forme. Des livraisons d’armes à l’opposition syrienne entraîneront plus de livraison d’armes de la part de la Russie à la Syrie, Moscou affirmant que jusqu’à présent s’être contenté d’honorer d’anciens contrats. L’idée qu’un surcroît d’armement de l’opposition permettrait de trancher militairement ou d’imposer un rééquilibrage des forces est intenable.

Il y aura plus de moyens pour détruire davantage la Syrie, mais cela n’ouvrira pas la voie à une solution politique. Paris et Londres jouent avec le feu, non sans une certaine hypocrisie, en affirmant se soucier du sort des Syriens. Ils ne feront qu’aggraver une impasse militaire qui a déjà fait 70 000 morts, selon l’ONU, réduit en ruines des villes entières et entraîné des flots de centaines de milliers de réfugiés. Une impasse qui déborde dangereusement sur les pays voisins, le Liban, l’Irak et… la Jordanie. Officiellement, les Occidentaux sont très soucieux du sort du Liban en situation particulièrement délicate, mais concrètement ils le mettent dans une situation explosive. Damas vient d’ailleurs de mettre en garde le Liban : contrôlez vos frontières où on intervient en territoire libanais. Message reçu cinq sur cinq par le président libanais, le général Michel Sleïmane, qui a ordonné à son armée d’empêcher les éléments armés de franchir la frontière pour entrer en Syrie. « Il ne faut pas envoyer des militants en Syrie et ne pas en recevoir (…). Nous devons maintenir notre neutralité », a-t-il déclaré.

Le problème est que les intrusions externes dans le conflit syrien passent par le Liban, la Jordanie et l’Irak. Et ce sont des pays qui risquent un terrible retour de boomerang. Antonio Guterres, Haut-commissaire de l’ONU aux réfugiés, le dit sans ambages : « La poursuite du conflit comporte un réel risque d’explosion au Moyen-Orient et il sera impossible de répondre à ce défi tant sur les plans humanitaire, politique ou sécuritaire ». Le signal franco-britannique est celui d’une fermeture définitive de l’option politique, un soutien à ce que Clausewitz appelle « l’ascension aux extrêmes ».

Et alors que sur le terrain de la guerre, ce sont les jihadistes et principalement le Front Al-Nosra, financé directement par les pays du Golfe, qui sont les plus actifs, un flux d’armement ne va pas changer les rapports de force au sein de l’opposition syrienne. Alain Chouet, cadre des services français (DGSE), qui a été « chef de poste » à Damas, est effaré par la légèreté avec laquelle le gouvernement français veut envoyer des armes en Syrie. « Mais je vous le dis nettement : ce n’est pas en armant des salafistes qu’on va arriver à une solution. D’une façon hypocrite, la France a appelé à une solution négociée en disqualifiant d’emblée une des parties sommée de ne pas se présenter à la table des discussions, en l’occurrence le pouvoir en place.Que reste-t-il alors à négocier ? Depuis le début de cette affaire, on se trouve dans le flou militaire, juridique, politique ou idéologique. J’ai le plus grand mal à m’y retrouver.On est dans une ambiguïté absolue en soutenant en Syrie ceux contre lesquels on lutte ailleurs. » On peut ajouter que les Occidentaux se livrent à des jeux grossiers. Ainsi, les Etats-Unis se mettent à préparer des attaques aux drones contre les djihadistes que les Occidentaux et les pays du Golfe arment sur le terrain. Mais entretemps, ils créent par la mise en évidence de la montée en puissance du Front Al-Nosra un prétexte afin justifier une intervention pour, officiellement, neutraliser et détruire d’hypotétiques armes chimiques.

Comme en Irak et en Libye, les Occidentaux sont en train de fouler au pied le Droit international. Ils jouent avec le sang des populations de la région. L’annonce de Paris et de Londres est un sinistre message pour l’aggravation de la guerre et la fermeture de l’option politique.

L.A

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