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Un Syrien commente le rapport de la Commission d’enquête sur les violations des droits de l’Homme en Syrie


Par Silvia Cattori

Un Syrien commente le rapport de la Commission d’enquête sur les violations des droits de l’Homme en Syrie

Présentation ce mardi 17 juin du dernier rapport de la Commission internationale d’enquête indépendante sur la Syrie (*), devant le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU à Genève.

17 juin 2014 | Thèmes : Droit international Syrie

Couvrant la période du 15 mars au 15 juin 2014, comparé aux rapports précédents, ce rapport peut être qualifié de relativement équilibré en ce sens que nombre des crimes dénoncés sont imputés explicitement aux « groupes armés non gouvernementaux », et non plus majoritairement aux « forces gouvernementales ».

Cependant, trop souvent, la formulation laisse planer le doute quant à la partie responsable du crime dénoncé.

Ainsi, par exemple, les coupures d’eau intentionnelles qui ont gravement affecté la population d’Alep en mai sont attribuées aux « parties belligérantes » [« the warring parties » (**)], alors que le groupe armé Al Nosra les avait lui-même revendiquées.

Ceci nous a été confirmé ce jour par un résident d’Alep :

« Concernant l’eau, il n’y a pas de meilleures preuves de « qui est responsable » que la revendication par les rebelles eux-mêmes des coupures par des vidéos postées sur Facebook ou sur YouTube. « Ils » avouent leur crime et en sont fiers. Du reste le mois passé j’avais été très étonné que le rapport final du Haut-commissariat impute la responsabilité de la coupure d’eau aux deux parties.

Diplomatie onusienne ? Mais il ne faudrait pas que ce soit le cas quand il s’agit d’enquête pour la vérité. L’eau est toujours coupée (pour la deuxième fois en un mois) depuis 10-19 jours cela dépend des quartiers. Il est aberrant de penser que c’est le gouvernement qui est à l’origine de cela parce qu’il ne peut pas vouloir l’animosité de son peuple et d’autre part il fait son possible pour que l’eau soit rétablie. »

Nous avons également demandé à ce résident d’Alep si, comme cela apparait dans le rapport, mais aussi dans notre presse, l’armée régulière bombarde délibérément les civils dont de nombreux enfants. Voici sa réponse :

« Depuis le début du conflit à Alep, les forces régulières bombardent quotidiennement les zones tenues par les rebelles soit par l’aviation qui lance des  » barils » pleins d’explosifs et de morceaux de métal (home made). Nous voyons tous les jours un avion ou des avions qui tournent ou des obus de canons envoyés des différentes parties de la ville. Nous voyons la lumière de l’obus qui passe au-dessus de nos têtes puis nous entendons le bruit de « départ ». Par contre, souvent nous n’entendons pas le bruit d’arrivée parce que c’est loin.

De leur côté, les rebelles envoient tous les jours des dizaines de mortiers (home made aussi : des bonbonnes de gaz domestiques remplis de ferrailles) sur les quartiers d’Alep. Les dommages causés aux bâtiments par les troupes gouvernementales sont beaucoup plus importants mais le résultat en pertes humaines est le même : beaucoup de tués et de blessés des deux côtés. Les deux parties bombardent des zones habitées, mais la différence est que les « rebelles » sont cachés parmi la population, donc forcément des civils sont atteints (c’est pourquoi, il y’a autant de déplacés internes qui quittent les zones rebelles pour se réfugier dans la zone gouvernementale) ; alors que les obus des « rebelles » ne tombent que sur les civils parce que les forces gouvernementales ne se trouvent pas au milieu de la population.

Donc, pour revenir à la question concernant les enfants, oui il y a des enfants tués (de part et d’autre) mais ils ne sont pas visés particulièrement. Et puis il ne faut pas oublier que les forces gouvernementales défendent la Syrie et son peuple (c’est l’armée syrienne et non « l’armée de Bachar » comme ont coutume de le dire les médias occidentaux) contre des extrémistes barbares et qui sont pour la plupart des étrangers. Enfin, les pertes civiles causées par les forces gouvernementales sont consécutives à des actes de guerre. Les autres crucifient, coupent des mains et des têtes, égorgent, etc…

J’aimerais préciser à l’opinion publique occidentale et aux enquêteurs de l’ONU que, dans le conflit syrien, il n’y a pas les bons d’un côté et le méchant de l’autre ; et ce sont « les bons » qui sont plus méchants que celui qu’on qualifie de massacreur de son peuple, d’assassin…

Quand je lis les rapports de Médecins Sans Frontières qui relatent les souffrances des gens de l’autre côté [côté groupes armés –Ndlr] parce que ces médecins n’ont vu que l’autre côté, cela me met hors de moi. S’ils étaient venus de « notre » côté, ils auraient vu autant (sinon plus) de morts, de blessés et de souffrances chez les civils.

Quand les journalistes disent que le « régime » a bombardé un hôpital de l’autre côté [côté groupes armés mêlés à la population civile– Ndlr], il faut répondre :

– « que, souvent, ce n’est pas vrai
– que ce n’est jamais intentionnel ; les Américains, avec leurs bombes intelligentes, ont fait plus de dommages « collatéraux » que de cibles détruites
– que chez nous aussi [côté civils sous la protection de l’armée régulière –Ndlr] les hôpitaux sont atteints mais personne n’en parle. Il y a 20 jours, l’hôpital St Louis (appelé communément Fricho) a été atteint par 3 mortiers ; heureusement il n’y a eu que des dommages matériels et aujourd’hui le 17 juin, l’hôpital Al Kalimet a été atteint par 2 obus qui ont fait 2 morts et des blessés.

Quand ils parlent d’enfants atteints [côté groupes armés – Ndlr], il faut leur répondre que chez nous aussi, les enfants meurent. A part les cas isolés d’enfants atteints dans leur appartement, il y a 5 jours, une crèche tenue par des religieuses a été atteinte et un enfant de 5 ans est mort.

Quant aux adultes, tous les jours, il en meurt, atteint par les obus des rebelles.

Deux exemples parmi d’autres : Un obus frappe des gens en train de faire la queue devant une boulangerie : 19 sont morts sur le champ et 20 dans les 24 heures suivantes. Aujourd’hui 17 juin, une pluie d’obus -comme a l’accoutumée – [venue du côté groupes armés –Ndlr] s’est abattue sur notre zone : plusieurs tués et blessés.

Il y aurait beaucoup à raconter, ne serait-ce qu’un décompte quotidien des morts et blessés civils de notre zone atteints par les tirs des « rebelles » ; malheureusement, nous n’avons pas les moyens de faire un décompte exhaustif ».

Ce que nous dit ce Syrien – qui souhaite garder l’anonymat pour des raisons de sécurité – est important et bouleversant par le simple fait qu’il dit les choses comme elles sont et comme cela aurait pu être dit par ceux qui sont censés nous informer s’ils faisaient leur travail correctement.

Silvia Cattori

(*) Commission composée de Paulo Sergio Pinheiro (Brésil, président), Karen AbuZayd (É.-U.), Carla del Ponte (Suisse) et Vitit Muntarbhorn (Thaïlande).

(**) Oral Update of the Indipendent International Commission of Inquiry on the Syirian Arab Republic (Point 55) : “The warring parties have deliberately disabled and destroyed civilian infrastructure to control basic necessities indispensable to the survival of the civilian population. From 5 to 14 May, the main water supply in Aleppo city was cut off. Residents suffered from a lack of sanitation and clean drinking water, resorting to makeshift water pumps and ground water. Damage caused to the water distribution network by bombardments and shelling severely aggravated the situation. (…) “

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