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Vers des négociations en Syrie?


 

Par

MOUNADIL AL DJAZAÏRI

 

On a déjà croisé Joshua Landis sur ce blog. Landis est un universitaire Américain spécialiste de la Syrie : il intervient régulièrement dans les médias (BBC, al Jazeera, Time Magazine etc.) et il anime le blog Syria Comment.


Son attitude vis-à-vis des évènements en cours dans ce pays a connu une évolution tous à fait saisissante. Son approche au départ était empreinte de neutralité, même s’il considérait que le régime en place ne pourrait pas tenir face aux troubles qui commençaient à s’emparer du pays. Il n’hésitait pas cependant à signaler deux aspects largement ignorés par les médias occidentaux : le premier était l’intervention dès le début d’éléments armés dont l’action ne relevait pas de l’amateurisme ou de l’improvisation, et le deuxième était la manipulation de l’information, notamment par le truchement de vidéos.

Landis n’a jamais pensé que la Syrie pouvait passer rapidement à la démocratie et certainement pas par le biais d’un mouvement violent. C’est pourquoi, tout en essayent de rester neutre, il s’était montré (prudemment) favorable aux réformes proposées par le régime syrien. Joshua Landis a progressivement abandonné sa position neutre (souvent interprétée  comme favorable au régime) pour appeler ouvertement à l’armement des milices rebelles et à leur dotation notamment en missiles sol-air.

Difficile de comprendre les raisons de cette évolution. Peut-être tiennent-elles à l’influence de sa belle famille syrienne (Landis est mariée avec une Syrienne, fille d’un officier supérieur en retraite), ou à la conviction qu’il faut en finir le plus vite possible parce que la chute du régime est inévitable ou encore pour prétendre jouer un rôle dans l’ingénierie politique et sociale que les Etats Unis mettraient en application en cas de renversement du régime.
Joshua Landis (assis) en famille à la résidence d’Imad Mustafa, ambassadeur de Syrie à Washington
Ce ne sont bien sûr que des conjectures.

Dans un article tout récent, Landis s’intéresse à la dernière tentative de Washington pour organiser l’opposition syrienne et obtenir la constitution d’un gouvernement en exil. Hillary Clinton s’est en effet aperçue qu’en matière de putsch et autres coups d’Etat, on était jamais mieux servi que par soi-même et qu’il était temps de mettre un terme à la fiction d’une opposition syrienne qui aurait une volonté de conduire son pays vers la démocratie.

Nous savons pourtant, et Landis le dit ici subrepticement, que la première mouture de l’opposition syrienne était déjà made in Washington. Le problème étant que cette opposition dûment salariée par les Occidentaux n’ayant aucune prise sur la réalité du terrain, il a bien fallu qu’elle accepte d’autres opposants dans ses rangs. D’où une cacophonie et des rivalités qui font la part belle à ce qu’on appelle salafistes et djihadistes qui dominent politiquement et sur le terrain de la lutte armée.

Les motifs des réserves de Washington ne sont pas forcément ceux qu’avance Joshua Landis qui s’imagine que Hillary Clinton a quelque chose à faire des droits de l’homme, comme si elle s’en souciait  en Libye, en Afghanistan ou au Pakistan pour ne citer que quelques pays où l’armée des Etats Unis intervient.

Landis pense que la démarche de Mme Clinton est vouée à l’échec. Il est vrai qu’on peut se demander pourquoi elle a lancé cette initiative à quelques jours de l’élection présidentielle américaine en n’ayant aucune garantie que ce travail sera poursuivi en cas de changement d’administration.

Parce que seule la proximité de l’élection semble donner un caractère d’urgence à un processus qui prend nécessairement un peu de temps. D’autant que l’affaiblissement progressif de la Syrie n’est pas pour déranger les Etats Unis.  Et le processus dont on parle  fait peut-être partie d’une démarche qui admettrait que la sortie de crise doit être négociée et qu’à cette fin il conviendrait d’avoir un partenaire crédible et présentable à mettre en face du gouvernement syrien. Sami Moubayed, dans Asia Times, avance que la prochaine administration américaine, quelle qu’elle soit, poursuivra la même politique en Syrie qui se fonde sur une approche proposée par Riad Seif, un ancien député au parlement syrien.

Ou, tout simplement, que c’est la dernière tentative des Etats Unis avant jet de l’éponge comme ils avaient dû le faire à deux reprises en Syrie dans les années 1950.

Les efforts de Clinton pour constituer un gouvernement syrien en exil semblent voués à l’échec

par Joshua Landis, Syria Comment (USA) 3 novembre 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri
L’opposition syrienne a déjà commencé à renvoyer des piques et ses factions jalouses semblent décidées à couler la dernière initiative de Washington. Hillary Clinton fait une ultime tentative pour réunir des personnes issues des couches sociales supérieures dans un leadership «laïcard» [secularish] pour la rébellion syrienne. Un chant du cygne ?
Le plan A de Washington qui était la création du Conseil National Syrien (CNS) a mordu la poussière. Tout le monde s’accorde à dire que Mme Clinton ne peut même plus supporter d’entendre prononcer le nom du CNS.
Le plan B était la mise en place à Istanbul d’un bureau de liaison US pour rencontrer et établir le profil des chefs des milices syriennes et des directeurs des comités locaux de coordination. Les chefs de milices ont provoqué l’inquiétude de Washington et de la CIA. Ce qui en est ressorti, c’est qu’ils étaient «infiltrés» par d’hommes du type salafiste et al Qaïda.
Le plan C est actuellement en cours. Il s’agit de retourner vers le Syriens éduqués dans l’espoir d’en tirer rapidement quelque chose qui fonctionne. Clinton est en train de reconstituer une sorte de leadership pro-américain à partir d’éléments du vieux CNS en ajoutant force membres des Comités de Coordination, certains transfuges du gouvernement et d’autres qui viendront les rejoindre. On a comme l’impression que le CNS boycotte cette démarche. Michel Kilo a dit qu’il ne s’y associerait pas. D’autres ont choisi une attitude attentiste.
L’objet de cet exercice semble d’obtenir qu’une sorte d’élite éduqué pro-américaine adhère à un effort militaire qui semble trop islamiste au goût de Washington et pas trop respectueux des droits de l’homme.
Mais cette correction de trajectoire de dernière minute peut-elle marcher ?
Cette démarche est presque identique à celle de la Grande Bretagne et des Etats Unis dans les années 1950 pour empêcher la Syrie de tomber entre les mains de l’URSS, de Nasser et de la gauche baathiste.
Eisenhower et Anthony Eden avaient fait tout ce qu’ils pouvaient en 1956 pour pousser les élites citadines syriennes à coopérer dans un coup d’Etat pro-occidental, mais en vain. Les deux plus grands partis représentés au parlement – le Parti Populaire d’Alep et le Parti National de Damas avaient refusé de coopérer ensemble afin d’éviter une révolution. Les politiciens Syriens pro-occidentaux d’étaient insultés et s’étaient combattus avec une telle virulence que les diplomates Occidentaux s’arrachaient les cheveux de désespoir alors qu’ils essayaient d’empêcher la Syrie d’aller bers les «cocos.»
 Quand le coup de force  échoua, beaucoup de grands notables Syriens pro occidentaux furent accusés de trahison et fuirent le pays. En 1957, les Etats Unis tentèrent de réaliser un autre putsch. «Le « coup américain », ainsi qu’il avait été désigné, n’avait pas eu plus de succès. Certains des agents de la CIA qui étaient chargés de gérer les Syriens sont encore vivants. D’autres politiciens Syriens favorables à l’occident avaient été obligé de fuir le pays. Déstabilisée par la tentative ratée de coup d’Etat par Washington, la Syrie annonça la création de la république Arabe Unie à peine quelques mois après. Nasser en devint le président et entreprit une vaste réforme agraire afin de détruire la base économique des notables des villes qui avaient fait alliance avec l’Occident.
Aujourd’hui, Washington tente à nouveau de rallier les élites pro-occidentales de Syrie pour qu’elles travaillent avec l’Amérique. En 1957, la Turquie, l’Arabie Saoudite et l’Irak avaient coopéré aux efforts américains pour un changement de régime. Aujourd’hui, le Qatar remplace l’Irak mais l’axe qui soutient les Etats Unis dans leur « lutte pour la Syrie » a à peine changé.
Autres aspects qui n’ont pas changé, les luttes intestines parmi les élites syriennes et le ressentiment et la méfiance que les Syriens partagent à l’égard des Etats Unis. Difficile d’être optimiste.
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