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Yahya Sinwar, chef du Hamas dans la bande de Gaza


Interview de Yahya Sinwar, chef du Hamas à Gaza, dans Yedioth Ahronoth (extraits)

Publié par Gilles Munier sur 9 Octobre 2018,

Le chef du Hamas défend la tactique

du groupe dans Yedioth Ahronoth

Par la rédaction du Times of Israël (revue de presse – 7/10/18)*

« Si demain, j’organise une attaque, je ferai les gros titres de tous les journaux », a affirmé Yahya Sinwar, clamant que c’est la seule manière de transmettre des messages à Israël

Le leader du Hamas dans la bande de Gaza a défendu l’usage des attentats-suicides, des ballons incendiaires et autres tactiques terroristes qui ont ciblé Israël au cours des années, tout en affirmant s’intéresser à la paix.

Dans une interview rare accordée au journal israélien Yedioth Ahronoth et publiée vendredi, Yahya Sinwar a également déclaré que les conditions de sa détention dans une prison israélienne avaient été meilleures que celles de la vie à Gaza et que même s’ils ont été connus, dans le passé, pour leurs qualités intellectuelles, les Juifs sont dorénavant devenus célèbres pour leurs « exécutions sans procès ».

Alors qu’il lui était demandé de justifier l’usage des tunnels terroristes et des attentats suicides pour tuer des Israéliens, Sinwar a déclaré qu’ils étaient plus efficaces pour attirer l’attention vers la cause palestinienne que les négociations sur la nécessité de mettre un terme aux violences. Il les a également décrits comme une évolution naturelle du combat palestinien, depuis les détournements d’avion par les groupes armés et notamment par le Fatah, dans les années 1970.

« Les outils de la résistance changent conformément au contexte, conformément à l’identité de celui avec lequel vous voulez échanger et au langage utilisé par l’autre partie », a-t-il expliqué.

« Si j’organise demain un attentat, je ferai les gros titres de tous les journaux. Si je parle d’un cessez-le-feu, comme dans cet entretien, c’est plus difficile de m’écouter ».

Sinwar a également défendu la dernière tactique consistant à lancer des dispositifs incendiaires aériens vers Israël depuis Gaza qui, depuis le mois de mars, ont calciné des milliers d’hectares dans le sud et causé, selon les estimations, des millions de shekels de dégâts.

« Les cerfs-volants et les ballons ne sont pas une arme, ils sont un message : vous êtes plus forts que nous, sans comparaison possible, mais vous ne gagnerez jamais, jamais », a-t-il dit.

Il a également défendu l’utilisation des aides et autres ressources financières pour l’achat et la fabrication d’armes et la construction d’infrastructures militaires – deux activités qui sont les principales raisons du blocus sécuritaire imposé par Israël et l’Egypte dans la bande – disant que sans cela, « nous serions tous morts ».

A de nombreux moments de l’interview, Sinwar a clamé son désir de paix, ajoutant qu’elle ne pourrait se réaliser « sans justice ». Il a également dénoncé le fait de définir le Hamas avant tout par ses armes et ses postures militaires envers Israël.

« Vous n’avez aucune idée de ce qu’est vraiment le Hamas », a noté Sinwar, clamant que le groupe islamiste, dont la charte appelle à la destruction d’Israël, veut établir un état basé sur la « démocratie, le pluralisme et la coopération ».

« Un état qui respecte les droits de l’Homme et les libertés », a-t-il continué. « Le Hamas est bien plus que ses seules opérations militaires. Nous sommes un mouvement social plutôt que politique. Un mouvement qui prépare des repas pour les pauvres, pour les écoles, pour les hôpitaux ».

Sinwar a rejeté la qualification, par le journaliste, de « captif » pour désigner un soldat israélien kidnappé en 2006 et détenu à Gaza pendant plus de cinq ans. Il est également revenu sur le temps qu’il avait passé lui-même dans une prison israélienne.

« Gilad Shalit n’était pas un captif. C’était un prisonnier de guerre. Vous comprenez pourquoi nous ne parlons pas beaucoup aux journalistes », a dit Sinwar. « Nous tuons un soldat et vous publiez une photo de lui en train de s’amuser sur la plage, et vos lecteurs pensent que nous sommes allés lui tirer dessus à Tel Aviv. Non ».

Shalit avait été libéré en 2011 dans le cadre d’un échange portant sur plus de 1000 prisonniers sécuritaires palestiniens, parmi lesquels faisait partie Sinwar.

Concernant son incarcération dans une prison israélienne, où il était resté pendant plus de 20 ans pour avoir assassiné des Palestiniens qui avaient collaboré avec Israël, Sinwar a déclaré que ses conditions de détention avaient été bien meilleures que celles de la vie dans la bande de Gaza.

« En vérité, je ne suis jamais sorti. Je n’ai fait que changer de prison et l’ancienne était bien meilleure que celle-ci. J’avais l’eau, l’électricité, des centaines de livres. Etre à Gaza est bien plus difficile », a-t-il commenté.

Sinwar a également fait part de son admiration pour les intellectuels Juifs du 19e et du 20e siècle, mais il a affirmé que les Juifs n’étaient dorénavant plus connus pour leurs réussites universitaires et artistiques.

« Avez-vous vu la vidéo montrant un soldat qui tire sur nous comme si nous étions du bétail ? », a interrogé Sinwar, se référant à des images diffusées au début de l’année montrant des soldats israéliens saluant un sniper qui venait d’ouvrir le feu sur un Palestinien à proximité de la clôture frontalière.

« Avant, il y avait des Juifs comme Freud, Kafka, Einstein. Ils étaient célèbres en mathématiques, en philosophie. Aujourd’hui, ils tirent leur renommée des drones, des exécutions sans procès », a-t-il dit.

La publication de l’entretien entier est survenue après que le Yedioth a partagé des extraits jeudi, dans lesquels Sinwar disait ne plus vouloir de guerres et constater « une réelle opportunité de changement ».

Francesca Borri, journaliste italienne pour le journal la Repubblica, qui a réalisé l’interview au nom de Yedioth, a fait savoir qu’elle avait rencontré Sinwar dans son bureau de Gaza City pendant cinq jours.

Selon le Yedioth, cet entretien a été le premier accordé par Sinwar à la presse israélienne depuis qu’il est devenu le chef du Hamas à Gaza. Dans les extraits de jeudi, la journaliste l’a interrogé, lui demandant « pourquoi avez-vous décidé de donner aujourd’hui cette interview, à un journal israélien de surcroît ? ». Ce à quoi le leader a répondu qu’il « constate maintenant une réelle opportunité de changement ». Toutefois, Sinwar a nié plus tard savoir que Borri travaillait pour le quotidien et il a accusé le Yedioth de l’avoir trompé.

*Source : Times of Israël

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