« Si l’EI se maintient à Yarmouk, les organisations palestiniennes pourraient collaborer pour le combattre »
avril 7, 2015
L’ORIENT LE JOUR
Moyen Orient et Monde
« Si l’EI se maintient à Yarmouk, les organisations palestiniennes pourraient collaborer pour le combattre »
Après avoir été repoussés par les habitants de Yarmouk, les jihadistes de l’État islamique ont repris 90 % du camp, en bordure de Damas.
Samir Saul, professeur d’histoire des relations internationales à l’Université de Montréal, répond aux questions de « L’Orient-Le Jour » pour faire le point de la situation dans cette région.
Caroline HAYEK |
07/04/2015
Les intentions de l’État islamique par rapport au camp palestinien de Yarmouk se sont-elles éclaircies ?
Il y a une avancée de Daech (acronyme arabe de l’EI) dans le camp de Yarmouk qui est à la fois circonstancielle et stratégique. Des membres infiltrés de Daech auraient été arrêtés pour avoir assassiné un dirigeant palestinien. D’où l’offensive des jihadistes contre le camp. Quant à la dimension stratégique, elle tient au fait que l’EI s’active dans cette région, manifestement pour compenser ses reculs en Irak face à l’armée irakienne et aux miliciens, et en Syrie face aux Kurdes.
Quelles sont les relations entre l’EI et les Palestiniens en général, et les réfugiés en particulier ? Cet événement changera-t-il la donne quant à l’implication des Palestiniens dans la lutte contre l’EI ?
Ces relations sont pour le moins distantes et potentiellement conflictuelles. Il n’y a aucun rapport entre les revendications nationales palestiniennes et le jihadisme. Il n’échappe pas aux Palestiniens que les jihadistes ne combattent pas Israël et que certains, notamment le Front al-Nosra, reçoivent de l’aide israélienne. Il est probable que si l’EI persiste contre les Palestiniens, les organisations palestiniennes pourraient collaborer pour le combattre.
L’État islamique et le Front al-Nosra sont-ils présents de manière active dans la grande ceinture damascène ? Coopèrent-ils ?
Al-Nosra est plus présent que Daech dans la grande ceinture damascène. L’élément nouveau de ces derniers jours est qu’al-Nosra est venu en aide à Daech, en l’occurrence contre les Palestiniens. Il reste à savoir si cette coopération entre les deux principales organisations jihadistes, pourtant rivales, est éphémère ou si elle aura des suites ailleurs.
Le Hamas a fustigé l’Autorité palestinienne pour son inaction. Pensez-vous réellement que Mahmoud Abbas ait les moyens d’agir ?
Des querelles Hamas-Autorité palestinienne n’aideraient pas les Palestiniens de Yarmouk. L’intérêt évident des Palestiniens de Yarmouk est que le Hamas et l’Autorité palestinienne collaborent contre Daech. Le Hamas, le Fateh et le FPLP sont présents à Yarmouk, et les trois font face à l’État islamique.
Assiégés depuis un an par l’armée syrienne, les Palestiniens de Damas sont désormais sous sa protection. Comment peut-on expliquer cela ?
Cela s’explique par la politique de Khaled Mechaal et son courant du Hamas, implanté à Yarmouk. Après avoir été l’hôte du gouvernement syrien, Mechaal s’est retourné contre lui et a pris le parti des groupes armés fin 2012. Le camp de Yarmouk a alors été encerclé par l’armée syrienne. Ironie de l’histoire, aujourd’hui, l’armée syrienne se retrouve protectrice du camp contre les jihadistes de l’EI et d’al-Nosra.
L’organisation EI va-t-elle tenter de renverser le régime de Damas ?
L’organisation État islamique n’est pas le plus important des groupes jihadistes actifs autour de Damas. Tous les jihadistes veulent s’emparer de la capitale, mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Toutes leurs offensives depuis 2012 ont été repoussées ou démantelées avant leur déclenchement.
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