L’énigme d’Idleb
septembre 1, 2018
France-Irak Actualité : actualités sur l’Irak, le Proche-Orient, du Golfe à l’Atlantique
Analyses, informations et revue de presse sur la situation en Irak, au Proche-Orient, du Golfe à l’Atlantique. Traduction d’articles parus dans la presse arabe ou anglo-saxonne, enquêtes et informations exclusives.
Publié par Gilles Munier sur 1 Septembre 2018,
Catégories : #Ibleb, #Erdogan, #Turquie, #Syrie, #Trump, #Poutine
Une étude de Can Acun (revue de presse : TRT en français – 31/8/18)*
Idleb est devenu le dernier bastion des opposants syriens dans la crise syrienne qui dure depuis 2011. Idleb ainsi que les alentours de l’Est et du Sud d’Alep, et les zones englobant les régions montagneuses turkmènes au Nord d’Hama et au Nord de Lattaquié sont les dernières régions sous le contrôle des opposants qui luttent contre le régime Assad. Le fait que les opposants aient perdu le contrôle des régions telles que la Ghouta Orientale, Deraa, Qouneitra et le Nord d’Homs, a accru l’importance de la présence des opposants à Idleb. La région d’Idleb composée d’une population d’environ trois millions de personnes, a été proclamée zones de désescalade dans le cadre des pourparlers d’Astana. Les douze points d’observations formés par la Turquie suivant l’accord d’Astana passé avec la Russie et l’Iran, possèdent une importance du point de vue de l’avenir de la région.
Les opposants qui se trouvent dans la région d’Idleb s’affrontent parfois entre eux. Outre la divergence idéologique qui les sépare, les opposants sont également dans une lutte de pouvoir. Dans le cadre des derniers développements dans la région, il est possible de parler de camps principaux sous le toit du Front de la Libéralisation Nationale et du HTS. Tandis que le HTS est qualifié d’organisation terroriste par les Etats-Unis, le Front de la Libéralisation Nationale est quant à lui, soutenu par la Turquie. Alors que le HTS est tenu à l’écart des pourparlers d’Astana, le Front de la Libéralisation Nationale est une partie intégrante des pourparlers d’Astana.
Le régime et les opposants avancent le prétexte qu’il y a des groupes radicaux afin d’intervenir dans la région. Quant à la Turquie, elle lutte pour éliminer ces groupes avec des manœuvres politiques. Bien qu’Idleb ait été déclarée région de désescalade dans le cadre des pourparlers d’Astana, le régime et les alliés ont augmenté leur discours visant directement et de manière compréhensive Idleb. Une probable opération militaire contre Idleb comporte de grands risques du point de vue de la Turquie. Une déclaration de l’émissaire spécial des Nations Unies en Syrie, Steffan De Mistoura, note que si le scénario exposé dans la Ghouta Orientale se répète à Idleb, la situation humanitaire sera 6 fois pire que celle vécue dans la Ghouta Orientale. La menace directe contre les régions sous l’influence de la Turquie telles qu’Afrine, Azez, al-Bab, et Jerablus, deviendra réelle si les opposants à Idleb et dans ses alentours étaient éliminés.
La capacité militaire actuelle du régime, montre qu’une opération compréhensive contre Idleb ne peut se faire qu’avec l’approbation et la participation de la Russie. Les positions actuelles de la Turquie et de la Russie sur le terrain syrien et les relations entre les deux pays, affaiblissent la probabilité que Moscou entreprenne une telle démarche menaçant directement Ankara.
Toutefois, les bombardements visant la région l’a poussé vers une instabilité en affectant la confiance envers l’accord passé dans les pourparlers d’Astana. Nous pouvons prévoir que la force de dissuasion des centres d’observation formée par la Turquie face à une probable opération sera testée par les forces du régime et les milices pro-régime. Car, la formation de 12 points d’observation par la Turquie a empêché que la région soit prise pour cible par voie terrestre.
Nous constatons que le régime n’a pas une capacité militaire suffisante pour effectuer une opération compréhensive à Idleb et que dans ce contexte elle est complètement dépendante en particulier de la Russie et de l’Iran. Nous pouvons affirmer que le régime Assad qui est sous l’influence de la Russie, ne peut pas réaliser d’attaque contre Idleb sans l’approbation de la Russie et de l’Iran. Nous comprenons que la décision d’une attaque contre Idleb n’est possible qu’avec l’approbation et le soutien compréhensif de la Russie.
Les négociations de la Turquie qui seront menées avec la Russie concernant Idleb, sont des efforts déployés afin de sauver d’une grande crise humanitaire les près de trois millions de civils qui vivent ici. Face aux attaques aériennes effectuées contre la région, la Turquie qui ne peut effectivement pas fermer l’espace aérien aux forces aériennes de la Russie et du régime, tente de diminuer le plus possible, les attaques aériennes par les voies diplomatiques. Par ailleurs, il faut retirer de la Russie et du régime les prétextes qu’ils avancent pour des opérations aériennes en diminuant la présence des organisations radicales à Idleb.
Du point de vue de la mise à terme des affrontements en Syrie et de l’aboutissement d’une solution politique en complétant les pourparlers d’Astana, il est très important que la Turquie réunisse autour du même toit les opposants, que le régime et les alliés renoncent à leur comportement agressif et que les opérations aériennes cessent. Toutefois, nous constatons que le régime souhaite neutraliser complètement les opposants syriens et les forces révolutionnaires du point de vue militaire en éliminant les opposants à Idleb. La formation d’une nouvelle constitution et les autres démarches qui seront lancées dans le cadre des processus d’Astana et de Sotchi, continuent de représenter un outil de pression sur le régime. La protection d’Idleb est importante pour la Turquie pour plusieurs raisons allant de la prévention des flux migratoires au maintien de son influence dans les régions nettoyées lors des opérations Bouclier de l’Euphrate et Rameau d’olivier, jusqu’à la lutte contre l’organisation terroriste PYD/YPG, branche syrienne du PKK, mais également pour avoir son mot à dire concernant l’avenir de la Syrie.
Can Acun est écrivain-chercheur à la Fondation des études politiques, économiques et sociales (SETA).
*Source : TRT en français