Comment protéger les juifs
juin 29, 2019
Publié le 27/06/2019
israël Adam Shamir
Justifiez toujours vos actions par la nécessité de protéger les faibles et les vulnérables. Voilà la première règle en matière de rhétorique politique. Si vous bombardez la Syrie, n’admettez pas que vous l’avez fait pour installer un régime fantoche à vos ordres ou un oléoduc. Dites que vous l’avez fait pour sauvez les enfants d’Alep gazés par Assad-le-boucher. Si vous occupez l’Afghanistan, n’admettez pas que vous y faites de beaux bénéfices dans le trafic d’héroïne, mais dites que vous êtes venus protéger les femmes. Si vous voulez mettre votre peuple sous surveillance totale, vous direz que vous l’avez fait pour empêcher des groupes haineux de s’en prendre aux pauvres gens sans pouvoir et qui plus est divers.
Souvenez-vous: pas besoin de demander aux enfants, aux femmes ou aux immigrants s’ils souhaitent votre protection. Si l’on vous pousse dans vos retranchements, vous pouvez toujours trouver quelques profils qui fassent l’affaire pour les mettre devant les caméras et leur faire répéter un texte court. Avec tout mon rejet de l’hypocrisie du R2P (le droit d’ingérence humanitaire), je ne peux quand même pas accuser les soi-disant protégés pour les désastres que causent les protecteurs non-désirés.
Voilà la pensée qui m’est venue lors de ma récente visite en France, à l’occasion de la publication de mon nouveau livre Au nom du Christ. La France est en train de voir ses libertés rétrécir à grand vitesse. Toutes les nations en font l’expérience, mais la France est nettement en tête. Depuis des années ils avaient des lois pour interdire des choses qui déplaisaient aux juifs; et maintenant ils étendent l’application de ces lois en punissant non seulement ce qu’on dit ou ce qu’on écrit mais aussi ce qu’on pense, ce qui est « implicite » ou ce qu’on sous-entend. La loi pour rendre passibles de sanctions pénales l’antisémitisme et l’antisionisme devrait être votée très vite. Comme la loi votée en 2015 (après l’attentat de Charlie Hebdo) contre « l’apologie du terrorisme » la nouvelle loi va permettre au gouvernement de s’en prendre à n’importe qui, juste pour un tweet ou un post sur facebook, et d’envoyer quelqu’un au trou pour 18 mois en « détention préventive » avant même qu’il soit présenté devant un tribunal. Le juge le sanctionnera sur la base de son « intime conviction » au sujet des « intentions cachées » du présumé coupable.
Cette bataille contre le supposé antisémitisme est devenu, comme au Royaume Uni, un outil puissant entre les mains de l’élite contre le peuple. On s’en sert contre les Gilets jaunes, et contre l’opposition en général. Les juifs se voient utilisés en tant que victimes proverbiales, comme c’est le cas pour les femmes et les enfants. La faute et la responsabilité sont du côté de ceux qui se servent d’eux comme prétexte.
Vous pouvez trouver que la comparaison est un peu forcée, parce que les instances juives françaises participent activement à cette campagne contre la liberté des Français. Oui, c’est vrai, mais ces organisations sont les gardiens volontaires et auto-proclamés de l’intérêt juif. Les juifs n’ont pas voté pour eux, ne les ont pas élus. Le gouvernement était libre de les ignorer en disant qu’elles ne représentent pas leurs concitoyens juifs. De fait, c’était là la position française traditionnelle, le refus de traiter avec les organisations juives en s’appuyant sur le fait que les juifs français sont des Français et qu’ils n’ont pas besoin d’intermédiaires. Si le gouvernement a préféré les écouter, les institutions communautaires, c’est seulement parce qu’elles disent ce que le gouvernement veut entendre.
A Annecy, l’une des plus jolies cités médiévales, j’ai rencontré Maître Viguier, l’avocat de M. Alain Soral, et autour d’une fondue qui est la spécialité savoyarde, il m’a raconté une histoire ahurissante. Pendant une de leurs manifestations, les Gilets jaunes avaient brûlé une poto d’une personnalité de la TV française, BHL, comme on l’appelle, et de quelques autres personnages du même acabit. Cet évènement a été repris dans un joyeux clip vidéo que l’on peut regarder avec plaisir; or ce clip a été montré sur un site associé à Alain Soral.
Le CRIF (et/ou la LICRA et d’autres entités) ont accusé M. Soral d’antisémitisme, un délit puni par la loi, sur la base de ces faits, et a requis [par le truchement du parquet] deux ans de prison et 30 000 euros d’amende, + 82.500 euros en tant que dédommagement pour les « victimes ». Maître Viguier dit que les élites tentent d’unir les juifs contre les Gilets jaunes et contre les Français ordinaires. D’autres soutiens des Gilets jaunes, Jean Bricmont et Etienne Chouard, seraient les prochains sur la liste, après Soral.
Le CRIF a dit que le rap était en « langage codé »; et que la photo brûlée de BHL suggère une grande fournaise pour faire brûler tous les juifs. « Entre 1940 et 1945, les nazis traitaient les juifs de vermine et de parasites à exterminer », disent-ils. Et c’est pour cela que le mot « parasites » qui figure dans le clip se réfère nécessairement aux juifs qui devraient être exterminés. C’est très faible du point de vue logique; Socrate aurait renvoyé ces sophistes du CRIF dans leurs tanières parce qu’ils fuient en général la lumière du soleil. Quoi que les nazis aient pu dire, ils n’ont pas de copyright sur le mot « parasites ». En Union soviétique après la Révolution d’Octobre 1917, alors que les juifs occupaient une place éminente dans la société, la chanson révolutionnaire la plus populaire disait que les parasites n’avaient pas le droit de gouverner le pays.
Les parasites, ce sont ceux qui ne travaillent pas mais qui consomment; et cela n’est en rien une caractéristique propre aux juifs. En relayant l’idée que les juifs sont les parasites, les organisations juives auto-proclamées tombent dans le plus vil antisémitisme, ai-je rétorqué. Qu’est-ce qu’il y a de mal à brûler une photo de BHL? Voici ce que j’ai rédigé:
Une photo de M. BHL a été brûlée par des protestataires à Paris. Un évènement constaté et montré sur un site lié à M. Alain Soral. La LICRA a aussitôt accusé celui-ci d’antisémitisme, ce qui est un délit passible de la loi, sur la base de ce fait. Je trouve leur mauvais usage de la position juive dans la société française totalement inacceptable, pour les raisons suivantes.
M. BHL est un citoyen français qui a droit à ses opinions. Néanmoins, aucune de ses opinions ne saurait ou ne devrait être agréée en tant que « la position juive ». Les juifs français, et certainement les juifs du monde entier, manifestent une large diversité d’opinions, les uns sont d’accord avec BHL sur certains points et d’autres pas, et parfois même s’opposent vivement à ses vues. M. BHL a été un soutien fervent, voire un instigateur, de l’attaque de l’OTAN contre la Libye en 2011, attaque qui a fait de ce pays d’Afrique du Nord relativement prospère un Etat failli tenu par des gangs islamistes armés. M. BHL a été un soutien fervent, voire un instigateur, du coup d’Etat à Kiev en 2014, qui a renversé le président légitime de l’Ukraine et qui a amené au pouvoir des gens qui soutiennent le collabo nazi Stepan Bandera. M. BHL a tenté de pousser à la colère ses compatriotes français contre les Gilets jaunes. Ces choix, et d’autres également déclarés par Mr BHL, ont été un motif d’indignation de certains citoyens français qui ont exprimé leur indignation en brûlant sa photo. Ces actes de M. BHL et de ses adversaires sont parfaitement légitimes et rentrent dans le cadre de la liberté d’expression publique.
Ce qui ne saurait être légitime, c’est une tentative de la LICRA pour créer l’impression fausse que ces opinions et conduites de M. BHL étaient une expression de la position juive. C’est là un mensonge odieusement antisémite. Les juifs de France, d’Israël et du reste du monde ne voulaient nullement le bombardement de la Libye ou les émeutes de Kiev; les juifs n’ont pas de position politique unifiée sur les élections françaises ou sur les mouvements politiques français. Il y a des juifs français qui soutiennent les Gilets jaunes, et d’autres qui les rejettent. Les uns votent pour M. Macron et d’autres pour Mme Le Pen ou M. Soral. Il n’y a que des antisémites pervers pour prétendre que tous les juifs suivent et soutiennent M. BHL. Or cette assertion maligne, c’est la LICRA, autoproclamée « organisation de lutte contre l’antisémitisme » qui l’a brandie.
Permettez-moi de le redire: l’entité appelée LICRA ne représente pas les juifs français, car elle n’a pas été élue par les juifs français. Ni les juifs français ni d’autres juifs n’acceptent d’être dirigés par la LICRA. C’est une organisation politique qui a ses propres objectifs; objectifs qui ne se superposent pas à ceux de la majorité des juifs en France ou ailleurs.
Tandis qu’il est possible d’argumenter que dans certains cas la LICRA agit dans l’intérêt des juifs en combattant le préjugé anti-juifs, dans le cas particulier, la LICRA agit contre les intérêts juifs, dans la mesure où cette action contribue à renforcer le préjugé anti-juif selon lequel tous les juifs agiraient de concert pour quelque finalité douteuse telle que la destruction de la Libye ou la déstabilisation de l’Ukraine, ou d’autres objectifs controversés.
Les juifs en tant que juifs n’ont pas de position sur ces sujets. M. BHL n’est pas un représentant élu ni une autorité spirituelle des juifs en France ni nulle part ailleurs. Il ne s’habille pas comme un juif pratiquant, n’observe pas les lois juives ni les coutumes juives; sa famille est célèbre pour comporter des apostats; ses actions ont toujours été celles d’un agent libre; il n’a jamais consulté les autorités juives, spirituelles ou temporelles. Il a parfaitement le droit d’avoir ses propres opinions et points de vue; néanmoins il ne saurait prétendre qu’il agit dans l’intérêt des juifs ni qu’il représente les juifs. La LICRA en a donc d’autant moins de droit à prétendre qu’une protestation contre BHL soit un acte contre le peuple juif comme un tout, ni donc comme un acte relevant de l’antisémitisme. S’il y a bien quelque chose d’antiémite c’est la LICRA qui suggère qu’une attaque contre BHL est une agression contre le peuple juif. Si c’était le cas, devrions-nous considérer une condamnation du comédien noir M Dieudonné comme un acte de racisme anti-noir?
Il est parfaitement légal de brûler l’image de BHL en Israël; et j’ai l’intention de le faire demain à Tel Aviv sur la Gordon Beach. Aucun tribunal en Israël ne m’accuserait d’antisémitisme si je mettais le feu à sa photo; même chose avec un portrait de M. Netanyahou, qui est d’ailleurs un représentant élu de l’Etat juif d’Israël. Tandis que le drapeau israélien est protégé contre la profanation, l’image d’une personne d’origine juive ne l’est pas. On est libre de la brûler ou d’en faire ce qu’on voudra, selon ses envies.
Je suis certain que les citoyens français ne sont pas moins libres que les citoyens israéliens, et j’espère que le tribunal français rejettera le grief sans fondement du LICRA, entité auto-proclamée, contre Alain Soral. Ce serait une bonne chose si M. BHL trouvait le courage de soutenir M. Soral contre la LICRA en affirmant que cette entité n’a pas agi ni n’agit en tant que représentante légitime ou autorité spirituelle des juifs français. Encore mieux, si la République française accusait la LICRA d’encourager le préjugé anti-judaïque par des griefs sans fondement.
Si la République française trouve nécessaire de condamner M. Alain Soral pour une raison ou une autre, qu’elle le fasse sans prétendre agir au nom de la cause juive. Laissez les juifs en dehors de cette polémique! Nous et nous ancêtres avons assez souffert sans être utilisés comme une sorte d’argument suprême dans une dispute intérieure entre Français.
Voilà donc ce que j’ai dit à M° Viguier, l’avocat français, et il a produit mon argumentaire ci-dessus devant le tribunal français. Vous pouvez lire ses conclusions ici ou bien écouter simplement l’entretien que j’ai eu (en anglais avec traduction française) avec le présentateur et analyste populaire Jean-Michel Vernochet et la charmante Maria Poumier (poète, penseur et ma traductrice).
Les histoires à base de juifs, c’est quelque chose qui de fait vous obnubile entièrement, et je suis heureux si j’ai peu être utile aux Français en état de siège tout en défendant les juifs; Dieu sait si les juifs ont assez de péchés spécifiques sur la conscience sans avoir à porter aussi et à défendre les péchés de l’establishment français.
Il serait triste et mal avisé de conclure cet article sur une note aussi sombre, alors qu’un splendide été nous transporte. Traversons donc la Manche, ou l’indomptable ex-Premier ministre de Malaisie Dr. Mahathir Mohamad, dit Dr. M pour faire court, a participé à une conférence-débat avec les étudiants de la société Union de Cambridge dimanche dernier, le 16 juin. Le public de Cambridge s’est senti chatouillé, devenant tout rose, en découvrant la sagesse du Dr. M, selon un reportage dans la presse.
« J’ai certains amis juifs, de très bons amis, ils ne sont pas comme les autres juifs, et c’est pour cela que ce sont mes amis », a dit le Dr. M, déclenchant l’hilarité générale. J’espère qu’il me compte parmi ses amis, dans la mesure où il m’a invité à Kuala Lumpur il y a quinze ans, et que j’ai écrit un article, sur la Malaisie et sur lui-même, lui l’homme qui avait combattu Soros et le FMI, et qui avait gagné. Lisez comment il y était arrivé ici [en anglais].
Il a souvent qualifié Israël de « force derrière tous les malheurs du Moyen Orient ». Et il n’avait pas peur d’être traité d’antisémite. Et ce grand homme (dont le seul nom horrifie les activistes juifs et a poussé le Club travailliste de l’Université de Cambridge à proclamer sa « solidarité avec les juifs britanniques ») a dirigé son pays pendant quarante ans, et il a été réélu récemment candidat du parti désormais dans l’opposition. Il a dépassé les quatre-vingt-dix ans, mais il est solide.
Or donc, déridez-vous, mes amis et lecteurs! Suivez l’exemple du Dr. M et n’ayez pas peur de vous faire traiter de vous-savez-ce-que-je-veux-dire. Ce n’est pas la fin du monde. La voix des juifs est puissante seulement quand elle est à l’unisson avec les vrais pouvoirs, et quand leurs opposants sont peureux et à genoux devant eux. Les gens qui ont la tête solide peuvent passer outre leur opposition aussi facilement que face à une querelle entre bonnes femmes sur la place du marché.
Israel Shamir est joignable sur adam@israelshamir.net
Source: The Unz Review
Traduction: Maria Poumier