Covid-19 : Nasrallah appelle à la solidarité, à l’épargne et à la libération des détenus
avril 27, 2020
Discours du Secrétaire Général du Hezbollah, Sayed Hassan Nasrallah, le 20 mars 2020, consacré à l’affaire Amer Fakhoury et à la pandémie de coronavirus.
Binational libano-américain, ex-responsable de la milice pro-israélienne de l’Armée du Liban-Sud, surnommé « le boucher de Khiam » (fameux centre d’interrogatoire et de torture israélien au Sud-Liban), Amer Fakhoury a fui en Israël à la Libération du Liban en 2000, puis s’est installé aux Etats-Unis, obtenant la nationalité américaine. Il a été condamné par contumace à 15 ans de prison au Liban, où il n’est retourné qu’en septembre 2019, soit parce qu’il pensait que son passeport américain le protègerait, soit parce qu’il s’agissait d’une provocation. Il a été arrêté et détenu depuis, en attente d’un jugement par un tribunal militaire, malgré des pressions & menaces considérables de l’administration Trump pour obtenir sa libération. Le 16 mars, en plein confinement, un tribunal militaire a cédé, prononçant sa relaxation. Les Etats-Unis ont affrété un avion spécial pour lui, mais les autorités libanaises ont refusé de l’accueillir, interdisant à Fakhoury de quitter le pays. Washington l’a donc exfiltré illégalement par hélicoptère depuis son ambassade à Beyrouth le 18 mars 2020.
Source : https://video.moqawama.org/details.php?cid=1&linkid=2105
Traduction : lecridespeuples.fr
Transcription :
Le dossier Amer Fakhoury
Dans ce discours d’une rare émotion, Nasrallah a commencé par aborder le dossier Amer Fakhoury. Il a commencé par souligner la gravité de cette violation de la souveraineté libanaise par les Etats-Unis, et la nécessité de protester par tous les moyens légaux contre cette exfiltration illégale, annonciatrice de davantage d’ingérence américaine à l’avenir : si Trump peut obtenir ce qu’il veut via les pressions diplomatiques et le chantage économique, il ne s’arrêtera pas là. Mais le Secrétaire Général du Hezbollah a rappelé le fait que beaucoup d’États dans le monde, dans le Golfe ou même en Europe, n’auraient pas tenu 48 heures face aux menaces de Trump, alors que le Liban a résisté 6 mois avant que quelques juges & militaires cèdent à l’insu du gouvernement.
Ensuite, Nasrallah a répondu aux accusations de passivité voire de complicité qui ont été portées contre le Hezbollah quant à la libération et à la fuite de Amer Fakhoury, répondant point par point à tout ce qui a été dit au Liban sur ce qu’aurait su le Hezbollah —ni tout-puissant ni omniscient, il n’a appris la libération de Fakhoury qu’à la télévision, et l’a immédiatement condamnée—, ce qu’il aurait fait —il s’y est opposé de toutes ses forces via les canaux légaux, la justice ayant ensuite interdit à Fakhoury de quitter le territoire, mais ne pouvait rien faire de plus tant les événements ont été précipités— ou ce qu’il aurait dû faire : fallait-il faire chuter le gouvernement innocent, ajoutant une crise politique aux graves crises économique & sanitaire qui frappent le Liban ? Fallait-il céder à la provocation et fomenter un coup d’état ou déclencher une guerre civile en attaquant les forces libanaises assurant la sécurité de Fakhoury durant son trajet de la prison à l’ambassade américaine, ou déclencher une guerre régionale en abattant l’hélicoptère des Etats-Unis ? Fallait-il rassembler les Libanais devant l’ambassade après avoir insisté sur l’importance de respecter scrupuleusement le confinement sanitaire dû au Covid-19 ? Rien de tout cela n’aurait été dans l’intérêt du Liban ou du Hezbollah.
Nasrallah a conclu ce dossier en rappelant que si la critique et les reproches étaient toujours légitimes, les insultes et les accusations de trahison étaient inacceptables, surtout de la part d’alliés, dénonçant tous les pseudo-amis libanais du Hezbollah qui ont porté ou relayé ces accusations contraires au bon sens —comment le Hezbollah aurait-il pu approuver la libération d’un de ses plus grands tortionnaires et assassins ?—, et sans même consulter le Parti pour avoir sa version des faits ; dorénavant, ni le Hezbollah ni les masses du Hezbollah ne devront les traiter comme des proches.
Nous traduisons ici la fin de cette section et le dernier quart d’heure de ce discours d’une heure quinze, consacré au coronavirus.
[…] Je tiens à souligner que nous n’agissons jamais sous le coup de l’émotion, de la colère ou des pressions. Nous sommes un parti de Résistance et un parti politique, jouissant du soutien de masses populaires énormes, doté d’une cause, de fondements, de principes, de lignes directrices, d’une vision et d’un ordre de priorités. Nous opérons via l’étude et le dialogue interne, car ce parti n’est pas dirigé par une seule personne. Ce parti est une véritable organisation. Nous débattons, et lorsque nous voyons l’intérêt du pays, du peuple et de la Résistance dans une action qui est conforme avec nos principes & fondements, nous agissons avec force et courage, et sans aucune hésitation. Quiconque se figure que via une campagne médiatique, des pressions morales, des accusations de trahison ou des insultes, il pourra nous forcer la main et nous contraindre à des choix inadaptés et contraires à notre cause, à notre vision, à nos priorités et à notre responsabilité, il se fait des illusions et s’époumone en vain. […]
Je ne suis pas un gourou. Que personne ne dise qu’il respecte et chérit le Sayed (Nasrallah), tout en insultant de tous les noms le Parti, la Résistance et nos ministres, députés et responsables, en aucun cas. Je suis l’un d’entre eux. Ce sont mes frères, et je suis l’un d’entre eux. Nous marchons côte à côte sur un sentier jonché de martyrs. Et cette Résistance (le Hezbollah) est la plus noble, la plus digne, la plus désintéressée, la plus pure et la plus rationnelle de tous les mouvements de Résistance de notre temps. A cet égard, je tiens à être très minutieux et très clair.
Maintenant, il y a des gens qui ont des points de vue et des idées (à notre sujet) : ils veulent que le Hezbollah combatte les Etats-Unis, alors que nous les combattons (déjà) ! Nous sommes en première ligne ! Et c’est nous qui subissons les sanctions, le siège (économique), les souffrances, etc. (Ces gens-là) veulent que nous combattions Israël, que nous défendions le Liban, que nous libérions Al-Quds (Jérusalem), que nous combattions les groupes (terroristes) takfiris (en Irak et en Syrie), que nous luttions contre la corruption, que nous fassions voter la loi électorale qui leur convient, et que nous nous battions contre absolument tous nos alliés, ne laissant rien debout, détruisant tout le pays pour leurs beaux yeux, semant la zizanie entre tous les amis, tous les alliés. C’est ce qu’ils s’imaginent, et ils se sont convaincus (de la légitimité de leurs exigences).
Quoi qu’il en soit, nous nous enorgueillissons de tout ami, de tout allié, de tout frère, mais nous sommes des gens qui agissons avec un (haut) sens des responsabilités. Et je l’ai dit et le répète, notre sens de la responsabilité ne se soucie pas du regard que portera l’Histoire sur nous —c’est ce que nous a enseigné l’Imam Khomeini, c’est ce que nous enseigne notre religion—, ni de ce que disent les gens de nous. Tout ce qui importe à nos yeux, c’est d’agir de sorte à pouvoir nous dresser devant Dieu le Très-Haut et l’Exalté au Jour du Jugement, à répondre à Ses questions avec le visage éclatant (de la lumière des justes). Telle est notre vision, telle est notre culture, et c’est pourquoi personne ne peut nous mettre la pression, nous imposer (d’agir selon son bon vouloir) ou nous pousser à des actions impulsives et irréfléchies. Je n’exagère nullement. Et puisque nous parlons de Jour du Jugement, avec le coronavirus, tout le monde a commencé à se rendre compte que ouf, par Dieu, le Jour du Jugement peut advenir (à tout moment), du moins pour certaines personnes, car n’importe qui peut en mourir, même s’il est jeune, athlétique, jouit d’une grande forme physique, capable de supporter les maladies, etc. Face au coronavirus, il n’y a aucune immunité, et l’Ange de la mort peut emporter n’importe qui. [Cela a toujours été le cas, mais aujourd’hui, même ceux qui en doutaient s’en rendent compte.] En ce qui nous concerne, nous agissons toujours avec le Jour du Jugement en perspective, et à cet égard (l’affaire Fakhoury), il en sera de même.
Permettez-moi d’aborder un autre sujet. Je voulais m’exprimer une heure (tout au plus), mais je dois aussi dire quelques mots au sujet du coronavirus. Mais avant cela, permettez-moi de dire un mot (personnel), car je suis un homme, j’ai des sentiments et des émotions. Ecoutez-moi bien : c’est un signe des temps, un signe des temps… Je m’attendais à devoir par exemple discuter âprement de sujets comme la position du Hezbollah à l’égard de telle loi électorale, de la confiance à accorder à tel ou tel gouvernement ou de la participation à telle ou telle alliance (politique). Mais que soit venu un jour, après ma barbe blanchie (par une longue vie dévouée à la Résistance), où je doive m’exprimer à la télévision pour défendre le Hezbollah et la Résistance au sujet d’un collaborateur israélien, un assassin, un criminel que nous avons combattu et vaincu, qui a causé (tant de) martyrs dans nos rangs, qui a emprisonné nos frères et sœurs, qui nous a torturés, nous a agressés… C’est vraiment un signe des temps (funestes que nous vivons). C’est tout ce que je voulais dire.
La lutte contre le coronavirus
Le deuxième point (que je voulais aborder) est (donc) le coronavirus. Très brièvement, toutes les données mondiales indiquent que cette crise sanitaire durera plusieurs mois pour le moins. Certains parlent d’une résolution de la crise en été, d’autres en automne, d’autres encore évoquent le début de l’année prochaine… Mais pour le moins… Même si à tout moment Dieu le Très-Haut et l’Exalté peut répandre sa bonté sur l’humanité et mettre fin à tout cela en ouvrant la voie de la guérison et de la santé et en mettant fin à cette maladie, nous devons agir en fonction de la réalité, et prendre les dispositions qu’impose la prudence. Puisqu’on parle d’une longue bataille qui peut durer plusieurs mois, comme le disent tous les pays du monde, voilà ce que cela nous impose.
Nous devons rester attachés à appliquer les mesures sanitaires (confinement, gestes barrière, etc.). Dernièrement, dans certaines régions, on a pu constater un certain relâchement, mais il faut y rester fermement attachés : isolement et maintien dans les maisons, sauf impossibilité (due au travail, aux courses de première nécessité, etc.). Il faut considérer tout manquement à ces mesures comme une erreur et même une faute, un acte de désobéissance (à la loi humaine et divine), un acte répréhensible et honteux, qui met en danger sa vie et celle d’autrui. Les gens doivent s’abstenir de tels actes (irresponsables), et s’empêcher mutuellement de les commettre. Dans tout quartier, bourg, village et ville, en tout lieu, il faut que des comités populaires et sociaux se forment pour faire pression sur les réfractaires. Il ne faut pas tout faire reposer sur l’Etat libanais. Il est faux de considérer que tout doit être de la responsabilité de l’armée, de l’Etat, des forces de sécurité, qui devraient descendre dans les rues pour interdire, sévir et réprimer. Il faut que les gens assument une responsabilité à cet égard. Lors de mon premier discours, j’ai bien dit que c’était la responsabilité de tous, qu’ils soient Libanais, réfugies Palestiniens, déplacés syriens, résidents (étrangers) au Liban, tout le monde est responsable d’empêcher la propagation de ce danger, de cette maladie. Il est donc de la responsabilité de chacun de veiller scrupuleusement au respect de ces mesures.
État d’urgence et dangers du sectarisme
En ce qui concerne le gouvernement, j’ai dit la dernière fois que nous n’avons aucun problème à ce que le gouvernement déclare l’état d’urgence, et certains de nos philosophes locaux ont dit que je donnais le feu vert (pour laisser entendre que le Hezbollah dirigeait le pays). Si j’ai déclaré que nous n’avions aucune objection, c’est justement parce qu’avant que je m’exprime, certains œuvraient à faire croire que le gouvernement voulait déclarer un état d’urgence, mais que le Hezbollah s’y opposait. C’est un exemple de l’injustice quotidienne au Liban (quoi qu’on fasse, on sera toujours accusés). Entre parenthèses et afin de vous rassurer, sachez que durant les derniers jours, il est vrai que d’un côté, j’étais en colère et touché (par les attaques contre moi), mais d’un autre côté, j’étais extrêmement à l’aise, car lorsqu’on est injustement opprimé, on est vraiment en paix (car celui qui subit l’injustice est dans son bon droit, et sera assisté par Dieu). Quoi qu’il en soit, au sujet du fait que nous empêcherions la déclaration de l’état d’urgence, de base, l’état d’urgence n’a pas même été évoqué au sein du gouvernement, et personne ne nous a soumis l’idée. La vérité est que certains côtés locaux et médiatiques ont suggéré cette idée, et nous avons dit que nous n’aurions pas d’objection si le gouvernement le souhaitait. Car si c’est le Hezbollah lui-même qui avait appelé à l’état d’urgence, on aurait eu une levée de boucliers, avec des accusations selon lesquelles le Hezbollah met à mal l’économie, la vie quotidienne, l’éducation, la chance pour tous de gagner leur pain, et prône la culture de la mort. C’est pourquoi nous nous sommes contentés de dire que nous n’avions pas d’objection, mais le gouvernement n’a rien décidé de tel. Il a opté pour un confinement.
C’est pourquoi je tiens à dire à ce sujet, car hier il a encore été question de l’isolement de régions, et que certains dans les médias ont poussé l’idée de mettre en place des quarantaines sur des bases sectaires. Je tiens à redire au gouvernement que s’il estime que dans telle région, et je le dis en présentant toutes mes excuses au peuple libanais, dans telle ville ou dans tel village chiite, (la propagation du covid-19) impose une mise en quarantaine, n’ayez aucune hésitation, confinez-la. Mais il est honteux de parler en termes sectaires. C’est une honte ! Le comportement de certains au Liban est inhumain ! Dans n’importe quelle région où le virus se serait propagé, et que le gouvernement estimerait nécessaire de la confiner ou de la mettre en quarantaine, qu’il le fasse, que cette région soit chiite ou autre ! Il est vraiment dommage que nous soyons contraints de nous exprimer en ces termes (sectaires). Car nous sommes un même peuple, vivant dans un même pays ! Nous sommes tous exposés au danger ! C’est honteux, honteux, honteux…
J’ai vu aujourd’hui que sur les réseaux sociaux, quelqu’un a fait quelque chose de magnifique : il énonce les données de mortalité due au covid-19 dans le monde entier, pays par pays, donnant le total pour chaque pays —l’Italie, la Chine, l’Iran, la France, l’Allemagne, la Suisse, la Corée (du Sud)…— et il donne le total de victimes en milliers, etc. Mais quand il en vient au Liban, il ne donne plus un chiffre total pour le pays, mais indique la prévalence du virus pour chaque secte : les chiites, les sunnites, les chrétiens, les druzes… C’est ce qu’il a fait ! Quelle honte ! Quelle honte ! Quelle honte ! Quelle honte ! Quelle honte ! Répétez-le jusqu’à en perdre le souffle ! Cela signifie que nous ne sommes pas humains. Cela signifie que nous n’avons aucun sentiment humanitaire. C’est comme si chaque secte ne considérait pas les autres sectes comme des êtres humains, pour qui elle devrait ressentir un minimum de compassion. Il y a vraiment des gens qui réfléchissent comme ça ! Mais (heureusement), la plupart des Libanais ne sont pas comme ça. Il y a des gens comme ça, oui, il y a des gens (sectaires à ce point). Ils existent. Ils sont plus dangereux que le coronavirus ! Je le jure par Dieu, ils sont plus dangereux que le coronavirus pour notre pays, pour l’avenir de ce pays et de ce peuple ! [Samir Geagea a par exemple demandé de mettre les camps de réfugiés palestiniens en quarantaine. En France, l’engeance des Zemmour, Le Pen et autres déchets islamophobes à la Onfray peut aspirer à ce titre].
C’est pourquoi je tiens à dire au gouvernement que tout ce qu’ils estimeront dans l’intérêt du peuple libanais ou de toute région du Liban, qu’ils aient le courage de prendre la décision qui s’impose, et nous serons à ses côtés, nous le soutiendrons et nous l’aiderons, même si cela nous affectait.
La question des prisons
Un autre sujet sur lequel nous souhaitons également interpeller le gouvernement, c’est la question des prisonniers et la forte densité qu’il y a dans les prisons libanaises. Certains pays ont pris des mesures à cet égard. Certains demandent une amnistie générale. Nous soutenons une telle approche (du moins en théorie). Les instances compétentes devraient l’envisager. Nous serions prêts à y participer, même si c’est une question ancienne et qui peut soulever les passions. Mais parlons seulement des détenus dans nos prisons actuellement, sans élargir la question aux condamnés par contumace qui sont à l’étranger et demandent l’amnistie. Certains pays ont pris des mesures en ce sens. Ils ont sorti certains détenus de prison, les renvoyant chez eux, pour ensuite les remettre en prison après la crise. Qu’ils en profitent pour s’échapper ou pas, c’est une autre question. Mais ces pays ont mis en place des mesures d’allégement, en diminuant la population carcérale et en renvoyant certains prisonniers chez eux. Peut-être qu’ils ont ajouté des mesures d’assignation à résidence, avec la menace d’arrestation s’ils quittent leur domicile ou leur ville par exemple, mais ce n’est qu’un détail. Ce que je veux dire, c’est que la question des prisonniers et de la densité de la population carcérale doit être envisagée, pour que certaines catégories de prisonniers (non dangereux) puissent être libérés (provisoirement). Cela peut par exemple concerner ceux qui sont emprisonnés à cause d’amendes non payées. Il suffit de s’inspirer de ce qu’ont fait les autres pays. C’est une question humanitaire pour laquelle on peut s’inspirer d’autres pays, il ne faut pas forcément que tout soit de production nationale —de toute façon, malheureusement, notre production nationale est très faible, et il faut la renforcer.
La question des loyers et crédits
Le troisième point quant aux aspects sociaux de la crise est que puisque ce coronavirus va durer longtemps, il faut prévoir que bientôt, certaines personnes ne pourront plus payer les loyers de leur domicile, de leur magasin ou de leur bureau, ni rembourser leurs dettes ou crédits, etc. A cet égard, il faut insister à nouveau sur l’importance de la solidarité sociale, qui ne consiste pas seulement à apporter de l’aide : par exemple, si quelqu’un loue un appartement ou une maison, et qu’il ne vit pas de ce loyer, s’il peut retarder l’encaissement du loyer d’un, deux, trois ou quatre mois, qu’il le fasse. Si quelqu’un loue un magasin, et que ce magasin est fermé, le locataire ne pourra pas en payer le loyer, que le propriétaire repousse l’encaissement s’il le peut. Si des gens ont des dettes envers moi, et que je peux en retarder l’encaissement, que je le retarde ! Bien sûr, il faut en être capable, ce qui n’est pas toujours le cas. Par exemple, je parlais avec nos frères de l’association du Prêt d’al-Hassan, et quand je leur ai demandé de différer les encaissements, ils m’ont dit que si un créditeur vient leur demander son argent, ils risquent de ne pas pouvoir le rembourser. Nous espérons que ceux qui en sont capables le feront. Je remercie toutes les forces politiques, toutes les associations et toutes les personnes, dans toutes les régions, qui agissent dans ce sens et s’efforcent d’aider autrui [Nasrallah ne parle pas de l’État et des banques car ils jouent un rôle marginal dans le logement et les prêts aux particuliers].
Tous les Libanais doivent dépenser leur argent avec parcimonie
Nous appelons également à l’économie dans les dépenses. En de telles circonstances, il faut être économe et bien surveiller ses dépenses. A moins d’être très riche, il ne faut pas dépenser tout son argent, mais en mettre de côté (autant que possible) en prévision des mois à venir, car il est clair que la crise sera longue (voire très longue). Quiconque a un peu d’argent, qu’il le garde en prévision (des jours difficiles) qui s’annoncent, pour le bien de sa famille et pour pouvoir aider les autres. Il faut se limiter au (strict) nécessaire et s’abstenir du superflu. Comme je l’ai dit, il faut se considérer en guerre, et agir en conséquence.
***
Les deux dernières parties du discours ci-dessous ont déjà été traduites et publiées précédemment.
L’action du Hezbollah face à la crise sanitaire
En ce qui nous concerne, en ce qui concerne le Hezbollah, bien sûr, tout ce que nous demanderont le Ministère de la Santé, les autres Ministères concernés ou l’État, j’ai annoncé que nous étions prêts à le fournir. Jusqu’à présent, à travers nos associations, nos formations, et nos frères et sœurs (qui y travaillent), qu’il s’agisse de médecins, hommes ou femmes, d’infirmiers ou d’infirmières, d’ambulanciers ou d’ambulancières, des organisations de défense civile, d’étudiants en médecine et soins, de tous les volontaires dans ce domaine, etc., dans cette bataille, dans toutes les villes, tous les villages, et toutes les régions, nous avons près de 20 000 de nos frères et sœurs qui sont d’ores et déjà à l’œuvre. Et je répète que nous sommes prêts à faire bien plus, car Dieu merci, nos effectifs sont beaucoup plus nombreux que cela [au 26 avril, ces effectifs ont plus que doublé].
Et si l’État a besoin de quoi que ce soit, nous sommes à son service, de même que nous sommes au service des autres régions (du Liban où la population chiite est faible). Toute notre action est naturellement localisée là où nous nous trouvons, ou près des endroits où nous vivons, et bien sûr, nous ne sommes pas allés dans d’autres régions afin de n’offenser personne, car vous savez comment est le pays (sectarisme, etc.). Mais cette bataille, nous souhaitons la mener sur l’ensemble du territoire libanais, et nous sommes prêts à nous rendre partout où nous pouvons être utiles et apporter notre aide, que ce soit les villes et villages partout au Liban, les camps palestiniens, les camps de réfugiés syriens, et tout endroit du territoire libanais où se trouve qui que que ce soit qui pourrait avoir besoin de notre aide. J’affirme très clairement notre disposition à aller partout où on nous appellera. Nous ne fuirons pas de cette bataille et de ses dangers.
Et bien sûr, encore une fois, nous sommes prêts à aider de toutes les manières dans cette bataille, et parce que cette question a été débattue (accusations contre les chiites Libanais d’avoir importé le coronavirus d’Iran), je tiens à confirmer un point : jusqu’à ce que les vols venus d’Iran aient cessé, tous les pèlerins et tous les étudiants qui sont venus d’Iran, tous nos jeunes qui étaient en Iran, et même nos jeunes qui sont en Syrie, qui vont y combattre ou qui reviennent du front… Je tiens à confirmer à tout le monde que tous se sont soumis aux mesures (de quarantaine), au dépistage, au confinement à domicile, la plupart d’entre eux ayant été astreints au confinement, et même ceux qui vont combattre en Syrie sont dépistés avant d’y aller, car nous ne voulons pas apporter le virus en Syrie. Et lorsqu’ils reviennent de Syrie, nos combattants sont dépistés avant de pouvoir revenir au Liban, afin que nous n’apportions pas le mal ici s’ils l’avaient attrapé quelque part là-bas. Tout ce que nous pouvons faire, dans le cadre de nos capacités, de notre présence et de notre influence, nous le faisons et le ferons sur la base de ce dont j’ai parlé la nuit dernière, à savoir notre responsabilité humanitaire, morale et religieuse sur laquelle nous serons interrogés par Dieu au Jour du Jugement.
Gaza, le Yémen et l’Iran sont impitoyablement livrés au coronavirus
Je veux conclure avec une prise de position que j’adresse non pas seulement aux Libanais ou à l’Etat libanais, mais il s’agit d’un appel à tous les Etats, gouvernements et peuples du monde. Lorsque j’ai dit que nous étions en guerre (contre le coronavirus), certains se sont opposés à moi, mais aujourd’hui, le monde entier le reconnait : c’est une guerre ! C’est une guerre mondiale et totale, et tous les gouvernements et peuples la mènent sur toute la face de la Terre.
Dans cette guerre, malheureusement, certains continuent à se comporter avec racisme, immoralité et inhumanité. Et il y a trois régions (du monde) que je veux évoquer en guise de rappel, et qui subissent (de plein fouet) cette attitude raciste, immorale et inhumaine.
La première région est la bande de Gaza. Il est vrai que jusqu’à présent, la situation y est toujours sous contrôle. Mais il y a 2 millions d’êtres humains dans la bande de Gaza, un territoire assiégé où ne parviennent ni les équipements médicaux, ni les hôpitaux, ni les aides, ni rien du tout. Qu’est-ce qu’ils attendent pour lever le siège contre Gaza ? Et il faut y ajouter les milliers de prisonniers présents dans les geôles israéliennes –et à ce propos, le virus se propage rapidement dans l’entité ennemie. Qu’adviendra-t-il de ces prisonniers, au vu de la mentalité (israélienne) raciste qui considère les êtres humains (non-Juifs) comme des entités créées pour les servir, et sans aucune valeur (intrinsèque) ni dignité (humaine) ? Il est légitime de craindre (le pire) pour les prisonniers palestiniens et la bande de Gaza, et pour tout Arabe ou Palestinien au sein de l’entité sioniste ennemie. A cet égard, où est la voix des Arabes, la voix de l’Organisation des Pays Arabes, la voix du monde (entier) ?
Le deuxième endroit est le Yémen. Le Yémen qui est toujours soumis à la guerre. Le monde entier mène une guerre contre le coronavirus, mais la guerre contre le Yémen n’a pas cessé, pas plus que les bombardements contre le Yémen et le siège contre le Yémen : il est interdit d’y faire entrer les médicaments, les équipements médicaux et les équipes médicales. Ne sont-ce pas là des crimes contre l’humanité ?
Et je conclus avec l’Iran, où plus de 80 millions d’êtres humains font face à cette guerre affreuse sous le joug des sanctions et du siège des Etats-Unis. Bien sûr, le peuple iranien combat, résiste et faite face (à l’épidémie), et réalise des actes héroïques. De grands martyrs sont tombés dans cette bataille, qu’il s’agisse de médecins, d’infirmiers, d’infirmières et de femmes médecins. Ils sont la fierté du genre humain.
Mais n’est-il pas temps pour la communauté internationale, pour le Conseil de Sécurité, pour les instances de l’ONU et pour tous les pays du monde de crier au visage de ce diable criminel et assassin, de ce raciste assoiffé de sang qui s’appelle Trump, non pas pour qu’il lève (toutes) les sanctions économiques, mais simplement pour qu’il lève les sanctions qui interdisent que les équipements médicaux et médicaments parviennent en Iran, et lui permettent de faire face à cette guerre ? On parle de 80 millions de personnes ! Où est la conscience humaine ? Où est la dignité ? Où est la morale ? Où est l’humanité ?
Trump est le pire criminel de l’Histoire
Quoi qu’il en soit, je conclurai de la même manière que je l’ai fait dans mon dernier discours : jour après jour, il est démontré que cet homme (Trump) est raciste, et qu’il ne fait pas partie du genre humain. Je commence à croire qu’il y a parmi nous des êtres venus de l’espace (dépourvus de toute once d’humanité), et que Trump est l’un d’entre eux [Rires]. Il veut un vaccin réservé exclusivement aux Américains (cf. la tentative de Trump d’accaparer un vaccin allemand en cours de développement), et tant pis pour le reste du monde qui peut mourir, surtout les plus de 60 ans, ça ne le dérange pas du tout. Ce qui compte, c’est les Etats-Unis. Deuxièmement, en ce qui concerne l’aspect financier, le pognon : car s’il accapare ce vaccin, il sera le maître du destin de tous les peuples du monde. Troisièmement, pour les élections à venir, car il veut être réélu Président. Car l’erreur qu’il a commise dans l’approche de ce dossier (minimiser le danger du coronavirus) peut lui ôter chance de réélection s’il ne se rattrape pas.
C’est aussi un raciste : le monde entier parle de coronavirus, covid-19 ou que sais-je encore, etc., sauf Trump qui parle du ‘virus chinois’. Il a mêlé le virus à la guerre économique et politique qui l’oppose à la Chine. Et je ne sais pas où cela va le mener sur le plan international.
Tous les pays du monde, la Chine, l’Europe, la Russie et les autres pays ont demandé à Trump d’alléger les sanctions contre l’Iran, mais Pompeo est venu intensifier les sanctions contre l’Iran.
Je ne sais pas si… Il y a des gens qui sont plus âgés que moi, mais depuis que je suis né, et dans tous les livres d’histoire que j’ai lus, je n’ai pas eu connaissance de quelqu’un qui soit plus arrogant, plus bouffi de morgue, plus monstrueux, plus dénué d’humanité, de morale, d’honneur et d’intelligence –et… je veux dire… [Rires] bon, ça suffit, si je continue je vais commencer à être vulgaire–, il n’y a pas pire que Trump.
Oui, notre responsabilité à tous est d’élever la voix. J’en parle dans mon discours, et ceux qui peuvent écrire (des articles) à ce sujet doivent le faire, il faut dénoncer le siège sur Twitter, de même que tous les pays doivent exiger qu’il soit levé, les peuples doivent faire pression sur leurs gouvernements, etc.
Au Jour du Jugement, de même que nous serons interrogés sur ce que nous avons fait pour notre pays et notre peuple, tout le monde aura des comptes à rendre sur 1/ Gaza, la Palestine et les prisonniers ; 2/ sur le Yémen qui est toujours soumis à la guerre et abandonné au choléra, aux maladies, et si le coronavirus s’y répand, Dieu seul sait quelle catastrophe ce sera ; et 3/ sur 80 ou 85 millions d’Iraniens assiégés du fait de l’arrogance et de l’hybris des Etats-Unis.
Quoi qu’il en soit, je répète que par la patience, par la résistance, par l’endurance, par la confiance en Dieu et le fait de placer nos espoirs en Lui, par les invocations, l’intercession (auprès des Prophètes & Saints), par les actions et les mesures appropriées, par le règne de la raison et de la science, par la prudence requise, nous vaincrons dans cette bataille.
Que la paix soit sur vous, ainsi que la Miséricorde de Dieu.
Voir notre dossier sur le coronavirus.
P