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Le « package deal » conclu entre Washington et les Frères Musulmans


Par Jean Aziz

Article paru sur Al-Akhbar le 26 Novembre 2011.

La Syrie officielle persiste à se montrer détendue envers les prises de position successives originaires du Caire, de Doha, d’Ankara, sans compter l’ensemble de l’Occident, et à afficher la même impassibilité face aux multiples avertissements de dernier délai et aux diverses menaces de sanctions, sans trop se fatiguer à détailler les raisons de cette sérénité ni à expliquer la situation des forces régionales en présence ou les équilibres qui se jouent aux Nations Unies, dans le cadre de fortes probabilités du passage de la phase de l’arabisation à celle de l’internationalisation.
Face à cette campagne, Damas se contente officiellement d’exprimer sa satisfaction du fait que l’évolution de la situation démontre la cohérence de ses positions avec ce qu’elle considère comme sa cause, et avec le fait que la Syrie constitue l’objectif primordial de la guerre israélo-étatsunienne sur l’ensemble de la région.

Damas a sa propre interprétation concernant les évènements qui secouent la région, de la Tunisie à la Syrie, depuis et avant 2006 jusqu’à aujourd’hui : la question constante et primordiale qui reste au cœur de toutes les politiques occidentales est l’existence et la sécurité d’Israël.
Toutes les autres questions restent annexes, marginales ou secondaires. Damas tourne en ridicule les discours de ses adversaires concernant sa « trêve de fait » avec Israël et la « tranquillité » du front du Golan et se console du fait que la situation soit aujourd’hui évidente et claire pour tous depuis qu’Israël a bien intégré le danger existentiel que constitue désormais pour elle l’axe Hezbollah-Hamas et parfaitement compris le sens de l’axe Syrie-Iran en arrière-plan.

Cette angoisse existentielle est à l’origine de la décision irrévocable de briser les deux axes. Et son application a commencé au Liban par la guerre de juillet 2006 qui a conduit à la première surprise, pour ne pas dire traumatisme et même début de panique, à savoir que l’armée israélienne n’était plus en mesure de conclure à son avantage une guerre extérieure.
La mythologie israélienne s’avérait impuissante face à une armée non régulière.

Des réflexions et des calculs inquiétants ont commencé à occuper les esprits et la recherche de nouvelles stratégies a démarré à Tel Aviv et à Washington. Nous avons échoué face au Hezbollah parce qu’il est conforté par un environnement libanais favorable et un soutien syrien stable, il faut trouver de nouvelles ressources et expérimenter d’autres terrains.
Et avant de recourir à des interprétations radicalement différentes, nous allons expérimenter la même formule mais sur un terrain moins difficile. Voilà comment a été décidée la bataille contre Gaza en 2008.
Laquelle a donné un résultat encore plus traumatisant : sur un terrain étroit géographiquement isolé depuis des années, affaibli par les dissensions Hamas-Fatah, dépourvu de tout soutien logistique ou stratégique (grâce à la collaboration totale du régime de Hosni Moubarak et de ses enfants),
Gaza a fait mieux que résister et infligé à son tour une défaite à l’armée israélienne.

Partant de ces réalités sur le terrain, Damas considère qu’Israël et l’Occident sont désormais convaincus que le Moyen-Orient a changé dans son ensemble et qu’Israël en tant qu’entité existant dans cette région est effectivement en danger.
La leçon tirée de l’impuissance d’une mythique machine de guerre à gagner deux guerres, l’une extérieure et l’autre quasi-intérieure, contre deux groupes aux dimensions modestes, est que les jours d’Israël dans la région sont bel et bien comptés.

D’après Damas, la planification israélo-étatsunienne-occidentale d’un « printemps arabe » aurait commencé juste après la guerre contre Gaza de 2008-2009, sur la base de l’analyse suivante : nous n’avons pas réussi à éliminer le duo Hezbollah-Hamas qui semble désormais en mesure de détruire Israël, nous allons donc essayer de neutraliser l’axe Syrie-Iran.

La première tentative mise en place en Iran en juin 2009 a pris la forme d’une « révolution de velours » lancée sur Facebook et Twitter et qui a marqué quelques points mais dont le résultat final est resté limité compte tenu de l’absence d’une alternative iranienne prête à l’utilisation.

Quoiqu’il en soit, l’infléchissement stratégique était bien engagé dans la perspective de mobiliser des forces alliées « soft », telles que la Turquie et le Qatar.
Profitant des acquis médiatiques de la chaîne Al Jazeera, du forum Davos 2011 et de l’affaire Mavi Marmara, tous les efforts se sont concentrés sur la conclusion d’une transaction exhaustive avec les Frères Musulmans.

L’exigence de la tête de Bashar el Assad pour détruire l’axe Iran-Ghaza demandée par le front occidental a été rapidement approuvée par les Frères Musulmans qui ont revendiqué en échange un accord « global » sur l’ensemble de la région, du Maghreb à la Turquie.
Les États-Unis ont donné leur accord à une seule condition : des garanties pour Israël. « No problem », ont répondu les Frères Musulmans, nous n’avons jamais eu d’objection à Israël dans notre culture.

Compte tenu de l’influence turque sur place, la Tunisie a été la première étape et la plus facile à digérer, la « Nahda », en tant que facteur structurellement compatible à la fois avec les États-Unis et Erdogan, était prête.
Après, le travail se poursuivra selon les dispositions sur le terrain.
Mais attention, on va rencontrer en marge de notre chemin les chrétiens et autres minorités qui pourraient créer quelques remous aussi bien pour nous que pour vous…
N’ayez crainte, on s’occupera de les effacer des médias, et puis ils prendront rapidement la fuite, comme ils l’ont fait en Irak.
Parfait, nous sommes donc bien d’accord sur les élections parlementaires en Syrie ?
Tout à fait, mais attention il faudra qu’elles se tiennent avant le 31 janvier 2012, après cette date on ne garantit plus rien si votre part du contrat n’est pas remplie.
Le temps nous est compté…

Source : Al-Akhbar

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