Attaque chimique à Alep : une vérité qui dérange
novembre 28, 2018
Philippe Migault est directeur du Centre européen d’analyses stratégiques, analyste, enseignant, spécialiste des questions stratégiques.
27 nov. 2018
Attaque chimique à Alep : une vérité qui dérange
© George OURFALIAN Source: AFP
Un homme syrien reçoit les premiers soins dans un hôpital du 24 novembre 2018 à Alep après une attaque chimique (image d’illustration).
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Après l’attaque chimique visant la ville d’Alep et difficilement imputable à Assad, l’expert en Défense Philippe Migault analyse l’étonnante discrétion de l’Occident, et surtout de Paris, en réaction à cet énième drame de la guerre en Syrie.
Une nouvelle attaque chimique a eu lieu dans la soirée du 24 novembre à Alep. Plusieurs dizaines de personnes, dont des enfants, ont été hospitalisés en détresse respiratoire. Il semble que des zones résidentielles, n’abritant que des civils, aient été sciemment visées par les mouvements islamistes encerclés dans la poche d’Idlib, qui auraient employé des obus contenant du chlore, ou un dérivé chloré.
L’une des sources faisant état de ce bombardement chimique, l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH), fait partie de celles habituellement considérées en Occident comme fiables : la presse française, notamment, cite régulièrement l’OSDH, ses estimations de la situation sur le terrain, les bilans chiffrés de victimes qu’elle communique, comme autant de pièces à conviction contre Bachar el-Assad. Pourtant, 48 heures après ce qu’on qualifie habituellement de crime de guerre, rien ne bouge à Washington, Paris, Londres ou Bruxelles. Aucune évocation de ligne rouge, aucune rodomontade belliqueuse d’Emmanuel Macron, semblant considérer qu’il est urgent d’attendre. «La France condamne évidemment l’utilisation d’armes chimiques […] et je souhaite que ceux qui diffusent ces informations sur cette possible utilisation d’armes chimiques partagent leurs informations, en particulier avec l’agence internationale à La Haye pour pouvoir identifier cette utilisation et l’attribuer», s’est contenté de déclarer le président de la République, si prompt d’habitude à brandir la menace de nos missiles de croisière.
Sur le fond l’objectif reste identique : que cela prenne encore un an, deux, ou cinq, il s’agit de faire tomber Assad
Cette prudente réserve, alors que l’attaque chimique semble bel et bien avérée, est révélatrice de la ligne de conduite française en Syrie. Dans la mesure où, à moins d’une attaque sous faux drapeau montée par les services syriens – scénario que ne manqueront sans doute pas d’évoquer les complotistes autorisés, y adjoignant pour faire bonne mesure une assistance technique russe – il ne peut s’agir que des «rebelles», le deux poids-deux mesures est démontré.
Paris, qui a armé des terroristes musulmans en Syrie comme en Libye, afin de conduire une politique de changement de régime en coordination avec Londres et Washington, se refuse aujourd’hui à condamner clairement ses alliés officieux, ses auxiliaires inavouables. Car sur le fond l’objectif reste identique : que cela prenne encore un an, deux, ou cinq, il s’agit de faire tomber Assad. Il n’est donc pas question de condamner des groupes islamistes dont nous connaissons l’extrême-radicalité mais que les autorités françaises persistent à considérer comme des résistants à un régime dictatorial, au mépris de tous les faits avérés et révélés par la presse. On pense sur ce point, notamment, au travail de Régis Le Sommier, directeur-adjoint de Paris-Match.
S’il n’y a plus de stratégie de politique étrangère au Quai d’Orsay et à l’Elysée, on se souvient encore, du moins, des vieilles recettes permettant de planquer la poussière sous le tapis
Bien évidemment, il n’est pas non plus question de s’associer aux frappes syriennes et russes de rétorsion sur les auteurs supposés de l’attaque, puisque ce sont précisément ceux-ci que nous instrumentalisons depuis des années.
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Mais la non-condamnation des représailles conduites par le régime de Bachar el-Assad est significative. De même que la tentative de repasser la patate chaude à l’agence internationale de la Haye sur les armes chimiques. «Si vous voulez enterrer un problème, nommez une commission», déclarait, avec son cynisme et son humour proverbiaux Georges Clemenceau. En cette année centenaire de la victoire de 1918, qui fût en grande partie l’œuvre du «Tigre», on peut du moins trouver un motif de satisfaction en ce qui concerne notre diplomatie : s’il n’y a plus de stratégie de politique étrangère au Quai d’Orsay et à l’Elysée, on se souvient encore, du moins, des vieilles recettes permettant de planquer la poussière sous le tapis.
Sauf que la situation, à l’ère des médias de masse mondialisés, n’est plus la même. On ne peut durablement dissimuler ses mensonges à l’opinion publique. Pour paraphraser Al Gore, les autorités françaises se trouvent, dans cette affaire d’attaque chimique, face à «une vérité qui dérange» et qu’elles ne savent comment maquiller.
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