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« Baqiya wa tatamaddad » (Rester et s’étendre) demeure le slogan de l’Etat islamique


Publié par Gilles Munier sur 2 Juillet 2017,

Catégories : #Mossoul, #Irak, #Syrie, #Raqqa, #Etat islamique

Ruines de la mosquée al-Nouri : l’EI accuse la Coalition de l’avoir détruite

/Par Aymenn Jawad Al Tamini (revue de presse : aymeenjawad.org – 16/5/17)*

Le mot arabe ”baqiya” (rester) est l’un des adjectifs les plus usités pour l’Etat islamique remontant à sa première prétention à être une Etat, à savoir l’Etat islamique d’Irak (ISI). Une fois que l’Etat islamique s’étendit sur la Syrie sous le nom d’Etat islamique d’Irak et du Cham (Syrie) soit ISIS et qu’il se mit à contrôler et administrer sérieusement le territoire, l’allusion à l’ « expansion » a très vite été attachée au slogan officieux de l’organisation « baqiya wa tatamaddad » (rester et s’étendre). Il est vrai qu’après la prise de Mossoul et d’autres villes importantes en Irak et en Syrie, sa revendication à rester et à s’étendre n’était pas sans mérite, particulièrement après la proclamation du Califat et de la diffusion de la franchise « Etat islamique » dans de nombreux pays à travers la région.

Aujourd’hui, nous ne pouvons plus dire que l’Etat islamique s’étende mais devons débattre s’il va se maintenir à mesure que la pression sur les principaux fronts en Syrie et en Irak et aussi ailleurs, s’intensifie. Ainsi en Libye, souvent considérée comme une de ses options de « retraite », ses associés ne contrôlent plus aucune ville dans le pays.

« L’Etat islamique n’est pas un Etat de terres et d’espaces géographiques »

Etant donné que l’Etat islamique se contracte, peut-il survivre incidemment ? Certains de ses messages ont été dédiés à ce sujet et contredisent, comme il fallait s’y attendre, l’idée que la perte de territoires signifierait l’extinction du projet califale. Par exemple, à Tel Afar, dans le nord de l’Irak, une de ses publications intitulée « le Califat ne disparaîtra pas » a été distribuée alors que la campagne de la Coalition pour reprendre Mossoul débutait. Le fascicule assure que « nombreux sont ceux qui ont oublié que l’Etat islamique n’est pas un Etat de terres et d’espaces géographiques, mais a pour but de diffuser le vrai islam et de restaurer le djihad au sein de l’Oumma (communauté musulmane globale) après des décades d’humiliation et de dégradation ». Et de poursuivre en citant une phrase connue du dernier discours enregistré du porte-parole de l’Etat islamique, Abou Mohammed al-Adnani en mai 2016, dans lequel il attirait l’attention sur les pertes précédentes et la retraite dans le désert dans les années 2007/2009. « La défaite » dit-il « est la perte de la volonté et du désir de se battre. Vous serez victorieuse, Amérique, et les djihadistes, battus si vous pouviez seulement enlever le Coran, du cœur des moudjahidin ».

Ces propos sont en contraste flagrant avec la poussée de recrutements et la propagande en 2014-2015, au zénith du pouvoir de l’Etat islamique, où le modèle étatique était affiché avec fierté et les étrangers étaient invités à immigrer dans ce supposé Etat pour l’aider à le bâtir. Maintenant, l’entrée de recrues étrangères potentielles au cœur de l’Irak ou de la Syrie est objectivement plus difficile dans la mesure où il ne contrôle plus de territoires sur la frontière avec le Turquie. De plus, les pertes territoriales de l’Etat islamique et la désorganisation de son système administratif mettent à mal sa crédibilité en tant que projet étatique qui était la clé de sa popularité face aux autres groupes djihadistes rivaux.

Une chose dont nous pouvons être sûr, c’est que la ruée de milliers de recrues dans les rangs de l’Etat islamique est finie.

Cellules dormantes

Certes, il est naïf de croire que l’Etat islamique va s’évaporer avec sa défaite territoriale. Si la référence d’Abou Adnani au désert est vague, il n’empêche qu’il y a de vastes espaces désertiques près des frontières de l’Irak ou de la Syrie (i.e . la région d’Anbar-Deir ez Zor) où le noyau dirigeant de cet Etat peut encore opérer et manœuvrer même s’il perd le contrôle de toutes ses villes. La possibilité que la Coalition ou les autres puissent nettoyer et sécuriser de vastes espaces est très incertaine, ceux-ci pouvant devenir la vraie « retraite » pour l’Etat islamique. Quant aux opérations concernées, nous avons déjà les « esquisses » de ce qu’un Etat post-islamique pourrait être, ce qui suggère que cet Etat ne mourra pas de sa vacuité territoriale. Dans la province de Diyala, dans l’est irakien, par exemple, l’Etat islamique n’a exercé son contrôle sur des villes que pendant deux ans, et cependant, des rapports révèlent constamment l’existence de cellules dormantes et d’attaques par engins artisanaux improvisés, bombes et raids sur des positions militaires, suivis souvent par de vastes régions devant être évacuées. Il ne fait donc aucun doute que l’Etat islamique utilise en partie les failles confessionnelles de la province, minant ainsi l’ordre sécuritaire des milices alliées à la Brigade Badr soutenues par l’Iran.

Au-delà de Diyala, des informations circulent sur le « retour » de l’Etat islamique dans des régions dont il avait perdu le contrôle comme à Tikrit. Nombre des problèmes découlent des fléaux qui gangrènent l’Irak actuel, et qui outrepassent les barrières confessionnelles comme les checkpoints mal sécurisés qui permettent à des candidats au suicide de passer ou comme la corruption rampante qui facilite, par exemple, l’évasion de prison d’opérateurs islamistes professionnels par la corruption des forces de sécurité locales. Bien que l’Etat islamique ait recruté des gens à travers le monde, des témoignages personnels retrouvés en Irak attestent que l’organisation en Irak demeure entièrement locale, dans son personnel, permettant à ce dernier de se fondre dans la population.

Les problèmes qui minent l’Irak

Il en va de même en Syrie où l’Etat islamique a démontré une capacité à conduire des opérations loin à l’intérieur des terres ennemies, que ce soient les régions côtières tenues par le régime d’Assad, les campagnes au nord d’Alep tenues par les rebelles soutenus par la Turquie et les territoires des Kurdes traversant presque tout le nord-est du pays (où, dans ces deux derniers cas, l’Etat islamique a perdu des territoires). La persistance de ces opérations s’inscrit dans les problèmes qui minent l’Irak : les tensions religieuses et ethniques, l’immensité du théâtre d’opérations, le contrôle de territoires pendant de longues périodes qui ont facilité le recrutement des populations locales, la prolifération des milices et de leurs factions, et ainsi de suite.

En bref, on ne peut espérer que l’Etat islamique se meure avec la perte de territoires. En Irak et dans certaines régions de la Syrie en particulier, il demeure la seule et véritable expression de la révolte sunnite, qui avait détruit ses ennemis il y a trois ans. Il est dur de voir ses rivaux se revitaliser et prendre la place de l’Etat islamique. Non seulement ce dernier va persister en Irak et Syrie, mais il est probable qu’il demeure en tant que franchise internationale même en ayant perdu de son noyau territorial. Dans différentes parties du monde, comme en Asie du sud-est, l’Etat islamique s’est déjà dissocié de la notion de contrôle territorial et d’Etat, évitant toute référence à des nouvelles « provinces ». En fait, l’Etat islamique est là pour la « baqiya »… pour rester.

Traduction et Synthèse : Xavière Jardez

Titre et intertitres : AFI -Flash

*Version originale : aymennjawad.org

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