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Cet été les « services » saoudiens et israéliens n’ont pas pris de vacances


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Bulletin n° 256 – semaine 33 – 2013

Avant propos :
Ce bulletin a été écrit avant l’installation dans le sang d’une nouvelle dictature militaire en Egypte. Cet évènement est un épisode tragique de la rivalité pour le pouvoir entre deux forces conservatrices qui ni l’une ni l’autre n’étaient prêtes à laisser s’exprimer et encore moins à satisfaire les revendications du prolétariat et de la petite paysannerie d’Egypte. Les besoins élémentaires de l’immense majorité de la population égyptienne restent insatisfaits. Abandonnée par les libéraux cette population va devoir trouver seule le chemin de son émancipation dans des conditions politiques redoutables entre le Charybde islamiste et le Scylla militaire. La situation égyptienne renvoie à la conclusion de ce bulletin : « la politique désastreuse de l’Occident au Proche et au Moyen Orient consistant à prendre toujours le parti des sionistes, des féodaux du Golfe et des forces réactionnaires, s’effondre. »

Cet été les « services » saoudiens et israéliens n’ont pas pris de vacances
Le 31 Juillet le président russe a reçu à Moscou le chef de la sécurité saoudienne le prince Bandar Bin Sultan secrétaire général du Conseil national de sécurité saoudien et chef des services de renseignement. Bien que Bandar bin Sultan soit généralement considéré comme un des hommes forts du royaume il n’est ni chef d’état ni chef de gouvernement.
Qu’il ait été reçu par ses homologues russes est de bonne tradition diplomatique. Qu’il l’ait été par Poutine lui-même démontre à l’envi qu’il ne s’agissait pas d’une visite ordinaire laquelle n’avait d’ailleurs pas été annoncée à l’avance.
Bien que les communiqués officiels sur cette rencontre aient été d’un laconisme impénétrable du genre « large échange de vues sur la situation internationale » des éléments ont commencé à filtrer les jours suivants dans la presse internationale. Les sources étaient diverses : Reuters, Rian Novosty , Al Manaar, AFP , IRIB, Slate Afrique, mais convergentes.
Au point qu’il était permis de se demander si ces informations ne provenaient pas d’une seule et unique source et n’étaient pas un des moyens choisi par une des deux parties à cette rencontre inhabituelle et inattendue pour faire connaitre son point de vue sans l’officialiser. Analysons-les !
Bandar bin Sultan serait donc venu acheter, stricto sensu, la renonciation de la Russie à soutenir le régime syrien. Le prix : l’achat par l’Arabie de 15 milliards de dollars d’armement russe et la promesse d’investissements saoudiens en Russie.
Commentaire COMAGUER : l’achat d’armes est un outil habituel de négociation des féodaux saoudiens mais ils l’utilisent depuis des années pour s’acheter les bonnes grâces des Etats-Unis et de leur tout puissant lobby militaro-industriel. La Russie ne peut pas ignorer que les achats effectués aux Etats-Unis dépassent régulièrement et de très loin les 15 milliards de dollars mis sur la table à Moscou. La proposition alléchante en apparence est donc en réalité humiliante pour la Russie et montre une grave méconnaissance de la politique russe en matière de vente d’armes qui se caractérise par le refus de vendre à des régimes clients , dans tous les sens du terme , des Etats-Unis
La Russie ayant confirmé qu’elle ne lâcherait pas le régime syrien, le dépit saoudien se serait manifesté en rejetant toute solution négociée à la crise syrienne et en annonçant la poursuite du conflit sous forme militaire.
Commentaire COMAGUER : l’enterrement, ainsi annoncé, du projet de Conférence de Genève 2 destinée sous l’égide conjointe de la Russie et des Etats-Unis à ouvrir le dialogue sur l’arrêt de la guerre s’inscrit dans le nouveau cours occidental sur la question syrienne. L’Occident sait qu’il a perdu la première guerre de Syrie visant au renversement du régime mais il ne veut pas reconnaitre cette défaite. Il a donc choisi la prolongation du conflit sous d’autres formes : terrorisme aveugle dans les grandes villes, enracinement des « rebelles » dans quelques places fortes « libérées » à proximité des frontières turque et jordanienne pour permettre un approvisionnement régulier en armes et en munitions. La présence de 1000 soldats US en Jordanie est officielle. Ce choix se fait en connaissance de cause, celui de la prolongation des souffrances du peuple syrien. Il est à l’image de la formidable hypocrisie des couches dirigeantes occidentales qui, dans le même temps où elles font ce choix, orchestrent le tintamarre des organisations de défense des droits de l’homme. Le nombre des victimes civiles syriennes est à proportion de l’énorme arsenal fourni aux rebelles par les monarchies du Golfe Persique avec la bénédiction et la complicité d’Israël et de l’Occident.
Si elle a effectivement éconduit l’émissaire saoudien, la Russie a conscience qu’elle a rejeté une tentative indirecte des Etats-Unis de trouver un arrangement russo-étasunien sur le dos du régime syrien. La riposte de la Maison Blanche ne s’est pas fait attendre : annulation le 07 Aout de la rencontre Poutine Obama qui devait se tenir en marge du sommet du G20 à Saint Peters bourg début Septembre, évènement sans précédent depuis prés d’un demi-siècle. Que l’octroi du statut de réfugié politique à Edward Snowden ait ajouté à la colère anti russe d’Obama ne fait guère de doute mais le choix occidental de prolonger indéfiniment la guerre de Syrie s’il se confirmait serait d’une autre portée et n’aurait pas fini d’empoisonner la situation internationale et de faire souffrir le peuple syrien. L’affaire Snowden a surtout été utilisée pour masquer dans les médias l’échec syrien auprès d’une opinion publique qu’il est plus facile d’émouvoir sur le cas d’un « traitre » que sur une des multiples guerres officielles ou officieuses conduites par les Etats-Unis sur les autres continents.

Pour autant la non rencontre des deux présidents ne signifie pas que tous les contacts soient rompus au niveau ministériel. En effet, les fanfaronnades supposées de Bandar bin Sultan qui en réplique à son échec à Moscou aurait annoncé la poursuite des opérations militaires et l’accroissement du soutien financier saoudien aux rebelles ne doivent pas cacher que les Etats-Unis sont à la recherche d’une porte de sortie pas trop déshonorante dans la région tant ils y accumulent d’échecs : Afghanistan non conquis, Irak à nouveau en feu, Egypte incertaine …La meilleure preuve en a été la tenue à Washington trois jours seulement après l’annonce de la « nouvelle guerre froide » d’une rencontre sur deux jours des deux ministres des affaires étrangères et des deux ministres de la défense russes et étasuniens, la fâcherie d’Obama prenant aussitôt et rétrospectivement l’allure d’une bouderie d’adolescent.

Après avoir laissé déferler s ans broncher la vague médiatique sur le « deal de Bandar bin Sultan » la Russie a fait par le truchement du porte-parole du Ministère des Affaires étrangères une mise au point pour démentir les informations circulant dans les médias sur le contenu des entretiens entre Poutine et l’émissaire saoudien.
Ils ont donc parlé d’autre chose et ils ont inévitablement parlé de la Syrie – mais pas sur le mode rapporté par les médias – puisque les deux pays sont très directement impliqués dans le conflit, l’Arabie par son important soutien matériel et financier aux « rebelles » , la Russie par la position dont elle n’a jamais changé depuis 2011 celle du respect de la souveraineté syrienne et de la nécessité d’une solution politique au conflit.

Ce qui voudrait dire que Bandar bin Sultan, diplomate confirmé , ayant longtemps occupé d’Octobre 1983 à Septembre 2005 le poste stratégique d’ambassadeur d’Arabie à Washington , très proche de la famille Bush, en poste le 11 Septembre 2001 et qui est probablement un des hommes les mieux informés au monde sur ce qui s’est réellement passé ce jour là aux Etats-Unis n’a pas tenté de soudoyer Poutine, démarche maladroite et vouée à l’échec avec un tel interlocuteur mais qu’il est venu à la demande des Etats-Unis sonder la Russie pour savoir quelle porte de sortie trouver au conflit syrien qui permette à ceux qui ont jeté sans cesse de l’huile sur le feu : Etats-Unis, Israël, France, Grande Bretagne, Qatar , Arabie de ne pas perdre totalement la face. Sa démarche prenait d’autant plus de sens qu’elle signait son retour sur la scène publique après une longue absence consécutive à un attentat, attribué alors à la Syrie, qui a failli lui coûter la vie en Juillet 2012.

Dans cette hypothèse, la fable des 15 milliards d’armement semble plutôt constituer une tentative de l’opposition syrienne et de ceux qui dans les coulisses des puissances ingérentes continuent à pousser à la guerre sans fin pour faire capoter le compromis en cours d’élaboration qu’ils redoutent.

Cette même crainte vient de s’exprimer sous une autre forme sur le site israélien DEBKA FILES considéré comme une émanation des services secrets israéliens qui publie à l’occasion de la visite à Tel Aviv du chef d’état-major de l’armée US rien moins que la feuille de route que le gouvernement israélien voudrait faire entériner par Washington. Il ne s’agit ni plus ni moins que du passage à la guerre ouverte des Etats-Unis et de l’OTAN contre la Syrie avec création de zones de non survols donc de bombardements otaniens, sécession de régions entières, arrivée d’unités blindées par les frontières turque et jordanienne … une réédition de la guerre contre la Serbie de 1999, avec ou sans l’aval du Conseil de Sécurité.

Facile d’imaginer que le visiteur étasunien a été dûment informé des faiblesses de l’armée arabe syrienne, de la réalité des matériels anti aériens russes déployés sur le sol syrien, des problèmes d’approvisionnement en munitions et en carburants, mais « informé » à la sauce MOSSAD de telle façon qu’il tire la conclusion que l’attaque massive de la Syrie ne serait qu’une promenade de santé, et qu’il suffirait de passer à la guerre aérienne totale comme en Serbie en 1999 ou en Irak en 2003 pour écraser l’adversaire en quelques semaines.

Bref il s’agit de convaincre que ce ne serait qu’une guerre asymétrique de plus, une guerre face à un adversaire dramatiquement inférieur comme les Etats-Unis les aiment et il s’agit de tout faire pour que l’Arabie ne cherche pas une solution de compromis à la crise syrienne.
Mais la Russie de 2013 n’est plus la Russie exsangue et désorientée de 1999 !

Ces épisodes font donc partie de la guerre des nerfs qui prend de l’ampleur en cet été 2013 tandis que se mettent en place les conditions et que se déterminent les éléments d’une négociation politique en forme de bilan de la désastreuse politique occidentale au Proche et au Moyen Orient

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