Comment les Etats Unis arment les « rebelles » en Syrie
août 3, 2012
Par
Mounadil al Djazaïri
Dans mon précédent post, je relevais que le gouvernement des Etats Unis avait résolu de soutenir les opposants armés au régime syrien en leur permettant d’accéder à du «matériel non létal» comme des radios cryptées.
Ce dispositif, nous dit-on, exclut la fourniture d’armes.
C’est du moins l’explication fournie pour le Comité Nobel et pour les gogos que nous sommes. Parce que, comme je l’écrivais aussi, l’administration Obama a bien sûr décidé de fournir armes et argent en procédant indirectement tout en s’assurant que les destinataires sont ceux qui lui agréent et que les armes sont celles qu’elle juge utiles.
On comprend aussi que l’objectif de la démarche est de modeler l’opposition sur le terrain en fonction des desiderata de Washington comme c’est déjà le cas pour la majeure partie de l’opposition en exil. C’est le sens des propos qui clôturent l’article.
Sur la base du nom du service qui a délivré l’autorisation de collecte de fonds destinés à l’Armée Syrienen Libre, l’Office of Foreign Assets Control, on peut déduire que l’argent sera en réalité prélevé dans les avoirs syrien gelés ou confisqués par les Etats Unis.
Tous les détails sont dans l’article que je vous propose ci-après
par Hannah Allam, McClatchy Newspapers (USA) 2 août 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri
WASHINGTON – L’administration Obama a discrètement ouvert la voie pour que des personnes qui résident aux États-Unis puissent acheter des armes pour les rebelles qui se battent pour renverser le président syrien Bachar al-Assad, par l’octroi, rarissime, à une organisation de soutien [aux rebelles] basée à Washington d’une licence pour collecter des fonds pour de l’armement et d’autres équipements.
La licence, qui a été délivrée sans tambour ni trompette le mois dernier par le Treasury Department’s Office of Foreign Assets Control, donne à l’organisme à but non lucratif Syrian Support Group (Groupe de soutien à la Syrie) le pouvoir de réunir de l’argent et de le transmettre directement à des insurgés armés. Auparavant, l’assistance à la Syrie via des entités américaines était restreint à des programmes humanitaires et éducatifs.
Brian Sayers, un Américain qui a travaillé auparavant à l’OTAN comme chargé des affaires politiques et est désormais le lobbyiste du Syrian Support Group à Washington, considère que cette licence nouvelle va réduire les craintes de nombreux bailleurs de fonds potentiels d’aller à l’encontre des lois américaines en aidant les rebelles à acheter des armes « Beaucoup de donateurs étaient réticents, » a-t-il dit.
D’autres analystes considèrent que cette licence devrait être un message au régime Assad, malgé l’opposition de l’administration Obama à une intervention militaire US et sa réticence à fournor directement des armes aux rebelles.
«C’est une pression indirecte mise sur le régime par les Etats Unis : Hé, on s’engage avec l’Armée Syrienne Libre si vous n’arrêtez pas ça,’» explique Mohammad Abdallah, le chef du tout nouveau Syria Justice and Accountability Center, une organisation partiellement financée par les Etats Unis pour documenter les atrocités.
Sayers explique que le Syrian Support group a approuvé une liste de neuf comités ou conseils militaires de l’Armée Syrienne Libre, la force rebelle mal organisée, et acceptait déjà des dons pour envoi en Syrie dans un délai de «quelques semaines.»
Le Syrian Support Group consulte également des juristes pour s’assurer que ses membres et des donateurs ne se retrouveront pas dans des problèmes si l’argent finit entre les mains des militants islamistes dont le rôle est de plus en plus visible dans la révolte syrienne ces dernières semaines.
Sayers affirme que la licence permettra une plus grande transparence dans le flux d’armement en direction des milices hétéroclites qui combattent contre des troupes de Assad mieux équipées. Il dit que l’argent pourra servir aussi à payer les salaires des combattants et contribuer à l’acquisition de masques à gaz, de véhicules et d’autres matériels dont les rebelles signalent la rareté.
Avec ces transferts de fonds détaillés et des registres sur la manière dont l’argent est utilisé, ajoute-t-il, les achats d’armes peuvent être mieux suivis et distribués que ce n’est le cas dans le système actuel, qui implique des dons faits clandestinement dans des pays du Golfe persique comme le Qatar et l’Arabie saoudite.
Sayers indique que le Syrian Support Group participe aux conférences [visioconférences ?] du conseil des comandants de l’Armée Syrienne Libre afin de faire le point sur leur besoins pour le champ de bataille. Dès qu’on a rassemblé assez d’argent pour faire un envoi, dit-il, l’organisation s’assure qu’il est réparti équitablement entre les conseils [de l’ASL] plutôt que d’aller à des fidèles d’un «cheikh qui vit dans quelque petit patelin frontalier en Arabie saoudite. »
«Evidemment, il sera toujours difficile de dire qui est l’utilisateur final pour chaque cent, chaque dollar, mais nous n’imaginons pas que les conseils de l’ASL donneront de l’argent à des organisations marginales, » explique Sayers.
Cette licence, signalée pour la première fois vendredi sur le site web centré sur le Moyen orient, Al-Monitor, donne au Syrian Support Group le droit d’exporter, de vendre ou de fournir des «moyens financiers, de communication, de la logistique et d’autres services » à l’Armée Syrienne Libre.
Le document du 23 juillet ajoute que le groupe doit transmettre régulièrement des rapports détaillés sur ses transactions, en précisant également les parties concernées, le montant envoyé et les services fournis.
Un fonctionnaire du Département du Trésor, s’exprimant seulement sous condition d’anonymat, a confirmé la délivrance de la licence et indiqué qu’elle ne couvrait pas la livraison directe d’armements, de radions ou d’autres matériels techniques qui nécessiteraient un autre type de permis.
Ce fonctionnaire a reconnu cependant que l’argent pouvait aller à des armes pour les rebelles et précisé que le Syrian Support Group avait la responsabilité de vérifier que la licence ne serivirait pas au profit de quiconque lié à des organisations qui figurent sur la liste nationale des organisations terroristes étrangères.
«Ils se doivent d’être très vigilants sur ce point, » affirme le fonctionnaire des finances. «Il est claitr que l’argent ne doit pas aller à quiconque est désigné [comme terroriste] par les Etats Unis.»
L’Armée Syrienne Libre montre des signes d’évolution vers plus d’organisation, mais elle souffre encore d’un manque de commandement central et du degré très variable de professionnalisme parmi ses combattants.
Alors que les unités les plus qualifiés sont constitués de transfuges de l’armée Assad, les autres sont simplement des civils redevenus insurgés sans formation militaire ou au maniement des armes, une situation qui a conduit à un nombre croissant signalements d’exécutions et d’abus commis par les forces de l’opposition
En outre, des extrémistes islamistes syriens et étrangers ont rejoint la cause, et on sait peu de choses au sujet de leurs affiliations ou de leurs buts ultimes pour une Syrie post-Assad.
Même ceux qui sont pour la décision du département du Trésor d’autoriser le financement disent qu’il ne remplace pas un engagement plus direct des Etats Unis pour renverser rapidement Assad et identifier des autorités de transition de confiance, non seulement parmi les rangs des combattants mais aussi parmi les technocrates en exil et les militants sur le terrain en Syrie.
Les experts et les militants disent que les risques sont trop élevés pour que le gouvernement des Etats Unis se contente de parier sur une victoire finale des rebelles dans un conflit généralisé et sanglant, sans une plus grande assistance militaire américaine et internationale.
«L’Armée Syrienne Libre a beaucoup à prouver, mais l’OFAC (la licence) n’est pas arrivée seulement parce que l’administration [Obama] voulait se laver les mains de cette affaire, » déclare Sayers.