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Conférence de Bagdad à Amman : Un coup dans l’eau pour la diplomatie française ?


Publié par Gilles Munier sur 23 Décembre 2022, 14:10pm

Catégories : #Irak, #Iran, #Jordanie

Par Remon Buul (revue de presse : Nouvelles du jour – 21/12/22)*

Réunissant des dirigeants régionaux, la France a co-organisé avec l’Irak la deuxième édition de la Conférence de Bagdad à Amman. L’objectif affiché était de soutenir la souveraineté irakienne, Emmanuel Macron s’en est pris à l’influence iranienne.

À peine remis de ses émotions après la finale de la Coupe du monde au Qatar, Emmanuel Macron a fait escale sur le porte-avions Charles de Gaulleau large de l’Égypte, avant de se diriger vers la Jordanie.

A bord du vaisseau amiral de la Marine nationale, le chef de l’Etat avait souhaité saluer les militaires français « en Afrique, à la base H5 en Jordanie ou pour ceux qui sont engagés dans le cadre de la FINUL au Liban » mais aussi les armées présentes » en France métropolitaine, outre-mer mais aussi partout dans le monde ».

Pour la deuxième année consécutive, le président français a co-organisé avec l’Irak la « Conférence de Bagdad » à Amman le 20 décembre. Malgré les troubles intérieurs, Paris a privilégié la capitale de la Jordanie, pays relativement stable, pour ce sommet régional.

Face aux bouleversements au Moyen-Orient, à la présence accrue de la Chine, aux visées turques dans le monde sunnite, à l’influence iranienne dans la sphère chiite et aux tensions récurrentes, la France tente tant bien que mal de jouer les coudes dans un domaine mouvant.

Cette deuxième édition met à nouveau l’accent sur le dialogue, les négociations régionales mais surtout sur la stabilité et la souveraineté de l’Irak. En effet, depuis l’invasion américaine en 2003, le pays est en proie à des rivalités régionales et sectaires qui alimentent l’insécurité au Moyen-Orient.

Absents et angélisme

Mais ce deuxième opus a été marqué par l’absence de plusieurs dirigeants régionaux. Outre la non-apparition sur la rive jordanienne de la mer Morte du président turc Recep Tayyip Erdogan et de l’émir du Qatar cheikh Tamim al-Thani, c’est aussi Mohammed ben Salmane qui n’était pas au rendez-vous et ce, malgré Insistance française.

Le président iranien Ebrahim Raisi n’a pas non plus fait le déplacement en Jordanie. Pourtant, les chefs de la diplomatie des puissances régionales étaient présents ainsi que le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi et le monarque jordanien Abdallah II.

A la décharge du président français, le contexte régional tendu ne se prêtait pas à un rassemblement des dirigeants moyen-orientaux. Lors de la première édition en août 2021, Moustapha al-Kazemi, alors Premier ministre irakien, s’était engagé pour la cause de ce sommet. Mais aujourd’hui, le chef du gouvernement irakien Mohammed Chia al-Soudani est politiquement proche de Téhéran.

De plus, les tensions sont à leur comble entre les deux rivaux régionaux : l’Iran et l’Arabie saoudite. Les autorités iraniennes, en proie à des manifestations massives depuis plusieurs mois, somment Riyad de cesser son ingérence par le biais des médias d’opposition. En conséquence, les négociations entre les deux pays pour renormaliser les relations bilatérales sont depuis caduques.

De plus, sans les nommer, le président français a attaqué l’influence iranienne et turque dans la région. « Je veux vous dire l’attachement de la France […] pour qu’il y ait une voie qui ne soit pas celle d’une forme d’hégémonie, d’impérialisme, d’un modèle qui serait dicté de l’extérieur », a taclé Emmanuel Macron.

« Nous devons mettre fin au terrorisme dans la région », a rétorqué l’ambassadeur de Turquie en Jordanie, évoquant les activités du PKK, un groupe kurde considéré comme une organisation terroriste par Ankara, dans le nord de l’Irak et de la Syrie. Le chef de la diplomatie française a indiqué que la France pourrait sanctionner la Turquie si elle continue à frapper le Kurdistan irakien, rapportent RFI et les médias kurdes Rudaw. Paris a également évoqué de nouvelles sanctions contre l’Iran, selon les mêmes sources.

De son côté, le ministre iranien des Affaires étrangères Amir Hossein Abdollahian n’a pas mâché ses mots. « Le temps des fausses politiques est révolu », a répondu le chef de la diplomatie iranienne. « Nous ne pouvons pas marginaliser les pays », a-t-il ajouté, disant vouloir un « accord fort et durable » mais qui « respecte les lignes rouges de l’Iran ». Il n’a pas hésité à rappeler le rôle essentiel de Qassem Soleimani, homme fort de la politique étrangère iranienne assassiné par les Etats-Unis en janvier 2020, dans la lutte contre les organisations terroristes. Un message qui a provoqué l’ire des responsables sunnites du Golfe.

La France n’a plus les moyens de ses ambitions

Quel que soit l’aspect géopolitique, ce sommet a été l’occasion pour la France de rappeler les enjeux sécuritaires de la région. Emmanuel Macron, qui reste dans le royaume hachémite jusqu’au 22 décembre, a envoyé le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, sur la future base aérienne BAP H5 en plein désert. Deux cents militaires français sont stationnés ainsi que quatre Rafale pour poursuivre la lutte contre Daech en Syrie et en Irak.

Reste à savoir si la France reviendra avec des contrats sous les bras. Lors de la précédente édition en Irak, le groupe Aéroports de Paris avait remporté le chantier de reconstruction de l’aéroport de Mossoul… avant que le contrat ne soit finalement remporté par une société turque.

Malgré la volonté d’Emmanuel Macron de rassembler les acteurs régionaux pour négocier et pacifier le Proche-Orient, la France n’a plus, semble-t-il, ni les moyens de ses ambitions ni même la posture nécessaire dans la région. Incapable de résoudre seule, malgré ses nombreuses initiatives, la crise au Liban depuis août 2020, l’influence française au Levant perdait déjà du terrain. Privilégiant ses partenaires, menaçant arbitrairement de sanctionner d’autres acteurs régionaux, Paris persiste visiblement à manquer de respect à plusieurs partenaires. Au point de devenir irrespectueux ?

Une troisième édition de la Conférence de Bagdad est toujours prévue en 2023 en Égypte.

*Source: Nouvelles du jour.com (avec RT)
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