Coup de fil pour coup de froid
février 9, 2012
Par Louis Denghien, le 9 février 2012
Histoire de recoller – pour la galerie – les morceaux, mais aussi bien sûr pour entretenir son statut précaire d’homme d’Etat, Nicolas Sarkozy a donc téléphoné à Dimitri Medvedev, président de la Fédération de Russie, mercredi soir 8 février, soit quatre jours après le double véto resté en travers de bien des gorges occidentales.
Langue de bois, langue de vipère..
Dans un compte-rendu de la conversation publié par le service de presse de l’Elysée, on apprend que malgré les « divergences« , le président français avait exprimé le souhait que la Russie « apporte son plein soutien au plan de la Ligue arabe, pour convaincre Bachar al-Assad de s’effacer, prévenir ainsi une guerre civile qui menacerait l’intégrité de la Syrie et la stabilité de la région » et « permette que s’engage une transition politique ordonnée« . Ce qui, venant d’un dirigeant entièrement dévoué à Washington et à l’OTAN et à leur projet de renversement violent du pouvoir et de soutien actif aux bandes armées, est un bel exercice d’hypocrisie diplomatique.
Nicolas Sarkozy a continué dans la langue de bois atlantiste en demandant à son homologue russe « d’accentuer la pression sur le régime syrien pour que cesse la répression brutale contre le peuple syrien afin que celui-ci puisse enfin réaliser ses aspirations à la liberté et la démocratie ». Bref, Nicolas Sarkozy – en panne d’imagination ? – a représenté à Medvedev le projet que son représentant au Conseil de sécurité avait rejeté de spectaculaire façon…
Côté russe, un communiqué de la présidence nous donne les grandes lignes de la réponse de Medvedev. Qui donc a mis en garde le président français contre toute action unilatérale : « Dans le cadre de la poursuite d’un travail difficile, en particulier au Conseil de sécurité de l’ONU, en vue de résoudre la crise en Syrie, Dimitri Medvedev a appelé les différents partenaires à éviter des mesures unilatérales précipitées ». Comme par exemple un soutien armé aux insurgés.
Bref, chacun campe sur ses positions, mais il est permis de penser que la position française est un peu moins confortable ou valorisante que celle de la Russie. Paris, comme les autres capitales occidentales, est plus que jamais réduit à la jactance, voire à l’imprécation moralisante. Un registre dans lequel excelle Alain Juppé qui, mercredi sur France Info, a qualifié les engagements pris par Bachar al-Assad devant Sergueï Lavrov – référendum sur la modification de la constitution, notamment – de « manipulation ». « Lorsqu’on a massacré 6 000 de ses concitoyens (…) on n’a plus de légitimité » a-t-il martelé, reprenant les bilans truqués de l’OSDH, ignorant le mal fait depuis des mois par les groupes armés, et parlant au nom d’un « peuple syrien » fantasmatique.
On pourra répondre encore à cet imposteur – du point de vue du gaullisme, pour commencer – que lorsqu’on a encouragé – et directement et massivement participé – à une guerre civile et à un renversement de régime qui ont entraîné la mort de 20 à 50 000 personnes – dont le chef de l’Etat qu’on recevait naguère avec pompe et force courbettes à l’Elysée – eh bien on n’a plus aucune légitimité non plus. Et si l’on se faisait lyrique et visionnaire, on imaginerait bien le général de Gaulle, revenu d’entre les morts, chasser Juppé et son patron des palais nationaux, comme Jésus le fit pour les marchands du Temple.
Revenons sur terre : Alain Juppé a annoncé de réunir bientôt un groupe « des amis de la Syrie« . Les « amis de la Syrie« , ce sont tous ceux qui alimentent l’opposition armée et génèrent à flot continu les mensonges et manoeuvres contre la souveraineté et la stabilité de ce pays, au premier rang desquels la France sarkozyste. Mais nos lecteurs avaient rectifié d’eux-mêmes…