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Des vidéos de l’attaque chimique de Damas ?


Bahar Kimyongür

Toute info venant de Syrie est à prendre avec des pincettes. Mais celle qui suit est trop importante pour être ignorée. Elle nous vient d’Eliot Higgins, un américain féru d’informatique qui anime un blog sous le surnom de Brown Moses Higgins est un chômeur autodidacte qui est peu à peu devenu un expert en armes du conflit syrien au point d’être considéré comme une référence par de nombreux médias internationaux.Ce mardi 17 septembre, Higgins a découvert sur le site Liveleak trois vidéos relatives à l’attaque chimique du 21 août survenue dans la banlieue de Damas.

La légende de ces vidéos indique que les images ont été découvertes dans le smartphone de terroristes qui ont été tués le 15 septembre dernier par des militants kurdes à la frontière (turque ? irakienne ?).
 
On y voit des combattants présumés de la Brigade de l’Islam (Liwa Al Islam) occupés à tirer des missiles visiblement doté de charges chimiques.
 
Dans l’une des vidéo, les combattants équipés de masques à gaz se revendiquent de la Katibat Rih al Sarsar, la Brigade du vent destructeur, la même que celle qui, dans une vidéo diffusée en novembre 2012, menaçait d’exterminer tous les alaouites de Syrie à l’aide d’armes chimiques.
 
 
Dans la première vidéo, le présumé terroriste parle des « chiens d’Assad » et des roquettes « Ababil ». Il ajoute : « Mercredi 21/08/2013. Opération du Vent destructeur. Liwa al Islam (Brigade de l’Islam). Ciblage des forces du pouvoir assadien à Qaboun. Allah u Akbar« .
 
 
 
Dans la deuxième vidéo, le présumé terroriste dit :
 
« (…) Chabbih d’Assad dans le quartier de Qaboun. Mercredi 21. Avec les roquettes Ababil. Allah u Akbar« 
 
 

 
Dans la troisième vidéo, le présumé terroriste dit :
 
« Les chiens d’Assad dans la zone de Jobar. Au moyen de deux missiles Ababil. Mercredi 21/08/2013. Allah u Akbar. »
 
 

Eliott Higgins doute cependant de l’authenticité de ces vidéos en s’appuyant sur trois arguments :
 
1. La faible luminosité des trois scènes ne correspondrait pas aux conditions atmosphériques et urbaines de la nuit du 20 au 21 août et des quartiers cités. Il affirme que Damas était sous la pleine lune cette nuit-là et que les zones où les combattants prétendent se trouver devraient être couverts par l’éclairage urbain.
 
2. Les terroristes montrent ostensiblement le drapeau de Liwa al Islam ce qui d’après lui, n’est pas dans les habitudes de ce groupe armé.
 
3. On aperçoit les membres présumés de Liwa al Islam tirer leurs obus à l’aide de canons soviétiques de type D-30 Howitzer alors que selon lui, l’attaque chimique a été réalisée avec des lance-roquettes multiple de type BM-14.
 
Les ommissions de M. Higgins
 
A la lecture de ces arguments, on s’aperçoit que M. Higgins commet une série d’omissions.
 
Notons d’abord que M. Higgins n’a jamais mis les pieds en Syrie et ne parle pas l’arabe, ce qu’il reconnait lui-même.
 
Secundo, le quartier de Qaboun comporte des zones agricoles, donc peu éclairées, principalement dans sa partie Nord, du côté d’Al Jidar. Par ailleurs, Qaboun étant un quartier ravagé par la guerre, nous doutons que l’éclairage urbain puisse y être partout opérationnel. Dans la 3e vidéo, les présumés combattants de Liwa al Islam prétendent se trouver à Jobar. Etant donné que Jobar est également une zone de conflit, il y a là aussi peu de chance de trouver un éclairage optimal. Près de sa gare routière, nombreux sont les terrains vagues sans éclairages. On comprendra enfin que pendant la nuit, les groupes armés évitent de s’exposer à la lumière.
 
Tertio, la rébellion syrienne est composée de plus d’un millier de groupes armés. Pour gagner les faveurs des bâilleurs de fond du Golfe et surtout de Bandar, le chef du renseignement saoudien, ces organisations ont tendance à soigner leur com’, à se démarquer de leurs concurrentes, donc à afficher leur logo tous azimuts.
 
Quarto, les enquêteurs internationaux évoquent l’utilisation de roquettes de calibre 333 mm dans l’attaque chimique du 21 août à partir de croquis qu’Higgins a fournis lui-même ! (*) D’après ce document publié par Human Rights Watch, les roquettes de ce calibre ne peuvent avoir été lancées qu’à l’aide de lance-roquettes multiple Falaq-2 de fabrication iranienne. Les enquêteurs auraient également retrouvé des roquettes soviétiques de calibre 140 mm. pouvant être propulsés avec des lance-roquettes multiple BM-14.
Toutefois, dans le rapport complet cité par le secrétaire général de l’ONU M. Ban Ki Moon, il est question de l’utilisation de roquettes de calibre 122 mm dans l’attaque à l’arme chimique. Ces roquettes sont précisément propulsées au moyen de canons D-30 Howitzer, exactement comme celles que nous apercevons dans les vidéos controversées.
 
Visiblement, l’expert autodidacte américain a une connaissance très incomplète de l’enquête onusienne.
 
 
 
Les mensonges de l’ambassadrice américaine à l’ONU
 
 
De son côté, Mme Samantha Power, ambassadrice des Etats-Unis aux Nations Unies, confirme elle aussi l’utilisation de roquettes de 122 mm dans l’attaque chimique de la Ghouta. (**)
 
Elle ajoute cependant que seul le régime syrien dispose de ce type d’armement. 
 
Pourtant, elle n’est pas sans savoir que les rebelles ont saisi plusieurs canons D-30 Howitzer lors de la conquête de bases militaires loyalistes, ce que reconnaît d’ailleurs M. Higgins dans plusieurs de ces articles.
 
Voici par exemple les images d’un D-30 Howitzer (calibre 122 mm.) saisi par les rebelles dans la base du 46e régiment près d’Alep :

 
 
Voici les images de la Brigade Mo’awiya Ben Abou Soufyane tirant des roquettes 122 mm sur des positions loyalistes à Hama :

 
 
Ici, les rebelles utilisent tirent plusieurs roquettes de 122 mm à l’aide de deux D-30 Howitzer à Lattaquieh le 10 août 2013 :

 
 
Voici les images de la brigade Al Farouk tirant des roquettes de D-30 Howitzer sur l’école de police de Khan al Assel près d’Alep :
 
 

 
Comme on peut le constater en visionnant ces vidéos, Mme Samantha Power ment délibérément sur les capacités militaires dont disposent les groupes djihadistes syriens soutenus par Riyad, c’est-à-dire par Washington.
 
Or, la Brigade Liwa al Islam est non seulement bien financée, équipée et encadrée, notamment par l’Arabie saoudite mais en plus, elle revendique 16.000 combattants actifs dans la banlieue de Damas (***). 
 
Il va de soi que la mobilisation de milliers de combattants par un seul groupe armé offre à celui-ci une grande capacité offensive et de coordination.
 
Rappelons-nous que les enquêteurs de l’ONU parlent de dizaines de roquettes tirées le 21 août 2013 sur plusieurs quartiers de la banlieue de Damas : Zamalka, Irbine, Moudaamiya al Cham, Darayya, Kafr Batna etc.
 
Les roquettes « Ababil » lancées à partir de canons D-30 comme on l’aperçoit dans les vidéos controversées pourraient très bien avoir été tirées par les combattants du Liwa al Islam déployés sur le Front de Jobar ou de Qaboune. 
 
Pour l’heure, nous ne pouvons confirmer l’authenticité des vidéos imputant le massacre chimique du 21 août aux djihadistes de Liwa al Islam.
 
Elles méritent en tout cas d’être minutieusement étudiées. 
 
Tel est notre devoir envers le peuple syrien et les anges martyres de la Ghouta.
  
 
 Notes de bas de page
 
(*) cf. pp. 10-11 du rapport de Human Rights Watch intitulé « Attacks on Ghouta » : http://www.hrw.org/sites/default/fi… 
 
(**) Reuters, 16 septembre 2013
(***) Benjamin Barthe, Le Monde, 17 septembre 2013
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