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Disparition de la chose publique


Disparition de la chose publique

de Badia Benjelloun. 10.01.14

En décembre 2013, l’American Studies Association, association dévolue à l’étude transdisciplinaire de la culture et de l’histoire des Us(a), a décidé par une majorité de 66% avec un taux de participation le plus élevé de son histoire de boycotter les institutions académiques et culturelles d’Israël. (1)
Outre d’être la plus ancienne association de ce type, elle fut fondée en 1951, elle a un certain poids car elle est constituée de plus de 5000 membres et près de 2200 bibliothèques et autres institutions souscrivent à ses publications.

Ce mois-ci, c’est le fonds de pension néerlandais MGGP (2), le deuxième fonds de pension néerlandais avec deux millions d’adhérents et la gestion de 130 milliards d’euro qui annonce son désinvestissement des cinq principales banques israéliennes, les quatre premières ont été privatisées à la fin des années 90. Lieberman, ministre des Affaires Étrangères et immigré moldave, a convoqué l’ambassadeur des Pays-Bas. Il fut sommé de s’expliquer de la décision du collège des syndicats qui gère en tant qu’institution financière privée les retraites de salariés travaillant essentiellement dans le secteur de la santé.
En 2009 puis en 2010, ce fut Elbit Systems, producteur pour l’armée israélienne de l’informatique qui équipe son aviation et ses chars qui a été visé par un boycott de la part de fonds de pensions néerlandais puis suédois.

Les États sont frappés de couardise et de collaborationnisme intense avec une entité coloniale, l’UE n’est pas prête de faire marquer sur les produits issus des ‘Territoires Occupés’ leur véritable origine malgré une timide tentative vite enterrée sous la pression du Lobby qui n’existe pas et au prétexte de négociations en cours avec l’Autorité. Quelques organisations non gouvernementales osent enfin reprendre à leur compte la mise au ban des instruments de la colonisation et de ses crimes.
Elles dénoncent la politique de l’État d’Israël.
Les sionistes paranoïaques traquent la moindre critique et l’assimilant à un ‘racisme’ abject, celui qui a conduit à un génocide. Ils savent que cette politique-là de l’oppression du peuple palestinien, de l’annexion, de la guerre par les bombes sonores et au phosphore blanc ainsi que par l’arme de la communication est la substance de l’État militaro-ethnique.
La campagne BDS a été lancée en 2005, elle commence à enregistrer de petits succès.

Invitée à une conférence de prospectives économiques, Tzipi Livni, ministre des Affaires Étrangères en 2008 avait obtenu l’assentiment de tous les chefs d’États et de gouvernements européens pendant l’opération Plomb durci, quelques 1500 morts et 4000 blessés graves, plus du quart étant des enfants, joue maintenant à l’opposante constructive tout en faisant partie du gouvernement. Pour elle, le danger économique et existentiel n’est pas dans les bulles spéculatives immobilières ou boursières. Le risque est dans la bulle d’autisme de Netanyahu qui semble aveugle au phénomène du boycott qui vise certes la Cisjordanie mais empiète sur l’économie générale. Elle s’aperçoit que le monde entier sauf peut-être Netanyahu et Abbas a compris et admis que les deux États n’existeront jamais en raison des annexions et du grignotage continus.
Membre du Mossad reconvertie dans la promotion d’un Israël ‘soft’, elle excelle dans les jeux de l’ombre et de la lumière. L’intention affichée d’annexer la vallée du Jourdain prépare certes les esprits à la prochaine prise en main de Riha (Jericho) mais surtout dissimule qu’Israël a donné unilatéralement sa version des limites de ses eaux territoriales. (4) Les poches de gaz sur le littoral de Gaza et du Liban seront ravies au profit de l’État militaro-ethnique.

Stanley Fisher étasuno-israélien a fini par rendre son tablier après avoir servi loyalement le sionisme à la Banque Centrale d’Israël en juin 2013. Il a pratiqué la même politique monétaire que son maître Bernanke, en faisant passer les taux directeurs de 4,5 vers presque zéro ce qui lui a valu d’être considéré comme le sauveur de l’économie israélienne. En réalité, celle-ci est perfusée par les devises du pays donateur principal et du pays à la dette de guerre inextinguible.
Fisher était en désaccord avec la politique d’endettement public, de coupes dans les dépenses sociales et l’affectation d’un budget de plus en plus important pour la « Défense ».
L’entité sioniste a souvent été caractérisée comme étant une armée qui dispose d’un État. Le doublement décidé par le Likoud de la part militaire dans le budget global du pays en est une confirmation.
L’évolution du capitalisme qui cannibalise les structures des États, police et armée et quelques feuilletons télévisuels, va invalider en partie cet apophtegme. Les fabricants d’armes et d’insécurité phagocytent le cadre nécessaire à son existence. Lors de la promesse d’invasion terrestre punitive de Gaza en novembre 2012, la logistique des soldats de l’infanterie n’était pas assurée.
De beaux tanks, mais pas de cantine ni de tente pour ceux qui les servent !

Après des années de négociations, le représentant du Ministère de la Défense, le major général Harel et le ministre des Finances viennent de signer la privatisation de Israel Military Industries, le fabricant de systèmes de combat terrestres, maritimes et aériens intégrés verticalement. Il offre munitions, véhicules rapides, roquettes, missiles guidés, protections pour combats rapprochés. En plus du matériel, il peut fournir un entraînement en même temps que l’enseignement de doctrines pour la sécurité et l’anti-terrorisme. Cette firme a été fondée en 1933 bien avant la seconde guerre européenne de 1939 comme avant elle la banque Leumi créée en 1903 sous le nom de l’Anglo-Palestine Bank en prévision de la colonisation. L’État, ce machin censé être la chose publique, n’y était plus majoritaire depuis 1998, il s’est délesté de toutes ses parts en 2005.
IMI devenant firme privée dictera ses décisions à l’exécutif israélien qui se retrouvera dans la configuration des Us(a) avec le fameux CMI et quelques banques aux commandes.
L’utopie meurtrière qui a consisté à faire croire que la question ‘juive’ européenne se règlerait aux dépens de la Palestine aura vécu.
Tant mieux.
Pour les Palestiniens d’abord et avant tout.
Mais aussi pour les Juifs emprisonnés dans une culture de la mort.
La théocratie fondée en 1948 se réfère à la divinisation de la Shoah plutôt que sur un Dieu biblique. Le mythe sur lequel s’ombilique cette structure c’est le massacre subi par les Juifs européens, venu de manière anachronique et post-datée justifier l’effacement du peuple palestinien. Avant la séparation de l’Église et de l’État, le catéchisme était enseigné dans les écoles publiques françaises.
En Israël, la Shoah est une discipline à part entière et pour laquelle des examens sanctionnent l’apprentissage.
Elle a pour résultante d’accoutumer les enfants à ne voir dans le monde environnant immédiat que de l’hostilité. L’invention de Ben Gourion lors du procès didactique qu’il a organisé pour Eichman a été d’attribuer à l’Imam Husseini, mufti de Jérusalem, l’invention de la Solution Finale, voire même sa mise en œuvre. Il fallait bien échauffer les esprits pour l’agression de 1967, la deuxième Naqba.
Dès cette période, pour l’une des figures tutélaires sionistes, le premier ennemi d’Israël, c’est l’Irak. (5) Ben Gourion a eu sa satisfaction posthume. L’Irak est actuellement détruit. Mais Israël est en voie de dégénérescence emmuré dans son autisme et aux mains de gangs qui s’approprient les outils qui avaient forgé dans le réel le projet fou de Herzl.

Badia Benjelloun
10 janvier 2013

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