Du neuf avec du vieux : l’interview « exclusive » de Tarek Aziz sur Al-Arabiya
avril 21, 2013
Par Gilles Munier
L’annonce faite par la chaîne Al-Arabiya qu’elle allait diffuser, vendredi 18 avril, une interview « exclusive » de Tarek Aziz par Ali al-Dabbagh, ancien porte-parole de Nouri al-Maliki, était ni de l’intox ni véritablement un scoop. Elle a été diffusée comme prévu, et tout le monde a pu constater que l’ancien vice-Premier ministre irakien, condamné à mort, n’était pas en si mauvaise santé que cela, ce qu’affirme trop souvent son fils Ziad. Seulement voilà, il s’agissait d’une interview vieille de deux ans et demi…
Dans un article paru en janvier dernier (1), Felicity Arbuthnot, journaliste d’investigation indépendante britannique, révélait qu’Ali al-Dabbagh était allé voir Tarek Aziz dans sa cellule, avec deux juges, et s’était engagé à « étudier son cas », mais qu’aucune suite n’avait été donnée à la promesse. L’ancien dirigeant irakien avait alors déclaré à Badie Aref, son avocat irakien : « Je préfère être exécuté plutôt que de rester dans cette situation » (2).
L’épouse de Tarek Aziz, réfugiée à Amman, a assuré que son mari était toujours mal en point. Elle s’est étonnée de la diffusion de cette ancienne interview. Finalement, Ali al-Dabbagh a reconnu que l’entretien datait de fin 2010, affirmant avoir rencontré le prisonnier en tant que député, avec l’accord de la Cour criminelle suprême aujourd’hui dissoute (3).
Il faut rappeler qu’en 2012, Ali al-Dabbagh a présenté sa démission du poste de porte-parole du gouvernement, après avoir été accusé de corruption dans une affaire de contrat d’armement géant– 4,2 milliards de dollars – avec la Russie (4). Toujours en relation avec Nouri al-Maliki, il serait installé dans un émirat du Golfe.
Ce n’est sans doute pas un hasard si l’interview de Tarek Aziz – achetée, dit-on, à prix d’or par Al-Arabiya – a été programmée juste avant les élections provinciales. Espérant regagner du terrain dans l’opinion publique, le Premier ministre irakien soufflait le chaud et le froid. D’un côté, il faisait du pied aux baasistes supposés modérés que représenterait Tarek Aziz, et de l’autre mobilisait les chiites pro-iraniens en pourchassant Izzat Ibrahim al-Douri, chef de la résistance baasiste clandestine, dont la présence à Dour, sa ville natale, avait été annoncée le 17 avril dernier, « de source sûre », par ses services secrets (5). Le couvre-feu et la fouille – « une par une » – des maisons de Dour par les forces spéciales gouvernementales, n’ont donné aucun résultat.
(1) Illegal Invasions, Rogue States, Forgotten Victims and a Shaming Plea, par Felicity Arbuthnot (Dissident Voice – 30/1/13)
(2) Tarek Aziz demande à être exécuté, par Gilles Devers (Actualités du droit – 10/6/11)
(3) Dabbagh expresses his impressions after meeting Tareq Aziz (Shafaq News – 20/4/13)