En Syrie comme en France,le chemin de la souveraineté et de l’indépendance mène à la liberté et au progrès démocratique et social
février 9, 2012
Par Claude Beaulieu
Mercredi 8 février 2012, par Comité Valmy
Que se passe t-il en Syrie ?
Quelques semaines après notre séjour dans ce pays, les Français, sur ce sujet comme sur d’autres, sont plus que jamais assujettis à une désinformation généralisée.
Un lavage permanent des cerveaux en immersion dans la pensée unique ambiante, le jet continu des mensonges et de la falsification de la réalité syrienne, imposés méthodiquement au peuple de France par les médias de l’oligarchie au pouvoir, rendent pour la plupart des citoyens manipulés que nous sommes, impraticable la recherche critique et le discernement de la vérité concernant la situation politique complexe qui se développe dans ce pays.
La tragique agression, médiatiquement orchestrée, qu’a subi récemment le peuple libyen, a même démontré que pour nombre de militants qui se réclament d’une culture progressiste et anti-impérialiste, il reste facile de subir les effets de l’imprégnation idéologique dominante et de ne pas résister à la pression politico médiatique du front américano-occidentaliste. A ce propos, le cas du NPA, qui n’est pas isolé, à « gauche de la gauche » en France, dans sa divagation idéologique, est édifiant. (1) Depuis 1945, les émules de Goebbels ont réalisé d’immenses progrès dans la fabrication des opinions publiques, grâce en particulier à leur mainmise sur les moyens modernes de communication et de propagande.
La guerre idéologique que mènent contre les peuples leur ennemi commun étasunien et ses vassaux est inégale. Elle exige donc en permanence, des militants et organisations anti-impérialistes, une vigilance rigoureuse et une forte mobilisation en premier lieu dans cette bataille des idées. Elle rend urgente la réflexion anti-impérialiste individuelle et collective. La concertation et le débat militant ainsi que l’élaboration d’une démarche multiforme de front uni à l’échelle internationale, destinées à faire face à la guerre impérialiste aujourd’hui permanente et qui tend à se généraliser, sont devenus indispensables et urgents.
La visite en Syrie et au Liban où à la mi-novembre, j’ai eu l’occasion d’accompagner un groupe de journalistes, a été très riche en visites de zones sensibles et en possibilités d’apprécier la réalité politique sur place à partir de rencontres diverses et l’apport de témoignages précieux. Cette expérience, si elle a confirmé et renforcé mon appréciation préalable de la situation en Syrie, aura cependant été extrêmement utile pour différentes raisons, la principale étant qu’elle m’a permis d’apprécier plus concrètement encore, le niveau sidéral atteint de nos jours par le viol idéologique et politico-médiatique des peuples en général et de notre peuple de France en particulier.
Réagissant à sa défaite en Irak et à celle qui se dessine en Afghanistan, Obama toujours obsédé par la poursuite chimérique d’une « nouvelle aurore du leadership américain » ainsi que ses commanditaires, les vrais détenteurs du pouvoir dans l’oligarchie américano-occidentaliste, sont à la recherche d’alternatives politiques susceptibles selon eux de pérenniser leur dictature mondialisée dont l’avenir s’avère incertain. Ils ont en particulier choisi de déstructurer les Etats nations qui apparaissent comme l’armature des résistances et des combats populaires face à l’impérialisme.
Cette stratégie géopolitique qui se déploie aussi chez nous en France, contre la souveraineté nationale et populaire à travers l’eurodictature atlantiste et à visée régionaliste, ethniciste et supranationale, est parallèlement concrétisée contre les peuples arabo-musulmans, dans la relance des guerres de remodelage du Grand Moyen Orient déjà prévues par l’administration de George W. Bush.
Il existe un parallélisme évident entre la démarche supranationale euro-transatlantique et la politique de remodelage occidentaliste qui vise à démembrer la Syrie et d’autres pays arabes ou musulmans. Dans les deux cas l’objectif de domination recherché implique la destruction des nations, c’est tout particulièrement le cas de la Syrie et celui de la France.
Avec la Syrie, il s’agit de détruire une nation qui représente un obstacle majeur aux objectifs de l’impérialisme et de sa composante sioniste. L’unité nationale de la Syrie est profondément enracinée dans une histoire millénaire caractérisée, en particulier, par une habitude ancestrale du vivre ensemble et une aptitude à la coexistence fraternelle entre sensibilités religieuses. Selon le journaliste américain Webster Tarpley, qui était présent dans notre groupe, la société syrienne est la plus tolérante du Moyen-Orient.
Pour la plupart, les Syriens sont des patriotes convaincus – indépendamment de leurs appartenances religieuses- y compris semble-t-il, chez les sunnites majoritairement favorables à l’unité nationale. La minorité chrétienne est particulièrement mobilisée contre la guerre civile qui pourrait se traduire pour elle par une épuration confessionnelle à l’exemple de ce qui a eu lieu en Irak.
C’est la richesse de cette réalité nationale spécifique, forgée sur une longue période historique, le patriotisme exemplaire du peuple syrien qui en découle et que l’on perçoit concrètement en permanence chez les Syriens, qui permettent un optimisme raisonnable pour l’avenir. Si le peuple-nation de Syrie n’est manifestement pas encore tiré d’affaire, je suis personnellement convaincu que, s’appuyant d’abord sur ses propres forces nationales, culturelles, progressistes et sur ses choix laïques rejetant le communautarisme confessionnel, il triomphera en fin de compte de ses ennemis extérieurs ainsi que de leurs agents des escadrons de la mort, infiltrés ou recrutés à l’intérieur. Il pourra aussi compter dans son combat sur le soutien de ses nombreux amis et alliés, dans les états qui sont conduits à se dresser pour l’endiguement de la menace étasunienne et occidentaliste, ainsi que dans les peuples du monde parmi lesquels la prise de conscience anti-impérialiste progresse.
Dans l’opposition au gouvernement et à Bachar el Assad, on retrouve logiquement une composante nationale, qui refuse la guerre civile, l’intervention militaire étrangère et se prononce pour l’indépendance et la souveraineté de la Syrie. C’est ainsi par exemple que Haytham Manaa, président de la Coordination nationale, qui regroupe une tendance de l’opposition intérieure syrienne, vient de se démarquer du Conseil national syrien vassal de l’OTAN. Il a affirmé dans un journal libanais à propos de la Syrie : « Jamais nous ne la donnerons à l’OTAN, jamais elle ne sera aux mains de ces gens-là ! ». Il existe donc en Syrie une opposition qui revendique légitimement plus de libertés démocratiques Mais qui n’a pas de sang sur les mains et n’est globalement pas impliquée dans cette politique criminelle armée organisée, dirigée et téléguidée de l’étranger.
Les communistes syriens quant à eux, sont également dans le camp des patriotes. Tout en combattant pour des réformes démocratiques, ainsi que pour le refus des privatisations et des directives néolibérales du FMI, ils s’opposent à l’ingérence impérialiste et aux éléments favorables à la guerre civile. Le Parti Communiste Syrien (unifié) a appelé « à rassembler des forces pour défendre la patrie et mettre en œuvre les réformes nécessaires ».
Deux groupes distincts venus mi-novembre 2011, à l’initiative de chrétiens stimulés par Agnès-Mariam de la Croix, religieuse patriote et militante admirable de la cause des chrétiens d’Orient, ont pour l’essentiel vécu ensemble ce séjour en Syrie. Le premier rassemblait quelques journalistes, belges pour la plupart, qui avaient manifestement pour mission impossible de conforter à travers leurs reportages, le point de vue occidentaliste de leurs rédactions. Le second groupe était composé de militants anti-impérialistes impliqués dans la résistance à la désinformation et la recherche d’une alternative de communication idéologiquement rebelle à l’aliénation idéologique dominante. Les deux groupes ont bénéficié des contacts et de l’excellente connaissance de la situation en Syrie et au Liban, du militant anti-impérialiste Thierry Meyssan et du Réseau Voltaire.
L’observation essentielle que notre groupe anti-impérialiste a retiré de cette expérience exceptionnelle est que les dirigeants étasuniens et leurs vassaux les plus serviles (tels les Juppé et Sarkozy, utilisés à nouveau avec leur alter ego, l’émir du Qatar, comme premiers couteaux de la mafia américano-occidentale) n’ont pas réussi jusqu’ici à déclencher une guerre civile en Syrie, malgré leurs efforts acharnés et tous les milliards qu’ils distribuent avec largesse pour y parvenir.
Soulignons le caractère antidémocratique de la désinformation pratiquée à grande échelle par les médias du système américano-occidentaliste et de leur utilisation méthodique du mensonge, y compris dans la manipulation des images ou dans le travestissement du contenu réel de certains reportages télévisés : il n’est pas inhabituel de montrer des vidéos de manifestations de masse favorables à Assad en les présentant frauduleusement comme étant le fait de l’opposition. De même, la surestimation de l’importance des manifestations de l’opposition syrienne est méthodique.
Ce que nous avons pu observer sur place en novembre était totalement contraire à la propagande médiatique occidentale qui martelait le thème de la guerre civile, des manifestations de masse de l’opposition, de leur répression dans le sang qui aurait provoqué des milliers de morts. Nous avons bien vu une importante manifestation de masse à Damas mais elle était favorable à Bachar el Assad et clairement hostile à l’islamisme radical et à l’éclatement de la Syrie laïque en communautés religieuses antagonistes.
Ce qui nous est apparu clairement, c’est que, s’il n’y avait à cette époque, ni manifestations de masse significatives de l’opposition, ni massacres de populations désarmées, ni guerre civile, certaines forces s’employaient bel et bien à provoquer celle-ci sur une base inter-confessionnelle, en cherchant à susciter des affrontements entre les différentes communautés religieuses qui habituellement coexistent pacifiquement. Ces forces extérieures et intérieures, parmi lesquelles les Frères Musulmans, sont jusqu’ici tenues en échec grâce à la maturité du peuple syrien et à sa volonté majoritaire d’union nationale.
A Homs et à Baniyas notamment, nous avons pu nous rendre compte, à travers les témoignages directs de civils dont des proches ont été victimes d’enlèvements, et de militaires blessés par des tireurs isolés ou dans des embuscades, combien les épreuves du peuple syrien étaient dures et cruelles. Plus de 1100 militaires ont été ainsi assassinés et la plupart des tués ne seraient pas, selon le gouvernement syrien, issue de l’opposition.
A ce sujet il est nécessaire de souligner que le nombre de morts indiqués par les médias du système et par l’ONU partiellement sous contrôle de l’OTAN, est sans fondement réel et incontrôlable. Il est fourni de manière arbitraire par un prétendu Observatoire syrien des droits de l’homme (Osdh). Celui-ci, basé à Londres, est une officine contrôlée par les Frères Musulmans. Cette organisation est, de notoriété publique, en contact direct avec le Ministère des affaires étrangères britannique. En outre, l’Osch est financée par le National Endowment for Democracy, organisation qui tire elle-même ses ressources du Congrès des Etats-Unis. Cela confirme donc la pertinence de l’observation de l’un de nos interlocuteurs à propos de l’émergence d’un islamisme atlantique qui n’est pas, nous le voyons, seulement une spécialité turque.
La population syrienne est l’objet d’attaques meurtrières très dures en application d’une stratégie de la tension destinée à déstabiliser le pays. Alternativement ou parallèlement, surtout dans les villes sensibles, des assassinats ciblés sont perpétrés par des gangs, dans les quartiers où dominent les différentes sensibilités religieuses. Le peuple résiste et en général, ne se laisse pas manipuler. L’un de nos interlocuteurs nous disait que selon lui, les Syriens étaient prêts à consentir des sacrifices incroyables et terribles. Ces assassinats et maintenant les attentats à la bombe comme ceux de Damas sont principalement l’œuvre de bandes armées venues de l’extérieur, infiltrées à partir des différentes frontières qui bordent la Syrie. Ces groupes terroristes sont composés d’extrémistes musulmans arabes venant de pays divers, mais on y retrouve également des Pachtounes. Ces escadrons de la mort, moyennant finance, recrutent aussi sur place (en particulier dans le lumpenprolétariat, et parmi d’anciens trafiquants de drogue notamment) des tueurs qui sont payés pour chaque assassinat réalisé.
Cette mouvance radicale n’a pas été capable, malgré l’aide extérieure des Turcs notamment, de réaliser son objectif : créer au moins une base près d’une frontière, comme point d’appui à l’intérieur de la Syrie. Elle cause des dégâts humains et matériels considérables, mais se situe maintenant nettement dans une perspective de marginalisation probablement irréversible.
Le 6 janvier 2012, le prétendu Conseil National Syrien a franchi un pas de plus dans la trahison nationale en lançant un appel à l’intervention étrangère, et tout d’abord française, en Syrie, afin de créer des zones de pénétration dites de sécurité ou zones tampon. Le CNS appelle à une intervention militaire internationale qui débuterait par une campagne de frappes aériennes préventives, comme en Libye. Celles-ci selon le CNS pourraient être réalisées par des avions français, britanniques, turcs et qataris. Le CNS s’est ainsi placé en état de totale vassalisation au service des objectifs de l’OTAN .
Les attentats aveugles à la bombe qui indiquent le recours à des tueries semblables à celles utilisée en Irak, ne sont pas un signe de force et ne devraient pas non plus améliorer la popularité de cette fraction de l’Islam qui s’est placée au service de la stratégie géopolitique américano-occidentaliste. Bien au contraire, la radicalisation extrémiste en cours pourrait avoir pour conséquence d’accélérer le dialogue déjà entrepris entre Syriens ainsi que l’application des réformes démocratiques et sociales qu’ils peuvent souhaiter et qui ne doivent relever en principe, en Syrie comme ailleurs, que de la souveraineté nationale et populaire. (souveraineté populaire et indépendance nationale dont la France d’aujourd’hui est privée, pour cause d’eurodictature.)
La violence extrémiste, qui change de dimension dans la stratégie de la tension et le niveau de la terreur recherchée, devrait également être susceptible de stimuler plus encore le réflexe patriotique du peuple syrien et de favoriser le vaste rassemblement populaire majoritaire qui se dessine.
En juillet 2011, le parlement syrien a rendu légale l’existence de partis d’opposition qui ne devront pas être fondés sur des bases religieuses ou tribales, ne pas être issus d’un parti ou d’une organisation non syriens et tenus de respecter en particulier la Déclaration universelle des droits de l’homme. Par ailleurs, de nombreux prisonniers ont été libérés, ainsi que le demandaient en particulier les communistes, et dimanche 15 janvier, une amnistie générale a été annoncée.
Dans son discours du 10 Janvier, Bachar el-Assad a proclamé différentes réformes, parmi lesquelles la mise en chantier d’une nouvelle constitution qui entérinera le passage effectif au multipartisme et consacrera le principe de la souveraineté populaire. Ce projet de constitution sera soumis à un référendum, lui-même suivi par des élections législatives.
Ces changements majeurs en gestation ou déjà en application, pourraient être mis a profit par l’ensemble des patriotes syriens authentiques, quel que soit leur positionnement individuel ou collectif, par rapport au gouvernement ou a l’opposition non violente, pour la recherche en commun d’une voie de rassemblement national et de progrès démocratique et social. Cette convergence patriotique est potentiellement majoritaire et capable d’éviter au pays, à la fois la guerre civile et l’agression impérialiste.
(1)France : Le Nouveau Parti Anticapitaliste soutient une intervention impérialiste en Syrie
Claude Beaulieu