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Entre la Turquie et la France, la tempête !



Publié par Gilles Munier sur 29 Octobre 2020, 10:50am

Catégories : #Islam, #Turquie, #Erdogan, #Macron

Après le rappel par Paris de l’ambassadeur de France en Turquie, une première dans l’histoire diplomatique des deux pays, les relations franco-turques sont plus tendues que jamais

Par Öznur Küçüker Sirene (revue de presse : TRT en français – 29/10/20)*

Tout a commencé après la republication des caricatures du prophète Mohammed (saw) par Charlie Hebdo qui ne cesse de créer polémiques et divisions en France. Après le tragique attentat de 2015 contre le magazine, Charlie Hebdo est en quelque sorte devenu l’un des symboles forts de la République française. Pour la France, il ne faut renoncer à la « liberté d’expression » quel qu’en soit le motif et Charlie Hebdo use de son pouvoir de s’exprimer sans aucune limite.

L’enseignant Samuel Paty qui a montré ces caricatures en classe dans un cours sur la liberté d’expression fut assassiné par un jeune d’origine tchétchène, devenant ainsi une nouvelle victime de cette notion de liberté d’expression absolue. S’il ne méritait absolument pas cette mort, les près de 6 millions de Musulmans en France qui n’ont aucun lien avec l’attentat (et qui l’ont tous unanimement condamné) n’ont pas non plus mérité leur stigmatisation qui fait suite à l’attentat. Le gouvernement qui a promis de prendre des mesures fortes contre « l’islamisme radical et le séparatisme » s’attaque aux mauvaises personnes en les désignant comme « des ennemis de l’Etat » : Deux ONG musulmanes, le CCIF et Barakacity risquent la dissolution. De nombreuses perquisitions ont eu lieu chez des imams et responsables d’associations. La mosquée de Pantin a été fermée pour une durée de 6 mois et d’autres mosquées peuvent faire face à un contrôle et une pression de plus en plus accrue par les autorités françaises.

L’atmosphère d’islamophobie sans précédent qui s’est instaurée en France s’est également répandue dans d’autres pays de l’Europe comme l’Allemagne où la mosquée Mevlana a été perquisitionnée sans motif. Accusant le gouvernement français de ne pas respecter les droits des millions de citoyens français de confession musulmane, le président Recep Tayyip Erdo?an a invité le président français Emmanuel Macron à « faire contrôler sa santé mentale ». Si l’Elysée a jugé ces propos « inacceptables », l’ambassadeur de France en Turquie, Hervé Magro, fut également rappelé pour « consultation », une première dans l’histoire des deux pays qui entretiennent l’une des plus anciennes relations diplomatiques.

De l’autre côté, la republication des caricatures du prophète Mohammed (saw) par Charlie Hebdo, le droit de blasphème défendu par Macron et la projection des caricatures sur des bâtiments publics en France ont suscité indignation et colère dans le monde musulman. Les produits français ont commencé à être boycottés dans de nombreux pays tels que le Qatar, le Koweït ou encore la Jordanie. Erdo?an a également appelé le peuple turc à boycotter les produits français. Des manifestations de protestation contre la France et Macron ont également eu lieu dans différentes parties du monde, d’Israël au Bangladesh.

La liberté d’expression ne devrait pas être sans limite

En France tous les débats tournent autour de la nécessité absolue d’assurer une liberté d’expression sans limite alors qu’en réalité un tel droit ne peut pas être assuré par un État.

Si on se base par exemple sur la notion de liberté d’expression sur les réseaux sociaux, on observe vite que cette liberté est encadrée par des limites juridiques : des propos d’injure ou diffamation, d’escroquerie, faisant l’apologie du terrorisme, incitant à la haine raciale, provoquant à la discrimination de personnes en raison de leurs origines, de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap, avec un contenu pédophile ou de corruption de mineur sur Internet, mettant en danger des personnes, sont punis par la loi.

De la même manière, le négationnisme sur l’Holocauste ne relève pas du droit à la liberté d’expression. La France a même tenté de sanctionner le déni du soi-disant génocide arménien. Elle a également passé une loi mettant au même niveau l’antisionisme et l’antisémitisme.

On voit ainsi que la liberté d’expression est en réalité loin d’être sans limite dans le pays.

Les éventuelles répercussions de la dégradation des relations franco-turques

La crise en cours entre la Turquie et la France aura sans aucun doute des répercussions sur les relations économiques et politiques entre les deux pays mais aussi sur la vie des 700.000 Turcs de France.

Ainsi, nous lisons sur le site d’information Europe 1 dans un article intitulé « Comment Emmanuel Macron veut riposter à la Turquie d’Erdogan » que trois pistes de riposte sont à l’étude, à savoir la limitation de l’importation de produits turcs, l’intensification des opérations françaises en Méditerranée orientale ainsi que les contrôles et la pression sur les soi-disant réseaux d’influence turque, déjà bien surveillés par la DGSI (le renseignement intérieur).

Dans un tel contexte tendu, le ministère français des Affaires étrangères, a même appelé les ressortissants français à la prudence, dans les pays du monde musulman (dont la Turquie) où des manifestations ont lieu contre la France. Or selon une récente interview de France Info avec des ressortissants français résidant en Turquie, ces derniers se sentent en sérénité dans un pays avec « de bons vivants et des personnes chaleureuses ».

On n’observe pourtant pas le même ressentiment du côté des Franco-Turcs. Le président de l’association de la mosquée de Vernon, Sait Karaa?aç, explique ses craintes après avoir reçu un courrier envoyé par la poste à la mosquée et contenant des menaces de mort contre les Turcs, Musulmans et Arabes.

D’autres citoyens franco-turcs craignent plus que jamais la stigmatisation et la discrimination dans une actualité qui les concerne triplement puisqu’ils sont d’origine turque, musulmans et résident en France.

En conclusion les débats et polémiques sur l’Islam et la Turquie ne sont pas près de s’arrêter. Au contraire le virage du gouvernement d’Emmanuel Macron vers l’extrême-droite permet à ses électeurs de tenir plus librement des propos de haine envers les Musulmans. C’est ainsi que la leader du Rassemblement National, Marine Le Pen, propose même l’interdiction du voile dans les espaces publics.

Si l’année 2020 ne cessera de nous surprendre avec tous ces développements anxiogènes, une chose est sûre : un nouveau monde est en train d’être modelé et la France tente d’en devenir le précurseur comme ce fut le cas avec la Révolution française en 1789. Dans ce nouveau monde, les Musulmans de nos jours risquent de vivre le même sort que les Juifs d’hier. Et pour éviter cela, devenant une nouvelle fois la voix et la protectrice des Musulmans opprimés en Europe, la Turquie a un rôle important à jouer.

*Source : TRT en français
Info + :
Le MAE turc partage un message adressé aux Français il y 14 ans par le Président Chirac

Le ministre des Affaires étrangères de la Turquie a partagé mercredi sur le réseau social « Twitter », un communiqué de l’ancien Président français Jacques Chirac, le chef de la Diplomatie turque accompagnant la publication du commentaire « Il était une fois la France ».

Dans le message partagé par Mevlüt Çavu?o?lu et qui fut adressé le 8 février 2006 par le regretté Président français à ses concitoyens, Jacques Chirac soulignait l’importance de ne pas « blesser les convictions d’autrui, en particulier les convictions religieuses », tout autant que la liberté de la presse.

Le défunt Président français soulignant la liberté d’expression, rappelle néanmoins des principes de bases applicables à tous :

« Sur la question des caricatures et des réactions qu’elles provoquent dans le monde musulman, je rappelle que si la liberté d’expression est un des fondements de la République, celle-ci repose également sur les valeurs de tolérance et de respect de toutes les croyances », soulignait Jacques Chirac qui invitait notamment ses concitoyens au respect des croyances religieuses de tous :

« Tout ce qui peut blesser les convictions d’autrui, en particulier les convictions religieuses, doit être évité ».

Jacques Chirac a appelé enfin ses concitoyens à faire preuve d’esprit de responsabilité :

« La liberté d’expression doit s’exercer dans un esprit de responsabilité. Je condamne toutes les provocations manifestes, susceptibles d’attiser dangereusement les passions

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