Entre samedi et mercredi, tout peut arriver..
août 30, 2013
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Scarlett HADDAD |
30/08/2013
L’Orient -LeJour
Éclairage Le Liban, ainsi d’ailleurs que le reste du monde, retient son souffle en attendant les développements en Syrie. En dépit du léger changement de ton, hier, des parties occidentales désireuses de « punir le régime de Bachar el-Assad pour son utilisation des armes chimiques contre son peuple », des sources diplomatiques européennes à Beyrouth continuent de croire que l’option reste de lancer une opération militaire contre certaines cibles au sein du régime syrien. Mais le temps presse, car si l’opération ne peut être menée avant le rapport de la commission d’enquête de l’ONU qui devrait être remis samedi au secrétaire général de l’organisation internationale, elle devrait quand même être achevée avant le 5 septembre, date du début du sommet du G20 qui doit se tenir à Saint-Pétersbourg. Ce qui signifie que s’il y a une opération militaire, elle doit avoir lieu entre samedi et mercredi prochains. D’heure en heure, les déclarations occidentales sont en train de minimiser sa portée, précisant qu’il n’est nullement question de faire chuter le régime, mais simplement de rééquilibrer le rapport de force qui penchait trop en sa faveur après son offensive à Ghouta. On parle ainsi de l’envoi de missiles Tomahawk ou Cruise sur les six derniers aéroports syriens encore sous le contrôle des forces du régime et contre des positions militaires, comme le siège de la « quatrième force », considérée comme la plus puissante de l’armée syrienne et qui est commandée par Maher el-Assad, le siège de l’état-major et certains dépôts d’armes (non chimiques, car ce serait trop dangereux de bombarder ces derniers). Il n’est bien sûr pas question de se rapprocher des positions russes à Qassioun par exemple. Officiellement, il s’agirait donc d’une opération de représailles, mais les experts stratégiques affirment qu’elle est surtout destinée à affaiblir le régime syrien pour permettre la tenue de la conférence de Genève 2 avec une opposition en position de force. Il faut d’abord pour cela neutraliser les forces aériennes syriennes qui sont un élément déterminant en faveur du régime, mais aussi au passage affaiblir les unités spéciales qui font la force des troupes syriennes, et en même temps créer soit des zones d’exclusion aériennes ou des zones tampon, au Nord à la frontière avec la Turquie et au Sud à la frontière avec la Jordanie et Israël, pour écarter tout risque de débordement qui pourrait menacer l’État hébreu.
Des sources proches de l’Iran révèlent à ce sujet que ces idées ont été évoquées avec les responsables iraniens au cours des deux visites presque simultanées effectuées par l’émissaire de Ban Ki-moon, l’ancien secrétaire d’état adjoint américain Jeffrey Feltman, et par le sultan Qabous de l’émirat de Oman à Téhéran la semaine dernière. Les mêmes sources révèlent que l’ancien secrétaire d’État adjoint américain s’est voulu rassurant avec ses interlocuteurs iraniens, allant même jusqu’à leur affirmer que les frappes occidentales seront limitées et ne sont nullement destinées à faire chuter le régime, mais simplement à rendre « possible » la tenue de la conférence de Genève en ouvrant la voie à une solution politique équilibrée. Feltman, précisent les mêmes sources, a essentiellement voulu, par sa démarche, neutraliser l’Iran et l’empêcher de riposter aux frappes occidentales contre la Syrie, tout en lui demandant de faire pression sur le régime syrien et sur le Hezbollah pour qu’ils ne lancent pas des représailles contre Israël. Les sources proches de l’Iran ajoutent que les responsables iraniens ne seraient pas entrés dans le jeu de Feltman, refusant de lui donner la moindre garantie ou de prendre le moindre engagement, n’excluant au contraire pas la possibilité pour le régime de riposter s’il est agressé.
Les sources proches de l’Iran révèlent aussi que les entretiens avec le sultan Qabous étaient plus exhaustives, et que le sultan, qui a toujours préservé d’excellentes relations à la fois avec l’Iran et avec les États-Unis, aurait fait des offres alléchantes aux responsables iraniens. Il aurait ainsi laissé entendre que les États-Unis pourraient reconnaître les droits iraniens dans le nucléaire et suspendre progressivement les sanctions économiques imposées à l’Iran à condition que les autorités de ce pays renoncent à appuyer le régime syrien. Comme à leur accoutumée, les responsables iraniens n’auraient pas donné de réponse claire, mais depuis hier, ils ont haussé le ton au sujet des frappes prévues contre la Syrie. C’est le cas notamment du chef d’état-major des fores armées iraniennes, le général Hassan Fayrouzabadi, du commandant des gardiens de la révolution, le général Mohammad Ali Jaafari, et du commandant de l’unité al-Qods, le général Kassem Soulaymani, qui ont quasiment laissé entendre qu’il pourrait y avoir une riposte contre Israël. En tout cas, si le régime syrien est attaqué, nul ne peut l’empêcher de riposter.
En même temps, alors qu’au début la position russe avait paru hésitante, lorsque le ministre Lavrov avait notamment déclaré que la Russie ne se laissera pas entraîner dans une guerre contre l’Occident, hier elle est devenue plus menaçante, et un nouveau navire de guerre russe a même été envoyé dans la Méditerranée. Les sources proches de l’Iran relèvent ainsi que tous les contacts entrepris par les Occidentaux pour rassurer les alliés de la Russie montrent bien l’inquiétude qu’ils éprouvent face aux éventuelles conséquences de leur action. L’Iran, estiment ces sources, ne se considère pas obligé de les rassurer. Ils verront bien en temps voulu, puisqu’ils veulent prendre ce risque, disent les sources proches des hautes sphères iraniennes.
Mais la plupart des milieux diplomatiques et politiques au Liban sont convaincus que l’Occident a été trop loin pour pouvoir renoncer à une opération militaire en Syrie. D’abord, il y va de sa crédibilité sur le plan international, ensuite, il est désormais prisonnier de ses propres déclarations. Il a déjà dû reculer au sujet du départ du président syrien qu’il avait annoncé il y a plus de deux ans et il ne peut plus aujourd’hui se permettre de paraître faible et hésitant. La seule possibilité pour l’Occident de renoncer à son attaque contre la Syrie serait que le rapport de la commission d’enquête de l’ONU précise qu’il n’y a pas eu d’utilisation d’armes chimiques ou quelque chose du genre. Ce qui reste improbable…