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« ingérence », le nouveau nom du colonialisme


Le 3 septembre 2013

Altana Otovic
Etudiante.
Boulevard Voltaire

Nombreux sont ceux qui se sont empressés, ces derniers mois, de nous marteler que certains pays avaient tout intérêt à s’opposer à la guerre en Syrie et que là était la cause de leur inaction.

L’on nous dit que la Russie a passé avec la Syrie des contrats d’armement qui représenteraient plus de 4 milliards d’euros et 7 % de ses ventes totales en la matière. La base navale de Tartous, qu’elle a entrepris d’agrandir, est la seule qu’elle possède à l’étranger mais aussi son unique accès à la Méditerranée.

L’on nous dit que la Chine se classe, selon l’Institut National de Recherche pour la paix de Stockholm, à la cinquième position des plus grands exportateurs d’armes et qu’elle est l’un des premiers fournisseurs (tous produits compris) de la Syrie, dont elle représente 3,58 % des importations.

L’on nous dit également que si ces deux pays refusent de se joindre à la fête, c’est parce qu’ils ne peuvent cautionner l’ingérence au risque de voir leurs propres politiques intérieures (répression des minorités, absence de pluralisme,) sanctionnées par un Occident trop bienveillant qui déverserait sans attendre des flots de Casques Bleus sur leurs terres.

Certes, tout cela est vrai. Mais nous n’avons pas vu bien des journalistes, analystes et spécialistes nous énumérer avec autant de bagout les intérêts qui pouvaient être ceux de l’Occident si une guerre venait à se déclencher en Syrie.

Qui tirera bénéfice du morcellement d’un pays déjà communautaire (alaouites, sunnites, druzes, chrétiens…) ? Qui perpétuera sa présence dans un lieu stratégique qui se trouve étrangement non loin d’autres pays autrefois attaqués ou présentement en sursis (Irak, Afghanistan, Iran…) ? Qui vendra des armes à tous ces gens qui s’entretueront dans la poussière, sous la chape d’un soleil de plomb ? Qui refourguera des médicaments et s’occupera, moyennant finance, des blessés qui seront bien plus nombreux que jusqu’à présent ? Il semblerait bien que ce soit nous. Certains, comme l’Angleterre, n’ont d’ailleurs pas attendu que l’assaut soit donné pour ouvrir leur petite boutique et vendre à la Syrie des armes, dont nous présumons qu’elles serviront à pacifier le pays.

Nul doute également que cette guerre aura le mérite bienvenu de permettre à quelques dirigeants de revenir en vainqueurs auprès de leurs peuples respectifs qui, pour quelques divertissements chargés d’exotisme et d’humanisme parodique, oublieront vite la situation dramatique qui se joue chez eux.

L’on nous dit que le président syrien ne se maintient au pouvoir, comme son père, que par la peur qu’il inflige à son peuple. Un rapport interne de l’OTAN (Juin 2013) nous apprend pourtant que 70 % des Syriens portent soutien à Bachar Al Assad tandis que 10 % seulement sont du côté des rebelles. Si ces chiffres ne sont pas la preuve que les syriens vouent à leur président un amour débordant, ils montrent sans conteste que celui-ci est préféré à ceux qui le combattent.

N’ayez point d’inquiétudes, amis occidentaux : l’honneur demeurera sauf. Nos dirigeants se hâteront de dépêcher quelques fourgons humanitaires pour donner les apprêts d’une guerre bienveillante à une lutte qui suinte la convoitise géostratégique, et nulle trace des égarements passés ne subsistera dans les manuels de vos enfants. Rien ne se perd, rien ne se crée et le colonialisme n’est pas mort, il a juste changé d’habits.

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