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La Chrétienté, fille authentique du Bilad El Cham.


20 JUIN 2013

UNE ANALYSE DE NADIA KHOST
En rappelant le riche héritage culturel et les traditions de tolérance religieuse de son pays, l’intellectuelle syrienne Nadia Khost montre que la guerre qui est en train de ravager la Syrie n’est pas une guerre confessionnelle mais une utilisation de mercenaires fanatiques par Israël, l’Occident et ses alliés du Golfe pour démembrer un pays qui leur résiste. [SC]

Basilique Saint Serge – Al-Rassafa, Syrie

« Et dis : Ô mon Seigneur, accroît mes connaissances ! » (2)
Le communiqué de l’Union des Musulmans Progressistes de Belgique mentionne : « Les Musulmans Progressistes de Belgique demandent à la Belgique une position claire concernant les prêches sectaires qui incitent les jeunes à aller combattre auprès des rebelles en Syrie ».
Ceci pose une question : que veut dire le Jihad (guerre sainte, NdT), quelle est sa place, quelle relation entretient-il avec les forces influentes du système mondial ? Est-ce qu’il signifie une résistance aux forces impérialistes aux côtés des aspirations populaires et d’un projet politique social et culturel ? Ou bien se démarque-t-il du peuple, en exécutant des plans étrangers financés par des fonds étrangers ?
En Syrie, le Jihad devrait entrer dans le 1er cas de figure et supposerait une orientation contre les ennemis « israéliens » et occidentalo-américains.
Dans le deuxième cas de figure, il se manifeste par des hordes de mercenaires qu’aucune morale ni tradition ne retient,  qui ignorent l’Histoire de l’islam et l’Histoire nationale.
Dans le parcours arabe moderne, l’ennemi a été le colon et c’est là que s’est situé le front du Jihad. Le dénominateur commun entre la Révolution de Palestine, la Grande Révolution syrienne, la bataille de Jérusalem et nos guerres avec « l’israël », est : « la religion est pour Dieu, la patrie est pour tous ».
C’est de là qu’un chercheur a conclu, en parlant de ceux qui s’écartent de ce dénominateur commun : « Le déni par la pensée takfiriste (3) moderne de la présence d’une oumma(communauté NdT) musulmane depuis de longs siècles, signifie que pour ceux-là, ces siècles de lumières et de sciences se situaient dans l’ignorance « jahiliya » (période préislamique, NdT). Ces takfiristes influencent les jeunes, ignorants de la religion et de la philosophie, en s’appuyant sur leur révolte contre leurs conditions sociales. »
La recommandation de Omar ibn al Khattab (4) concerne, parmi les mesures de bonne conduite, le respect des moines, des femmes et des enfants. Et son refus de prier dans l’église de la Résurrection (à Jérusalem ,NdT), de peur qu’un ignorant ne prenne cela comme prétexte pour la détruire.
« Cherchez la connaissance jusqu’en Chine, s’il le faut »,cette recommandation fondamentale du Prophète démontre que la bid’aa (5), c’est l’occupation et la destruction des écoles, en témoigne le tournage de scènes où l’on incite les élèves à casser leurs pupitres et leurs écoles.
La Cause palestinienne est le but du Jihad, aucune autre ! C’est pourquoi il n’est envisageable pour aucun patriote ou musulman, pas même en rêve, de combattre avec une arme « israélienne » : l’arme de l’ennemi n’est pas neutre, elle est liée à son projet.
Cet héritage nous est transmis par le cheikh Al Achmar (6), natif du quartier historique de Midan, (de Damas, NdT) un grand patriote qui a combattu en Palestine et qui désignait le véritable ennemi avec une grande clairvoyance, et par un cortège de résistants et de combattants arabes, Chukri Al Asali, Al Jabri, Hanano, Said Al Aas, Sultan Pacha Al Atrache, Mreiwed, et Chukri Al Kouatli, par les martyrs de la Guerre d’octobre 1973, et de la résistance à l’invasion du Liban. Donc, le but de la guerre contre la Syrie est-il islamique, ou sert-il le projet occidentalo-sioniste, qui consiste à démanteler la région sur des bases confessionnelles et ethniques ?
Des chercheurs renommés et des hommes politiques occidentaux ont identifié les buts de la guerre contre la Syrie, en redoutant ses conséquences :
– Le parlementaire belge Laurent Louis (7) le 18 janvier 2013 : Le « soutien (de l’Occident) aux jihadistes en Syrie ne sert qu’à cacher des desseins stratégiques et économiques ».
– Le géopoliticien Aymeric Chauprade 27 nov 2012 (8) : « […]la crise syrienne a éclaté à cause de l’ingérence saoudienne et qatarie (soutenue par les ingérences française, britannique et américaine […] Du fait même de sa position centrale entre les gisements de production de l’Est (Irak, monarchies pétrolières) et la Méditerranée orientale, via le port de Tartous, qui ouvre la voie des exportations vers l’Europe, la Syrie est un enjeu stratégique de premier plan […], je pense que le régime syrien peut tenir longtemps [… ] car il n’est pas isolé [….] Deuxièmement, sa cohésion interne est forte […]troisièmement, le soutien de la Russie est ferme. Et le régime enfin n’est pas enclavé puisqu’il est lié à ses voisins irakien et iranien qui le soutiennent. »
– Le journaliste d’ investigation Jean Loup Izambert (9) : Les guerres « témoignent de la volonté des dirigeants des mêmes pays occidentaux – USA, Angleterre et France principalement – de passer outre le droit international pour piller les richesses des peuples, contrôler les grands axes de communication qu’ils jalonnent et y installer des régimes militaro-financiers. Ils bénéficient dans ces nouvelles guerres coloniales du soutien peu flatteur des dictatures pétro-religieuses du golfe Persique et de l’intervention du Fonds monétaire international. »
– Alain Chouet (10), (ancien chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE), contestant la décision française de livrer des armes à « l’opposition » syrienne« Dans le cas de la Syrie, nous armerions des groupes non représentatifs et reconnus par personne, si ce n’est par nous ! »
– Le colonel Alain Corvez (11) : « Après plus de deux ans d’assauts infructueux et de dizaines de milliers de morts la nouvelle Amérique a réalisé que le renversement du gouvernement de Damas ne pourrait pas se faire sans une intervention militaire qui est désormais totalement écartée. 
[…] Le gouvernement de Bachar El Assad a montré sa solidité et les élections prévues en 2014, sans doute sous contrôle international, diront si les Syriens se choisissent un autre président ou s’ils gardent l’actuel. Il y a fort à parier que l’actuel sortira grandi de la crise et que ses concitoyens lui demanderont de continuer à réformer le pays… »
Le but de cette guerre n’est donc pas la préservation de l’Islam, mais bien celle des intérêts économiques et politiques colonialistes, loin des objectifs de ceux qui les réalisent par les armes. 
Il est utile de se souvenir des paroles de l’islamiste Abdallah Azzam (12), qui fut assassiné suite à ses désaccords avec ses collègues : « faire porter les armes avant une longue éducation du groupe des fidèles est une affaire dangereuse : car ces hommes armés se transformeront en gangs qui menaceront la sécurité des gens. »
En relisant l’histoire de la lutte arabo-« israélienne » depuis ses débuts, il apparaît clairement que le danger sioniste englobe dans sa menace tous les Arabes, Chrétiens et Musulmans, toutes confessions confondues.
Des Donmeh (13) ont exécuté les martyrs du 6 mai 1916 (14), chrétiens, chiites, sunnites, sans distinction. Les églises palestiniennes ont subi ce que l’occupant « israélien » a fait subir aux mosquées palestiniennes.
Les Chrétiens et les Musulmans ont résisté à l’entité sioniste de la même manière, le père Attallah Hanna (15) est de ceux-là.
L’ennemi de tous les Arabes est donc « l’israël » et l’Occident colonialiste qui l’a créé et  le soutient. Et c’est uniquement eux que l’on doit viser !
Le projet de l’Occident pour les Chrétiens d’Orient
Talal Arslan, interrogé par Marie-Ange Patrizio (16), à propos d’une liste de noms de Chrétiens assassinés à Homs, répond : « Au Liban en 1975, un émissaire américain, Dean Brown, est venu ici comme représentant du président Gerald Ford. A mon père [Magid] qui était encore en vie, il a proposé en toute impertinence le projet de l’expulsion des Chrétiens du Liban. Dean Brown lui a dit que les navires étaient prêts pour transporter les Chrétiens au Canada,au Brésil […] Ce projet n’est pas nouveau. Mais personne ne se souvient de ça.
Quelle est la place des Chrétiens aujourd’hui au Liban ? Avant 1975, ils étaient 65% de la population libanaise ; aujourd’hui, les Chrétiens y compris arméniens ne représentent pas plus de 29% de la population. Si [les forces impérialistes] lancent cette campagne contre le patriarche Béchara Raï c’est parce que celui-ci sait très bien ce que veut dire cette expulsion, parce qu’il est au courant de l’existence de ce plan. L’occident doit savoir ça.
Après la chute de l’Empire ottoman il y avait ici deux courants : islamiste et panarabe.  Nous approchons du premier centenaire de la première guerre mondiale ; on retrouve ce même conflit, entre islamistes et panarabes. Qu’est-ce qui me lie à Bachar Al Assad ? Nous ne sommes pas de la même confession : c’est le nationalisme arabe qui nous unit, ça n’est pas du tout l’Islam. Et ceci est un sujet primordial dans cette région; voilà pourquoi les USA sont décidés à la pousser dans l’intégrisme islamiste. Cette opération est incompréhensible si l’on n’y voit pas une opération « israélienne ».… »
L’émir Arslan père a refusé la proposition de Dean Brown. Mais en Irak, après l’invasion étasunienne, les Chrétiens d’Irak ont été contraints à l’exil, menacés par le feu et la mort.
Dans la guerre contre la Syrie, des incendies ont été perpétrés contre les Chrétiens les condamnant à l’exode.
Dans ce même projet, Nicolas Sarkozy de sa tribune présidentielle, a critiqué les Chrétiens syriens car ils soutiennent leur gouvernement, il les a menacés d’en subir les conséquences. Ceci a provoqué la colère du patriarche maronite Béchara el Raï, le défenseur de la primauté et de l’authenticité des Chrétiens dans leur pays, au prix de la perte de la médaille de la légion d’honneur que Sarkozy devait lui remettre. (17)
Il semble que la pensée colonialiste et raciste occidentale( proche par son contenu et ses intérêts de l’arriéré et fanatique Qatar !)est incapable de comprendre la diversité de la civilisation humaine syrienne !  L’occident n’est pas non plus chrétien soucieux du sort des chrétiens. Il revêt ce qui convient à son projet colonialiste : au 19eme siècle, il a prétexté la protection des chrétiens pour voiler son intervention colonialiste (18), et aujourd’hui il tue et brûle les églises pour chasser les chrétiens et faire dominer Israël sur des mini-Etats affaiblis. Combien de contradictions de l’Occident n’ont-elles pas été démasquées par la guerre contre la Syrie !
« Tu ne mentiras point. Tu ne voleras point. », nous dit le Décalogue, mais mensonge et pillage des peuples sont dans l’essence de la politique occidentale !
Pas de chrétienté en Occident, mais une politique impérialiste. C’est pourquoi il oublie les terres où est né le Christ ! Il ne récuse pas les destructions des églises syriennes, ni les enlèvements des évêques syriens. Il ne se soucie pas des colonies qui entourent Jérusalem, ni de la judaïsation des villes historiques de Palestine et de Bethléem.
A l’encontre de l’entité de l’ennemi (sioniste) pas de sanctions économiques, ni de rappel d’ambassadeurs, ni de suspensions d’aides militaires ou financières, ni de suppression de manœuvres communes entre les États-Unis et « l’israël », pas de commissions internationales qui enquêtent sur l’utilisation du phosphore blanc ou des gaz chimiques, pas de décisions de l’ONU sous le chapitre 7 ! ( autorisant l’usage de la force NdT)
« On ne se soucie pas des Nations Unies », avait déclaré Ben Gourion, et Netanyahou ne s’en soucie guère plus. Il sait que le Congrès américain s’est levé 29 fois pour l’ovationner le jour où il a prononcé son discours, et ce, des années après sa menace : je brûlerai Washington (proférée sous Clinton, NdT).
Il est ironique de voir l’Occident se poser en juge moralisateur, en tuteur, sachant ce qui convient le mieux aux Syriens et décider « démocratiquement » qui doit les gouverner, et sous quel régime ils devraient vivre ! Il est ironique de le voir ignorer notre colère contre son hypocrisie la plus crue.
L’Occident se moque que nous ayons relevé dans la série des témoignages sur la partialité contre les droits de l’Homme et les droits des peuples, Obama, ânonnant tel un élève devant son maître « israélien » : « l’israël », le pays le plus puissant de la région est soutenu par les Etats Unis, le pays plus puissant de la planète. » (Le 22 mars 2013, lors de sa visite en « israël », NdT)
En plus de son insolence à défier les Arabes dans leurs terres occupées, il nous prend pour des imbéciles. Qui donc la résistance libanaise a-t-elle mis en défaite en 2006 ? Qui a été obligé de se retirer d’Irak ?

Basilique Saint Serge – Al-Rassafa, Syrie

La Chrétienté, fille de l’Orient.
Les colonialistes occidentaux feignent d’oublier que ces pays sont le berceau de la chrétienté, et que la chrétienté est partie intégrante du tissu humain social arabe. Car l’épuration ethnique et religieuse est une étape dans le projet « israélo »-occidental pour diviser la Syrie en mini-états religieux et nationalistes.
D’une pierre deux coups : réaliser le maléfique projet « israélo »-occidental. Et lâcher des bandes extrémistes qui défigurent la religion musulmane, nous éloignant de l’Histoire Arabe ; de la recommandation d’Omar ibn al Khattab ; de la défense par Salaheddin l’Ayyoubide des chrétiens de Jérusalem ; du premier Etat arabe ( Omeyyade) qui a promu les traducteurs chrétiens et leur a confié les finances ; d’Abd Al Qader l’Algérien qui a accueilli chez lui les chrétiens (19) ; des habitants du quartier historique de Midan qui ont ouvert leur porte aux chrétiens, le jour où le wali ottoman de Damas les a laissés se faire massacrer (20) ; de l’État moderne syrien qui ne distingue pas entre les cultes ou les confessions dont le représentant aux Nations Unies fut Fares Al Khouri.(21)
On remplace l’Histoire civilisée, par une Histoire pétrie de sang ,de mensonges et de crimes !
Et bien non ! Il est impossible d’arracher les racines des Chrétiens du cœur de la Mémoire nationale et populaire. Durant la première guerre mondiale, de 1914 à 1918, pendant que l’Occident était occupé à se partager les pays de Cham, le patriarcat orthodoxe à Damas lui, s’occupait de combattre la famine causée par le pillage des ottomans et le blocus maritime occidental. Il a ouvert ses portes pour nourrir les affamés, sans distinction de religion ou de confession, dont les migrants de Beyrouth. Le Patriarche Grégorius Haddad a hypothéqué les biens de l’Eglise et tous ses couvents, a vendu les précieux objets du culte, en or et en argent, qui racontent l’héritage spirituel de l’Église et ses racines en pays de Cham. Ainsi il a vendu la croix diamantée qui ornait sa mitre, offerte en 1913 par le tsar Nicolas de Russie pour acheter du blé. Le patriarche qui lui a succédé, Alexandros Tahhan, a dû vendre tous les biens de l’Église orthodoxe d’Orient pour rembourser les prêts aux taux d’intérêt vertigineux. L’Église Orthodoxe a perdu tous ses biens, mais a donné un magnifique exemple de fraternité entre Chrétiens et Musulmans.
Le Patriarche Gregorius Haddad a dirigé, entre 1926 et 1928 les Chrétiens dans leur résistance contre le joug ottoman, après la mort en martyr du héros Youssef Al Azmeh à Maysaloun (22), et l’entrée du général Gouraud à Damas. Il fut le seul patriarche à accompagner le roi Fayçal à la gare de Qadam pour faire ses adieux (23), le roi a pleuré lorsque le patriarche lui dit : « Cette main qui vous a élu vous sera fidèle à jamais », le roi s’empara de la main du patriarche pour l’embrasser mais le patriarche la retira et l’embrassa sur le front.
Lorsque le patriarche mourut en 1928, cinquante mille Musulmans damascènes participèrent à ses funérailles et le surnommèrent Mohammad Gregorius.
Quelle famille musulmane n’a-t-elle pas fredonné la sourate de Maryam (Marie) du Coran !
Est-ce que l’on peut oublier que les familles musulmanes palestiniennes faisaient des offrandes votives de galons d’huile d’olive à l’église de l’Annonciation de Nazareth ?
Les livres d’histoire citent la présence de la Vierge Marie dans la rabweh de Damas, (la vallée du Barada à l’entrée de Damas NdT). Ceci lui confère sa sacralité et explique sa magie.
Abou Al Faraj Al Asfahani (24) raconte dans son livre « Adab Al Ghuraba » que le calife abbasside Al Moutawakkil, en allant à Damas, s’est arrêté à Homs et a voulu visiter toutes ses églises et couvents : « Nous avons séjourné parmi les églises grandioses et les monuments anciens, reposants, tous ceux qui y séjournent ne souhaitent plus les quitter ». Il n’a cessé de visiter ces églises et ces maisons ,et de voir en elles ces merveilleuses images de moines et de femmes déambulant dans les cours des couvents….
Il fut séduit par le discours de la fille du prêtre, qui lui servit à boire de l’eau fraiche dans des récipients en argent.
A l’époque abbasside, les lieux de culte étaient donc respectés.
Les marbres de Rassafa (25) scintillent toujours au soleil, oùse trouve l’église de Saint-Serge, l’officier arabe tué par les Romains en défendant sa foi chrétienne. Les Ghassanides ont rajouté aux constructions de Rassafa une grande cathédrale et des réservoirs d’eau, entre autres. Hicham bin Abd Al Malek l’Omeyyade y a rajouté des constructions qui sont restées fièrement dressées jusqu’à l’invasion des Mongols et les tremblements de terre aussi se sont acharnés sur Rassafa.
Les lieux de culte chrétien étaient protégés sous le règne des Omeyyades et sont restés partie intégrante de l’architecture arabe.
Que s’est-il donc passé pour que les Chrétiens d’Orient soient menacés dans ces contrées, berceau de la chrétienté d’où elle a rayonné ? Pour que les évêques soient enlevés et les églises dynamitées, alors qu’elles font partie du patrimoine architectural arabe ? Pour que le conflit se transforme de arabo-« israélien » en inter-confessionnel, et que l’autre confession devienne l’ennemi en place et lieu de « l’israël » ?!
Anastasia Popova a cité dans ses remarques sur le rapport de l’ONU sur la Syrie (26 ) « les bandes armées ont assiégé pendant plus de six mois une ville du nom de Nubbol, au nord de la Syrie, les enfants y meurent de faim, ceux de ses habitants qui tentent de pénétrer dans leur verger pour cueillir les olives se font tirer dessus, nous avons parlé à une famille qui a perdu un fils, l’armée a essayé plusieurs fois de négocier et a envoyé des vivres qui ont été volées. Elle a essayé de faire parvenir les vivres par hélicoptères mais les gangs ont tiré dessus. »
La ville de Nubbol citée par Popova est encore assiégée, les villages qui tentent de la ravitailler sont assiégés aussi ; nous nous demandons : où est le tintamarre politique de l’Occident sur les droits de l’Homme et la protection des civils ? Mais nous nous demandons aussi : pourquoi ces assiégeants ne vont-ils pas à la vraie terre de Jihad : la Palestine !
La civilisation des Syriens
Face à la bassesse, au mensonge, au crime et à la manipulation, ces deux années de guerre sauvage contre la Syrie ont révélé l’authenticité des Syriens, leur distinction culturelle, leur lucidité. Leur compréhension que l’essence de la religion réside en valeurs morales, miséricorde, solidarité pour le meilleur et pour le pire, et dans la défense de la Nation.
En quel autre endroit que la Syrie des Chrétiens et des Musulmans ont-ils prié ensemble sous les tirs des gangs et les explosions des voitures piégées ? En quel autre pays que la Syrie des Musulmanes voilées sont-elles accourues aux maisons des Chrétiens touchés par de sauvages éclats de bombes ?
Avant la guerre, au temps des jours de paix, lorsque le quartier de Kassaa décorait ses balcons [à Noël. NdT], où la rue d’Alep était en fête, les gens se promenaient dans le quartier de Bab Touma jusqu’à la messe de minuit. La fête était nationale, s’y mêlaient les souvenirs de Bethléem, de Nazareth et de Jérusalem, y transparaissait la Palestine. Les Musulmans participaient à la fête. Le Christ n’est-il pas le fils de ces pays ? Est-ce pour cela que les églises et les mosquées ont-elles été dynamitées ensemble ? Le minaret de la mosquée des Omeyyades à Alep a été détruit en même temps que les églises aleppines. Des religieux chrétiens et musulmans ont été assassinés, le deuil s’est répandu dans toutes les rues du pays.
La Belgique poursuit les extrémistes préparés à la guerre contre la Syrie. La suite nécessaire à cela est de condamner le terrorisme contre un pays aussi exceptionnellement civilisé dans son tissu humain.
Paris et Bruxelles n’ont pas plus le droit à la sécurité que les pays des madrasas [écoles NdT], de la poésie, des observatoires astronomiques, les pays où a poussé le premier blé, où a été écrit le premier alphabet, où se sont mises en place les premières archives.
Et malgré cela, les usines de Syrie ont été volées, ses silos de grains pillés ainsi que sa farine avec laquelle on a inventé les galettes de pain, les ka’ak [spécialités de gâteaux secs NdT] au sésame, offerts avec le sahlep !
Ce pays dont les habitants se serrent les coudes dans la douleur commune sur ces milliers de tués, sur ces milliers d’habitations et ces centaines d’écoles détruites, sur ces routes coupées par les gangs. Et d’un commun accord, ils déclarent : pas de fête avant le retour de la sécurité. Mais cette grande solidarité dans la douleur n’émeut pas les consciences paresseuses occidentales.
Cette nuit doit prendre fin.
Les rêves préparent la route de l’avenir. Que la vie serait étroite sans une marge d’espoir ! Les rêves sont le cadeau de la vie à l’Homme.
Des analystes notent : « pour arriver à un nouvel équilibre au Proche-Orient, la route est pavée de beaucoup de douleurs. »
Le projet occidental restera sanguinaire et féroce jusqu’à l’instant de son échec ultime. Mais la Syrie tient l’espoir du retour de la sérénité, elle tient sa force de son peuple inflexible, patient et humain, et de son armée. Cette armée patriotique ne s’est jamais trompée d’ennemi, elle-même tient sa force du grand peuple syrien.
La Syrie scintille dans sa douleur, fière d’être la seule dans la région à ne pas avoir connu les guerres de religions et de nationalisme européennes. La seule à être aussi colorée par la diversité.
La seule où les cheikhs et les évêques s’associent dans la prière pour les martyrs.
Nos cœurs sont alourdis par la souffrance sur les personnes déplacées et sur ceux qui ont perdu leurs bien-aimés. Il est dans nos mœurs de baisser la voix en cas de décès dans le quartier, nous sommes toujours fidèles à ces traditions. La joie individuelle est indécente si elle n’est pas accompagnée de joie générale.
Mais la solidité des Syriens dans la guerre a marqué l’ennemi et a ranimé la beauté de la sourate de Marie du Coran.
Elle nous a rappelé le moine Bahira que le Prophète était venu rencontrer à la cathédrale de Bosra, qui représente l’architecture du Bilad Al Cham et nous a rappelé la grandeur d’âme sans laquelle ne peut s’ériger une civilisation.
La tristesse est certainement semblable au ciment utilisé pour construire les édifices arabes : résistant, qui dure des siècles, malgré la simplicité de sa matière première. Ce ciment construit le tissu Syrien.
Espérons que des Arabes et des Occidentaux endormis se réveilleront car l’atrocité des événements en Syrie a dévoilé la déchéance de la politique mondiale et régionale, et le rôle de l’argent qatari dans la corruption de la culture et de la politique des Etats et de certains groupes. Et la nécessité de freiner et de ramener à leur juste proportion ceux qui osent s’en prendre à la civilisation.

Dr Nadia KHOST

Dr Nadia Khost, écrivaine syrienne — auteur de nombreux ouvrages, d’essais, et de nouvelles portant sur l’histoire, l’architecture, la conservation et la protection du patrimoine de la Civilisation Arabe — vit à Damas.
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