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La guerre contre l’Iran, l’Irak et la Syrie? Pepe Escobar


25 juillet 2013

Pepe Escobar

Au milieu du grondement incessant de la jungle (de Washington) au sujet d’une possible aventure militaire de l’administration d’Obama en Syrie, de nouvelles informations ont émergé. Et quelles informations en provenance du Pipelineistan.

Le tableau : le ministre irakien du Pétrole Abdelkarim al-Luaybi, le ministre du Pétrole syrien Sufian Allaw, et l’actuel ministre iranien du Pétrole par intérim Mohammad Aliabadi se sont réunis dans le port d’Assalouyeh, au sud de l’Iran, pour signer un protocole d’accord pour la construction du gazoduc Iran – Irak – Syrie, pas moins.
À Asia Times Online et aussi ailleurs j’avais affirmé que cet éventuel noyau du Pipelinestan était l’une des raisons fondamentales de la guerre par procuration en Syrie. Contre les intérêts de Washington, pour qui l’intégration de l’Iran est une abomination, le gazoduc court-circuite deux acteurs extérieurs d’une importance cruciale dans l’affaire syrienne – le premier, ‘’l’armeur’’ des rebelles, le Qatar (en tant que producteur de gaz), et le ‘’soutien logistique’’ des rebelles, la Turquie (qui s’auto-décrit comme le carrefour privilégié de l’énergie entre l’Orient et l’Occident).

Le gazoduc de 10 milliards de dollars US, 6.000 kilomètres, est prévu pour démarrer du champ gazier de South Pars en Iran (le plus grand du monde, partagé avec le Qatar), et traverser l’Irak, la Syrie puis, finalement, le Liban. Ensuite, il pourrait passer sous la Méditerranée vers la Grèce et au-delà; être reliée au gazoduc arabe, ou en parallèle.
Avant la fin du mois d’Août, trois groupes de travail se pencheront sur les aspects complexes techniques, financiers et juridiques. Une fois que la finance sera sécurisée – et c’est loin d’être certain, compte tenu de la guerre par procuration en Syrie – le gazoduc pourrait être en ligne en 2018. Téhéran espère que l’accord final sera signé avant la fin de l’année.

L’hypothèse de travail de Téhéran, c’est qu’il sera en mesure d’exporter 250 millions de mètres cubes de gaz par jour en 2016. Lorsqu’il sera terminé, le gazoduc sera en mesure de pomper 100 millions de mètres cubes par jour. Pour le moment, l’Irak a besoin jusqu’à 15 millions de mètres cubes par jour. En 2020, la Syrie aura besoin jusqu’à 20 millions de mètres cubes, et le Liban jusqu’à 7 millions de mètres cubes. Cela laisse encore beaucoup de gaz à l’exportation vers les clients européens.
Les européens – qui n’arrêtent pas de râler se disant les otages de Gazprom – devraient se réjouir. Au lieu de cela, une fois de plus ils se tirent une balle dans le pied.

Vous voulez la guerre? Voici la facture

Avant de passer au dernier fiasco europé
en, nous allons faire un mixage de ce développement du Pipelineistan avec la nouvelle «découverte» du Pentagone – par le directeur adjoint de l’Agence du renseignement de défense (DIA), David Shedd, selon lequel la guerre par procuration en Syrie peut durer  » plusieurs années  » . Si cela se produit, bye-bye le pipeline.
On se demande ce que ces ‘’assistants penseur’’ du Pentagone ont bien pu faire depuis début 2011, considérant qu’ils prédisaient la chute de Bachar al-Assad toutes les deux semaines. Maintenant, ils ont aussi «découvert» que les djihadistes du théâtre syrien appartenant au Jabhat al-Nusra et au moule d’al-Qaïda en Irak (AQI) sont, en fait, en train d’exécutent un (horrible) show. Shedd a admis qu’il y avait « au moins 1.200 » factions / gangs de « rebelles » disparates en Syrie, la plupart d’entre eux n’ayant rien à faire là.
Attestant de l’épouvantable moyenne de QI impliquée dans le débat de politique étrangère à Washington, cette information devrait être triturée pour encore justifier une autre aventure militaire à l’horizon – en particulier après que le président Barack -« Assad doit partir » – Obama ait déclaré qu’il autoriserait l’armement ‘’light’’ des «bons» rebelles uniquement. Comme si les dures lois de la guerre obéissaient à quelque bonne fée des armes quelque part là-haut dans le ciel.

Entre en scène du général Martin Dempsey, Chef d’Etat-Major des Armées. Le même jour où Téhéran, Bagdad et Damas étaient en train de parler sérieusement d’affaires d’énergie, Dempsey écrivait aux sénateurs américains de la clique belliciste des John McCain que l’entrée des États-Unis dans une nouvelle guerre conduirait à des « conséquences imprévisibles ».

Dempsey a écrit que, armer et entrainer les «bons» rebelles (à supposer que la CIA ait une idée de qui ils sont) coûterait « 500 millions de dollars par an au départ», exigerait «plusieurs centaines à plusieurs milliers de soldats» et risque d’armer, par la même occasion, les djihadistes du style Al-Qaïda , plongeant ainsi Washington, selon l’évaluation ‘’Pentagonnienne’’ de Dempsey, dans une « association involontaire avec des crimes de guerre en raison des grosses difficultés».
Dans le cas où l’administration Obama cèderait à l’option favorite des va-t-en-guerre – une zone d’exclusion aérienne – Dempsey a également déclaré que pour des frappes aériennes « limitées », il faudrait « des centaines d’avions, navires, sous-marins et d’autres moyens », pour un coût » de l’ordre du milliards « , et tout cela pour atteindre des résultats bien moindres que la « dégradation significative des capacités du régime et une augmentation des désertions du régime » espérées.
Dempsey au moins a été franc ; contrairement à Kadhafi en Libye, les forces de Bachar al-Assad ne plieront pas à cause d’une zone d’exclusion aérienne. Et ça ne changerait pas grand-chose parce que le gouvernement syrien « repose massivement sur une puissance de feu terrestre – mortiers, artillerie et missiles ». Et même une zone d’exclusion aérienne limitée- ce que l’ancienne star du Département d’État Anne-Marie Slaughter définissait par euphémisme comme un « no-kill zone » – coûterait « plus de 1 milliard de dollars par mois ». Et qui va payer pour tout cela? La Chine?
Même avec Dempsey jouant au flic de dieu et agitant la voix de la raison – quelque chose d’assez étonnant en soi, mais il a quand même été en Irak, et a vu de ses propres yeux comment on peut se prendre des coups de pied au cul par une bande d’enturbannés armés kalachnikovs d’occasion – les experts des médias américains se délectaient encore du débat interne au sein de l’administration Obama sur la « sagesse » d’une nouvelle guerre.

Regrouper les chers djihadistes

Et alors que le débat sur la «sagesse» était parti pour durer, l’Union européenne a décidé d’agir ; s’inclinant humblement devant la pression des Etats-Unis et d’Israël, l’UE – elle-même sous la pression du Royaume-Uni et des Pays-Bas – inscrivent la branche armée du Hezbollah sur liste noire comme organisation terroriste.
Le prétexte était l’attentat contre un bus transportant des Israéliens en Bulgarie en 2012. Le Hezbollah a dit qu’il n’avait rien à voir avec cela. Les enquêteurs bulgares disent catégoriquement oui d’abord, puis peut-être, et maintenant ils admettent même que la preuve des circonstances est fragile.
Donc, le prétexte est bidon. C’est l’Union européenne – après le méprisable refus de droits de survol de l’avion présidentiel bolivien – jouant une fois de plus le caniche docile, avec les Angliches et les Hollandais, essayent d’affaiblir le Hezbollah juste au moment où ce dernier confortait ses bases à la frontière syrienne / libanaise et avait en fait battu tous ces djihadistes du Jabhat al-Nusra et autres AQI.
Comme une illustration graphique de la totale ignorance de l’UE – certains diraient stupidité – la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et la France, en particulier, suivi par les autres, viennent de marquer comme « terroristes » l’organisation qui se bat sur le terrain en Syrie / Liban contre les djihadistes, tandis que le djihadistes eux-mêmes s’en tirent. Plus ignorant / arrogant, tu meurs.

Alors, quelle est la prochaine étape? Il ne serait pas si farfelu que ça d’imaginer l’UE, oubliant totalement le pipeline qui en fin de compte profitera à ses citoyens, émettant – sous la pression américaine – une directive pour marquer l’ensemble Iran-Irak-Syrie comme axe terroriste. Ils feraient ensuite du lobbying pour une zone d’exclusion aérienne qui s’applique à tous, et recruteraient des djihadistes de partout pour la guerre sainte contre l’axe, soutenue par une fatwa émise par le cheikh Yusuf al-Qaradawi. Mais d’abord, ils auraient besoin de l’approbation de Washington. En fait, ils pourraient même obtenir.
Pepe Escobar

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