La loi État-nation d’Israël : la résurrection de l’apartheid
août 21, 2018
France-Irak Actualité : actualités sur l’Irak, le Proche-Orient, du Golfe à l’Atlantique
Analyses, informations et revue de presse sur la situation en Irak, au Proche-Orient, du Golfe à l’Atlantique. Traduction d’articles parus dans la presse arabe ou anglo-saxonne, enquêtes et informations exclusives.
Publié par Gilles Munier sur 21 Août 2018, 07:18am
Catégories : #Palestine, #Gaza, #Israël, #Sionisme, #Trump, #Macron
Par Haidar Eid (revue de presse: Middle East Eye– 24/7/18)*
(+ Texte intégral de la Loi fondamentale: Israël étant la Nation-Etat du Peuple Juif)
Après l’approbation de la « nouvelle » loi État-nation, il semble que nous nous dirigeons vers l’inévitable : une confrontation avec la suprématie juive dans sa forme la plus hideuse.
Je suis un Sud-Africain naturalisé, un Palestinien d’origine. J’ai passé six ans en république d’Afrique du Sud à partir de 1997, trois ans après les premières élections multiraciales qui finalement ont abouti à la nomination de Nelson Mandela comme le premier Président noir du pays.
Ce furent des années agitées avec le spectre d’un apartheid qui menaçait toujours après avoir régné pendant 46 ans, laissant des cicatrices auxquelles le peuple d’Afrique du Sud, dans ses différentes races, a toujours à faire face.
Un système d’apartheid inhumain
Ce qui me préoccupe ici, c’est le fait que pas un seul pays dans le monde, à la fin des années 1980, ne voulait avoir quelque chose à voir avec le système d’apartheid inhumain, même pas reconnaître les soi-disant « terres d’origine indépendantes » accordées comme peau-de-vin à quelques Africains autochtones par le régime d’apartheid.
Ce qu’il faut noter là, c’est que la communauté internationale considère le crime d’apartheid comme le deuxième crime contre l’humanité le plus grave, après le génocide.
C’est pourquoi moi-même, en tant que descendant palestinien de réfugiés chassés de leur village de Zarnouqa, nettoyé ethniquement, j’ai le droit d’user de mon droit au retour, reconnu internationalement. Je me dois également d’exprimer mon désaccord avec la promotion de la solution à deux États comme étant LA solution « répondant aux aspirations nationales des Israéliens et des Palestiniens ».
Résidant à Gaza, je suis choqué constamment de voir des politiciens qui croient encore qu’il existe deux côtés égaux dans ce qu’ils appellent le « conflit israélo-palestinien ». Est-ce que ces mêmes politiciens ont cru dans les années 1970 et 1980 qu’il existait deux parties égales en Afrique du Sud, les Blancs et les Noirs, avec des revendications territoriales égales ?
Contrairement à la nouvelle Afrique du Sud, post-apartheid, au sein de l’État d’Israël tous les êtres humains ne sont pas égaux. Israël se définit maintenant comme un « État juif ». Et comme 22 % des citoyens d’Israël sont des Palestiniens, ceux-ci se trouvent exclus du statut de citoyen de cet État. (Il y a plus de quatre millions de Palestiniens qui vivent sous l’occupation militaire directe dans la bande de Gaza et en Cisjordanie).
Israël n’est pas un État pour tous ses citoyens. C’est un État pour le « peuple » juif, un État auquel la plupart d’entre eux n’ont aucun droit de par leur naissance. Donc, alors que quelqu’un peut être citoyen de n’importe quel pays du monde, s’il est juif, il profite des pleins droits en Israël, droits que l’Israël d’apartheid nous refuse, à nous les Palestiniens, qui sommes le peuple originaire de cette terre. Quand ils parlent de nous, ils disent les « Arabes israéliens », les « résidents de Jérusalem », les « Arabes des territoires ».
Une infériorité institutionnalisée
Pour ajouter l’insulte à la blessure, il n’existe pas de nationalité israélienne. À la place, il y a une « nationalité juive », tout comme il y avait une « nationalité blanche » dans l’Afrique du Sud de l’apartheid. De sorte que si l’on naît de parents palestiniens vivant en Israël, on se voit aussi refuser les droits à « la nationalité juive », et on est tenu de se soumettre à une infériorité institutionnalisée, ou de faire le choix d’y résister, ce qui est la réaction naturelle de tout être humain qui se respecte, et choix qui fut celui de Nelson Mandela et de Martin Luther King.
Les mêmes lois racistes qui servaient à interdire aux Noirs toute acquisition foncière dans les zones blanches dans l’Afrique du Sud de l’apartheid sont une force dans l’Israël de l’apartheid. Les citoyens palestiniens indigènes en Israël n’ont pas seulement l’interdiction de vivre sur des terres acquises par « les institutions juives », mais ils ne sont pas davantage autorisés à résider dans toute zone classée comme étant « juive ».
Moi-même, je possède un titre juridique sur la terre de mes parents en Israël, mais je n’y ai aucun droit « légal » car la propriété de mes parents, comme celle de millions d’autres Palestiniens, nous a été enlevée, et donnée à des juifs qui en sont devenus propriétaires.
Et maintenant, après l’approbation de la « nouvelle » loi État-nation, il semble que nous nous dirigeons vers l’inévitable : une confrontation avec la suprématie juive dans sa(ses) forme(s) la plus hideuse. À Oslo, en 1993, la direction palestinienne a eu l’illusion qu’elle serait en mesure d’établir un bantoustan que le monde reconnaîtrait comme l’État de Palestine.
À l’époque, la proposition revenait à accepter le programme de la « gauche » sioniste, approuvé par les États-Unis. Aujourd’hui, on nous demande d’accepter le programme d’un gouvernement de l’extrême droite sioniste, approuvé par le gouvernement de droite des États-Unis et qui a reçu une nouvelle dénomination, « l’accord du siècle ».
C’est dans ce contexte que la nouvelle vieille loi État-nation juif peut être comprise : c’est la renaissance de l’apartheid.
Le Dr Haidar Eid est professeur associé au Département de la littérature anglaise à l’Université Al-Aqsa dans la bande de Gaza.
Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine
*Source: MEE
Texte intégral de la Loi Fondamentale :
Israël étant la Nation-Etat du Peuple Juif
Ceci est une traduction intégrale de la version définitive de la Loi Fondamentale : Israël étant la Nation-Etat du Peuple Juif, adoptée par la Knesset le 19 juillet 2018.
1. Principes fondamentaux
A. La Terre d’Israël est la patrie historique du peuple juif, dans laquelle l’Etat d’Israël a été créé.
B. L’Etat d’Israël est le foyer national du peuple juif, dans lequel il réalise son droit naturel, culturel, religieux et historique à l’autodétermination.
C. Le droit d’exercer l’autodétermination nationale dans l’Etat d’Israël est propre au peuple juif.
2 . Les symboles de l’Etat
A. Le nom de l’état est « Israël ».
B. Le drapeau des l’état est blanc avec deux bandes bleues près des bords et une Etoile de David bleue au centre.
C. L’emblème de l’état est une menorah à sept branches avec des feuilles d’olivier des deux côtés et le mot « Israël » au-dessous de celle-ci.
D. L’hymne de l’état est “Hatikvah.”
E. Les détails relatifs aux symboles de l’état seront fixés par la loi.
3 . La capitale de l’état
Jérusalem, entière et unifiée, est la capitale d’Israël.
4. Langue
A. La langue de l’état est l’hébreu.
B. La langue arabe a un statut spécial dans l’état ; la règlementation de l’usage de l’arabe dans et par les institutions de l’état sera fixée par la loi.
C. Cette disposition ne porte pas atteinte au statut accordé à la langue arabe avant que cette loi n’entre en application.
5. Retour des exilés
L’état sera ouvert à l’immigration juive et au retour des exilés
6 . Lien avec le peuple juif
A. L’état s‘efforcera d’assurer la sécurité des membres du peuple juif en difficulté ou en captivité en raison de leur Judéité ou de leur citoyenneté.
B. L’état agira dans la Diaspora pour renforcer l’affinité entre l’état et les membres du peuple juif.
C. L’état agira pour préserver le patrimoine culturel, historique et religieux du peuple juif parmi les Juifs de la Diaspora.
7. Colonies juives
A. L’état considère le développement des colonie juives comme une valeur nationale et agira pour encourager et promouvoir leur création et leur renforcement.
8. Calendrier officiel
Le calendrier hébreu est le calendrier officiel de l’état et en même temps que celui-ci le calendrier grégorien sera utilisé comme calendrier officiel. L’usage du calendrier hébreu et du calendrier grégorien sera fixé par la loi.
9. Journée de l’Indépendance et journées commémoratives
A. La Journée de l’Indépendance est la fête nationale de l’état.
B. La Journée commémorative pour ceux qui sont morts dans les Guerres d’Israël et dans l’Holocauste et la Journée du Souvenir de l’Héroïsme sont les fêtes commémoratives de l’Etat.
10 . Journées de Repos et Sabbat
Le Sabbat et les fêtes d’Israël sont les jours de repos instaurés dans l’état ; les Non-Juifs ont droit à maintenir les jours de repos lors de leurs Sabbats et fêtes ; les détails de cette question seront fixés par la loi.
11. Immuabilité
Cette loi fondamentale ne peut pas être modifiée, sauf par une autre Loi Fondamentale adoptée par les députés.
Traduction: Yves Jardin, AFPS
Source : Agence Media Palestine