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La montée de l’extrême droite israélienne remet l’accent sur l’occupation de la Cisjordanie


Publié par Gilles Munier sur 18 Décembre 2022, 09:45am

Catégories : #Palestine, #Cisjordanie, #Sionisme

Par Shira Rubin (revue de presse : Agence Média Palestine – 13/12/22)*

HEBRON, Cisjordanie – Le mois dernier, alors que des dizaines de milliers de pèlerins juifs d’extrême droite défilaient dans la vieille ville d’Hébron sous la protection de l’armée israélienne, Aisha Alazza, 18 ans, s’est aventurée sur son balcon pour jeter un coup d’œil. Alors qu’elle sirotait un café en regardant le défilé dégénérer en violence, une bande d’Israéliens s’est approchée de l’autre côté de la route, lui criant « Pute ! » en arabe et lui lançant des pierres. Elle a été frappée au visage.

Les voitures palestiniennes étant interdites dans ce quartier, il était hors de question d’envoyer une ambulance. Au lieu de cela, les quatre sœurs d’Alazza l’ont emmenée à l’intérieur, ont appliqué de la glace et de l’huile sur la blessure enflée et ont attendu que les hommes s’en aillent.

Alazza sait qu’elle les reverra – après tout, ce sont ses voisins. Ils sont aussi directement liés à des membres du sionisme religieux, le bloc politique d’extrême droite, autrefois marginal, qui s’est fait le champion de l’affirmation de la souveraineté israélienne en Cisjordanie et qui sera la deuxième force en importance dans le nouveau gouvernement israélien.

Avant même que le sionisme religieux n’entre en fonction – et n’obtienne des postes ministériels influents qui lui donneront un contrôle sans précédent sur ce territoire contesté – ses promesses de préparer le terrain pour l’annexion exacerbent les dangers et les indignités de la vie quotidienne en Cisjordanie occupée, disent les résidents. Nombreux sont ceux qui préviennent que le conflit sanglant d’Hébron, aux accents bibliques, entre ses 800 colons israéliens purs et durs et ses 200 000 Palestiniens, est un test pour l’avenir des relations entre les deux peuples sous le prochain gouvernement.

Certains des visages de la nouvelle administration du Premier ministre Benjamin Netanyahu sont familiers à Hébron. Itamar Ben Gvir et Orit Strook sont tous deux résidents de la colonie d’extrême droite voisine de Kiryat Arba et harcèlent et agressent des Palestiniens depuis des décennies.

Netanyahu a donné à Ben Gvir la compétence de faire ce qu’il veut, et ce qu’il veut, c’est que nous partions », a déclaré Alazza cette semaine, depuis le balcon où elle a été frappée.

Le gouvernement le plus à droite et le plus favorable aux colons de l’histoire d’Israël a prêté serment pendant l’une des années les plus meurtrières pour les Israéliens et les Palestiniens. Depuis le printemps dernier, une série d’attaques palestiniennes dans les villes israéliennes et dans de nombreux postes militaires a été suivie de raids militaires israéliens quasi quotidiens en Cisjordanie, faisant au moins 150 morts parmi les Palestiniens et 31 parmi les Israéliens.

Pour le militant Tal Sagi, cependant, la violence et la détérioration des relations ont eu un effet secondaire positif : les Israéliens prêtent à nouveau attention à l’occupation.

L’ancien soldat du groupe anti-occupation Breaking the Silence a déclaré que de nombreux Israéliens sont choqués par les images provenant d’Hébron, où, le jour même de la nomination de Ben Gvir à la tête du ministère élargi de la sécurité nationale, des soldats israéliens ont violemment affronté des militants israéliens de gauche.

Des vidéos virales montrent un soldat plaquant un activiste au sol et le frappant à plusieurs reprises, et un autre, de la même unité, déclarant : « Ben Gvir va mettre de l’ordre dans tout cet endroit. … Tu es foutu. … Tu as fini de faire de cet endroit ton ‘bordel’. »

« Il y a quelque chose de bon dans le fait qu’Hébron soit dans les nouvelles », a déclaré Sagi, qui a grandi dans une colonie de Cisjordanie et a ensuite fait son service à Hébron. « Il y a tellement de normalisation, tellement de silence que de nombreux Israéliens – des gens que je connais – ne sont même pas conscients que des pans entiers de terre et des groupes de personnes sont sous contrôle militaire israélien. »

Le chef du sionisme religieux, Bezalel Smotrich, se verra accorder le contrôle du ministère de la défense, ainsi que l’accès à des milliards de shekels en tant que chef suppléant du ministère des finances. Il s’est engagé à inscrire dans la loi les droits des résidents de toutes les colonies, notamment pour faciliter la poursuite de la construction en Cisjordanie.

Smotrich et Ben Gvir étaient tous deux soupçonnés d’être impliqués dans le terrorisme dans leur jeunesse, soutenant des attaques contre des Palestiniens et des politiciens israéliens qui cherchaient à signer des accords de paix pour mettre fin au conflit.

« Je vais m’assurer qu’Israël assume la responsabilité de la Judée et de la Samarie », a déclaré Smotrich à la radio 103fm lundi, en utilisant le nom biblique de la Cisjordanie. Il a ajouté que les administrations précédentes ont « étouffé » la croissance de la population de colons, forte d’un demi-million de personnes.

Harel Chorev, chercheur au Centre Moshe Dayan d’études moyen-orientales et africaines de l’Université de Tel Aviv, a déclaré que bien que le bloc du sionisme religieux représente une petite minorité de l’électorat israélien, avec seulement 14 sièges à la Knesset de 120 membres, son rôle essentiel dans la prochaine coalition lui donnera un pouvoir démesuré.

« Ils sont une minorité, mais une minorité déterminée et dogmatique, qui pense être les pionniers de la nouvelle frontière », a-t-il déclaré. « Ils seront en mesure de dicter la politique dans une lutte territoriale, dans laquelle ils veulent limiter la capacité de leurs adversaires à s’étendre. »

Un ancien haut fonctionnaire du COGAT, l’agence militaire israélienne responsable des affaires civiles en Cisjordanie occupée, qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat pour parler de questions militaires sensibles, a qualifié l’autorité attendue du sionisme religieux en Cisjordanie « d’annexion rampante, qui enlève toute option pour une solution à deux États. »

Smotrich et Ben Gvir, a-t-il dit, « pourraient provoquer toutes sortes d’explosions ».

Issa Amro, un activiste palestinien qui organise des visites pour attirer l’attention sur l’occupation, a déclaré que ces explosions se produisaient déjà à Hébron, ce qui, selon lui, devrait servir d’avertissement pour le reste d’Israël.

« Au cours des deux dernières années, on a assisté à une hébronisation progressive du reste d’Israël », a-t-il déclaré lors de sa première tournée depuis sa libération d’une détention intermittente d’une semaine pour avoir filmé la vidéo du soldat qui est devenue virale.

Alors qu’il marchait dans les rues avec son groupe, Amro a été confronté à un jeune colon qui l’a harangué. Alors qu’Amro s’éloignait, l’homme lui a crié à plusieurs reprises : « Où est-ce que tu t’enfuis, Issa ? ».

« Pendant des années, nous avons connu l’oppression et la brutalité, mais maintenant il y a aussi le fascisme dans le prochain gouvernement, et cela rend plus difficile pour tout le monde de fermer les yeux », a déclaré Amro, luttant pour se faire entendre par-dessus les cris du colon.

La visite a ensuite tourné au coin de la rue Shuhada, qui était autrefois le cœur animé de la vieille ville et qui est maintenant une ville fantôme de bâtiments fermés. À l’une des extrémités se trouve le poste de contrôle de Bab al-Zawiyah, où, depuis la victoire de la droite aux élections, l’attente des Palestiniens qui rentrent en ville après le travail ou les courses peut durer jusqu’à six heures.

Une mitrailleuse télécommandée pouvant être chargée de grenades assommantes, de balles à bouts éponge et d’autres outils anti-émeutes a été fixée au niveau supérieur de la barrière en septembre. Pendant des semaines, les Palestiniens qui passaient en dessous ont cru qu’il s’agissait d’une simple caméra.

Soudain, un officier de police soutenu par deux véhicules blindés s’arrête autour d’Amro et de son groupe et l’informe qu’il est détenu. Le colon en colère de tout à l’heure les avait appelés, affirmant qu’Amro violait un ordre d’éloignement censé lui interdire l’accès à la ville.

« Nous ne voulons pas que vous fassiez des problèmes ou des provocations », a déclaré l’officier israélien, dont la main tremblait lorsqu’il a rendu les cartes d’identité du groupe après avoir enregistré les numéros et laissé la visite reprendre.

« Est-ce une provocation pour moi de discuter de mes propres droits ? » demande Amro à plusieurs reprises. L’officier l’a ignoré.

Fatima AbdulKarim à Hébron a contribué à ce reportage.

Shira Rubin est une journaliste du Washington Post basée à Tel Aviv. Elle couvre l’actualité en Israël, dans les territoires palestiniens et dans la région, en mettant l’accent sur la politique, la culture, la science et la santé des femmes.

*Source : Agence Media Palestine

Trad. A.G pour l’Agence Média Palestine

Version originale : The Washington Post

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