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La réponse de l’Iran à l’attaque de Daech : « Et alors ? »


Par Ramin Mazaheri

Source : http://thesaker.is/irans-response-to-isil-attack-haha-that-was-nothing

Traduction : http://sayed7asan.blogspot.fr

Donc Daech prétend avoir réalisé sa première attaque en Iran. La réponse en Iran semble être : « Et alors ? »

Malgré le fait que l’attaque soit survenue près de l’aéroport international de Téhéran, il n’y a eu aucune perturbation des vols. Les citoyens ont été invités à ne pas prendre le métro, mais il n’y a eu aucune fermeture ou blocage. Il n’y a pas eu de loi martiale. Pas même la déclaration d’un état d’urgence. Aucune liberté civile n’a été restreinte. Aucun Patriot Act n’est en cours d’élaboration. Il n’y a pas eu d’élargissement des pouvoirs de l’exécutif.

Malgré une attaque survenue près du Parlement, les législateurs ont continué à vaquer à leurs occupations, alors même que des échanges de coups de feu avaient lieu dans les bâtiments avoisinants. La diffusion en direct de la séance parlementaire n’a même pas été interrompue.

Des politiciens assez courageux, hein ? Je suppose que leurs électeurs se disent qu’ils ont fait un bon choix.

(Les gens pensent qu’il est si courageux d’aller en guerre l’arme au poing : mais il est beaucoup plus difficile d’être ce gars qui porte seulement un drapeau – tout ce qu’ils ont, c’est la croyance et l’abnégation.)

Les commentateurs étrangers parlent de la façon dont l’Iran a finalement été ciblée avec succès par Daech, comme si nous [Iraniens] devions avoir peur maintenant.

C’est vraiment improbable.

La raison est simple : la plupart des Iraniens d’aujourd’hui ont combattu, survécu ou grandi pendant la guerre traditionnelle la plus mortelle jamais menée entre les armées régulières de pays en développement – la guerre Iran-Irak de 1980-1988.

Peut-être qu’il s’avèrera que j’ai tort, car j’écris ceci seulement quelques heures après que l’attaque ait été neutralisée, mais j’en doute. Je connais l’Iran et je suis persuadé que les terroristes ne gagneront pas en nous effrayant et nous acculant à vivre de manière soumise.

Donnez-leur du temps et je prédis que les commentateurs occidentaux finiront par admettre leur incompréhension face au fait que le gouvernement iranien n’utilise pas cet acte terroriste comme moyen d’accroître son propre pouvoir et de contrôler la population – après tout, ils ont été si incroyablement efficaces !

Cette attaque aide l’Occident à montrer à quel point ses réponses sont disproportionnées

Mais une telle réponse (« On continue comme si de rien n’était ») est impensable en Occident. Bien sûr, le Royaume-Uni invite à « Rester calme et continuer à vivre normalement », mais nous savons tous que ce n’est qu’un slogan vide destiné aux consommateurs.

Sans blague, la BBC a même faussement rapporté : « Cependant, des responsables ont annoncé un état d’urgence à l’échelle nationale en réponse aux attaques. » Je suppose qu’ils pensent avec arrogance que nous continuons à les suivre aveuglément ? Non pas que ce mauvais journalisme puisse ternir leur réputation, bien sûr…

Et qu’est-ce qui se passe aux États-Unis ? Eh bien, souvenons-nous de l’attentat du marathon de Boston : un verrouillage total de la ville. L’ensemble du système de transport urbain a été fermé. 19 000 troupes de la garde nationale ont occupé la ville.

« Des véhicules blindés roulant à vive allure ont parcouru des quartiers résidentiels en long et en large. Des innocents ont été confrontés dans leurs maisons par un fusil d’assaut ou ont vu des armes pointées sur eux pour avoir simplement regardé à travers les rideaux de leurs propres fenêtres », se souvient The Atlantic. (Bien sûr, le journal a totalement exonéré les autorités, en écrivant : « Que personne ne les condamne »).

Et pourtant, cet incident a inspiré la phrase « Boston Strong » (« Boston est fort »).

LOL, je suppose que cela signifie être fort derrière vos portes verrouillées ? Forte comme « les fiers-à-bras d’internet », avec leurs rodomontades menaçantes et ineptes balancées en ligne ?

Attention, je n’insulte certainement pas les Bostoniens de lâches. Je sais exactement pourquoi ils sont restés à la maison – ils craignaient d’être arrêtés. Ils savaient que s’ils n’obéissaient pas, ils seraient jetés en prison et que la clé de leur cellule serait jetée aux oubliettes, pour la raison suivante : c’est ça l’Amérique !

Les Bostoniens ne craignaient pas les terroristes – ils craignaient la police. Ils craignaient le système judiciaire. Ils craignaient une armée domestique prête à attaquer sans préavis et le système juridique prêt à l’exonérer.

Bien sûr, les médias dominants ne disent jamais cela. L’Américain moyen ne veut même pas l’accepter, car cela causerait une grande honte. Mais ça reste tout à fait vrai.

Les Bostoniens se seraient probablement tous courageusement réunis à Harvard Square contre le terrorisme… s’il y avait de véritables dirigeants. Mais il n’y en a pas. A de tels moments, les dirigeants se terrent dans leurs bunkers : « Je suis trop important », l’essence même de l’individualisme occidental.

Qu’en est-il de la France ? LOL, un état d’urgence de six mois a été déclaré à 4 heures du matin après l’attaque du camion de Nice, et ce n’était même pas le terrorisme [international], mais l’acte solitaire d’un détraqué sans liens avec les organisations terroristes.

Vous vous réveillez et : « Ah, bon? Davantage de dictature d’État policier, juste un niveau en-dessous de la loi martiale ? Oh, bon, nous avons quand même des croissants pour le petit déjeuner… »

Et quelqu’un va-t-il prétendre que c’était une opération sous « faux drapeau », comme cela est habituellement répandu en Occident ? Vous n’entendrez que des exilés iraniens amers pour faire de telles déclarations. Pouvez-vous imaginer qu’un cubain dise une telle chose à l’encontre de son gouvernement juste et populaire ? Très difficilement.

Comme je l’ai montré, l’Iran est effectivement une nation socialiste, alors peut-être que c’est l’idée d’une « guerre sociale permanente » qui renforce la colonne vertébrale de l’Iran contre l’abandon de nos libertés démocratiques ? Nous en avons certainement besoin contre les capitalistes et les impérialistes qui occupent presque tous nos voisins, ainsi que beaucoup d’autres pays.

L’Iran n’a pas besoin d’utiliser de telles tragédies pour terroriser sa propre population, parce que l’Iran n’essaie pas de terroriser quiconque où que ce soit. L’Iran combat véritablement le terrorisme – en Afghanistan, en Irak, en Syrie et en Palestine.

Il ne fait aucun doute que la manipulation des attaques terroristes pour étouffer la démocratie est ce qui se passe dans les pays occidentaux, et la question est pourquoi ? Je dirais que l’Occident a vraiment peur de voir remis en cause son modèle social en raison des actions illégitimes à répétition de ses dirigeants.

Et pourquoi ne pas le remettre en cause, dans cet âge d’austérité sans fin, d’inégalités béantes, de xénophobie rampante et d’avenir morose ?

Mais le gouvernement iranien n’a pas de telles craintes, car le peuple le considère comme légitime.

L’Occident ne comprend pas du tout l’Iran

Le correspondant principal du New York Times en Iran est Thomas Erdbrink – ne vous tournez pas vers lui pour une compréhension de l’Iran, même s’il y est basé depuis 2002.

Il ne se rendra pas compte que cette attaque terroriste n’est rien pour ceux d’entre nous qui appartiennent à la « Génération brûlée ».

Qu’est-ce que c’est que ça ? Eh bien, d’après ce qu’il a écrit en 2012, ma génération, « se dénomme la ‘Génération brûlée’, car elle sent qu’elle est perdante sur le cours naturel de la vie. Alors que la génération de ses parents a réussi à trouver un emploi, à se marier et à acheter des maisons, les ambitions de cette génération ont été très limitées par les décisions politiques des dirigeants iraniens et les pressions étrangères qui ont suivi. »

Non : Nous nous désignons comme ça parce que nous avons été brûlés par des armes chimiques pendant la guerre Iran-Irak. Cette génération a grandi en période de guerre et a vu des atrocités.

C’est triste de voir à quel point les gens peuvent être à côté de la plaque.

C’est presque de la négligence criminelle : être considéré comme un journaliste « de haut niveau » et comprendre si mal quelque chose de si important. Vous pouvez voir pourquoi je n’ai pas oublié, après cinq ans, son ignoble envolée.

Parce que je pense que, après avoir vécu 15 ans en Iran et avoir épousé une femme iranienne, il connaît la vraie définition de la « Génération brûlée ». Mais je pense qu’il l’a tourné de cette façon pour pousser son agenda capitaliste et impérialiste et plaire à ses patrons pro-sionistes.

Je suis surpris qu’il soit toujours toléré en Iran. C’est une chose de faire du journalisme critique, mais quand vos reportages sont tellement faux, vous n’êtes plus un journaliste mais un propagandiste.

Ce n’est pas comme si Erdbrink était seul, et il n’est certainement pas aussi seul que lorsque l’Iran combattait l’Irak. À l’époque, même l’URSS armait l’Irak.

Fawaz Gerges, Professeur de relations internationales à la London School of Economics, a déclaré à CNN : « Le message est fort et clair : ces personnes attaquent la légitimité de la République Islamique », a déclaré M. Gerges.

Comment une attaque terroriste salafiste pourrait-elle ne serait-ce qu’évoquer la question de la légitimité du gouvernement iranien ? Tout comme en Syrie, les médias occidentaux considèrent Daech comme des combattants de la liberté… lorsqu’ils s’opposent à un gouvernement moderne dans un pays musulman.

Mais absolument personne ne vous croit à l’intérieur de l’Iran, Gerges. En dehors de l’Iran, vos idées ont été retweetées par des officines comme France 24 (gérée par l’État français), parce que tous les médias occidentaux dominants abhorrent le choix démocratique du peuple iranien et utiliseront tout prétexte pour attaquer sa légitimité.

Franchement, l’investissement intelligent serait de tabler sur l’idée que ce n’était même pas Daech.

Cela importe-t-il si c’était Daech ? Qui est derrière Daech est la seule question qui compte, n’est-ce pas ?

Était-ce vraiment Daech ? J’en doute. Je parie que c’était le MKO, l’organisation Mujaheedin Khalq (voici un article que j’ai écrit à leur sujet il y a des années, et qui a été efficacement effacé de Google), parce que c’est ce qu’ils ont toujours fait, comme pour les assassinats de scientifiques nucléaires de haut niveau, après avoir été entraînés par le Mossad.

Ce culte insensé n’a aucune crédibilité en Iran parce qu’il a combattu AVEC Saddam Hussein et contre l’Iran pendant la guerre Iran-Irak… intégrez bien cela, et leur manque de crédibilité domestique est assez facile à comprendre, hein ?

Mais ils ont effectivement des passeports iraniens, parlent la langue, savent comment circuler et procéder, peuvent s’insérer, etc. L’un des terroristes aurait même ingéré du cyanure pour se suicider, comme c’est souvent le cas avec le MKO, quand ils ne s’immolent pas par le feu dans des capitales à travers l’Europe.

Le mausolée de l’Imam Khomeini a été attaqué auparavant – par un kamikaze en 2009. C’était probablement le MKO cette fois aussi. C’était d’autant plus dommage que je venais de m’y rendre durant des travaux d’expansion et d’embellissement majeurs du site.

Le kamikaze ne les a pas empêchés – il n’a fait que les ralentir. Ce sera la même chose en 2017.

Quoi qu’il en soit, considérons que Daech soit finalement entré en Iran. Qui les aide à s’y rendre ?

Selon le Guide Suprême iranien Ali Khamenei, « Daech, idéologiquement, financièrement et logistiquement, est pleinement soutenu et parrainé par l’Arabie Saoudite – c’est une seule et même chose. »

Nous savons tous cela. Du moins en dehors de l’Occident.

L’Iran comprend ce qu’est le fascisme, pas l’Occident

La veille des attaques en l’Iran, un policier a été attaqué avec un marteau à la cathédrale Notre-Dame de Paris. 600 personnes ont été retenues à l’intérieur de Notre-Dame et obligées de garder les mains en l’air. En voilà une anecdote touristique hors norme….

Les journalistes français m’ont exhorté à abandonner ce que je faisais – couvrir le recul droitier imposé par Emmanuel Macron au code du travail – pour couvrir cette histoire. Même pas en rêve….

Bien sûr, attaquer un policier armé avec un marteau et deux couteaux de cuisine est la définition de la folie, mais l’homme a crié « C’est pour la Syrie. »

Et pourtant, un journaliste anglophone local a pu écrire : « Les motivations de l’homme armé du marteau sont inconnues… »

Eh bien, si les journalistes n’ont toujours pas compris que ce n’est pas l’Islam qui est en cause, mais bien la politique étrangère de la France, après que la même chose ait été évoquée par les frères Kouachi, Amedy Coulibaly et presque tous les autres terroristes français locaux depuis 2012… pourquoi devrais-je espérer qu’ils le comprendront maintenant ?

Et c’est la même chose que le lien entre l’Arabie Saoudite, l’Occident et Daech : un aveuglement volontaire. Mais c’est aussi de l’apathie : les gens préfèrent des prix bas à la pompe à essence plutôt que d’obliger leurs politiciens à cesser de soutenir l’organisation fasciste Daech.

La Génération brûlée d’Iran et la génération précédente savent ce que sont la guerre et le fascisme. Les gens se demandent pourquoi nous avons des photos de soldats morts partout – ce n’est pas [seulement] pour glorifier nos martyrs, c’est pour montrer aux jeunes que la guerre est une chose réelle. Car une fois qu’ils oublient ou comprennent mal… [les risques sont décuplés].

L’Occident ne comprend pas le fascisme – il est même prêt à l’élire démocratiquement au pouvoir en Europe. Aux États-Unis, un fasciste a déjà gagné.

Ils ne comprennent pas la guerre : la France a mené des dizaines de guerres depuis la Seconde Guerre mondiale, toutes initiées par la France et se déroulant en territoire étranger. Les États-Unis n’ont pas eu de guerre dans leur pays depuis 1865, et leur idée de la guerre est donc déformée par une ignorance bienheureuse.

L’Iran sait ce qu’est la guerre, et n’est pas prêt de se mettre sur un pathétique pied de fausse-guerre après des attaques terroristes relativement insignifiantes, contrairement à ce qu’on fait ces deux nations.

La réponse correcte : cette attaque était « insignifiante »

L’Occident a largement cité le Président du parlement iranien Ali Larijani pour avoir considéré les attaques comme une « affaire insignifiante » prise en charge par les forces de sécurité.

Je suppose que c’est pour le décrire comme quelqu’un de cruel ou d’impitoyable, ou, la pire des choses en Occident aujourd’hui, d’insensible aux sentiments des autres.

Mais les Iraniens savent exactement ce qu’il voulait dire : une attaque terroriste isolée n’est pas la même chose que la guerre. Désolé de faire éclater les bulles des faucons des médias sur leurs fauteuils et des généraux occidentaux écumant qui meurent d’envie de jouer avec leurs nouveaux jouets modernes, mais cette attaque n’est qu’un pâle et éphémère fac-similé de la guerre.

Et malgré ce que l’Occident souhaiterait que les Iraniens croient après cette attaque, nous ne serons pas dupés et amenés à penser que tout notre modèle social peut être remis en question par des terroristes salafistes. Qui sont-ils pour remettre en question notre société, LOL ? Quoi qu’il en soit, il y a des problèmes beaucoup plus pressants : l’éducation, les soins, les salaires, la protection des travailleurs, etc., qui touchent absolument chaque personne pour toute sa vie. Toutes mes condoléances aux victimes et à leurs proches, bien sûr.

Si la France veut jeter ses droits légaux par la fenêtre pour ce qui équivaut à une mauvaise journée en Afghanistan, en Irak ou en Syrie, [des sociétés véritablement en guerre], c’est leur choix. Mais s’il vous plaît, ne vous attendez pas à ce que l’Iran fasse de même.

C’est une chose terrible, 12 personnes décédées et des dizaines de victimes (jusqu’à présent). Mais je pense que beaucoup de personnes en Iran regardent l’Irak, l’Afghanistan, la Syrie, la Libye, la Palestine, le Mali, la République centrafricaine… ainsi que les États-Unis, la France et le Royaume-Uni… et se disent : cela pourrait être pire, bien pire.

J’aurais encore bien des choses à dire, mais je veux m’assurer d’avoir un bon siège au Champs de Mars ce soir pour voir la Tour Eiffel changer de couleur. Elle ne ressemblera pas au drapeau iranien, bien sûr. Je me dis juste que puisque la Tour Eiffel s’est fameusement assombrie quand Al-Qaïda a finalement été expulsé d’Alep, Paris voudra pleurer l’échec constitué par le fait que l’Iran n’a pas été vaincu par le terrorisme et arborera la couleur de Daech – le noir.

Ramin Mazaheri est le correspondant principal de Press TV à Paris et vit en France depuis 2009. Il a été journaliste quotidien aux Etats-Unis et a exercé en Egypte, en Tunisie, en Corée du Sud et ailleurs. Ses articles ont été publiés dans divers journaux, revues et sites Web, et il apparaît à la radio et à la télévision.

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