LE CALVAIRE DU PEUPLE SYRIEN : Un espoir pour une sortie du tunnel ?
mars 4, 2012
4 mars 2012 par Prof. Chems Eddine Chitour
Appel aux Opposants :« Assez ! Assez ! Assez ! Pourquoi donc, mes frères dans l’opposition, voulez-vous réduire votre pays en cendres ? Pourquoi voulez-vous verser le sang ? » Appel au président Assad à éliminer la corruption, « afin que ceux qui veulent détruire notre nation n’aient plus de prétexte à avancer ».
Ahmed Badr al-Din Hassoun, grand mufti de Syrie.
Une dépêche « anodine » de Reuters nous apprend que l’armée syrienne a repris le quartier de Bab Amro. Cette information importante a été donnée d’une façon banale sans analyse. Nous lisons : « Les insurgés syriens se sont retirés jeudi de Bab Amro, quartier de Homs devenu le symbole du soulèvement contre le régime de Bachar al Assad, après 26 jours de bombardements. Les forces gouvernementales, qui ont lancé l’assaut terrestre la veille, sont désormais à la poursuite des combattants restés pour couvrir le ´´retrait tactique´´ de leurs camarades, rapportent des opposants, qui font état de 17 morts parmi eux. « C’est le début de la victoire finale sur le complot qatari, saoudien, français, américain et sioniste contre la Syrie », a affirmé Taleb Ibrahim, un commentateur syrien proche du pouvoir, selon lequel l’armée ´´a brisé les reins´´ de l’insurrection ». (1)
« Peu après l’annonce du retrait des insurgés, le Comité international de la Croix-Rouge (Cicr) a dit avoir reçu le feu vert des autorités syriennes pour se rendre dès vendredi à Bab Amro.L’organisation internationale et le Croissant-Rouge syrien vont pouvoir y apporter vivres et médicaments, et procéder aux évacuations nécessaires, s’est félicité un porte-parole, soulignant la nécessité de mettre en place un cessez-le-feu quotidien de deux heures. » (1)
Nous apprenons donc qu’il y avait bien des insurgés qui se battaient contre le pouvoir. Ces insurgés étaient appelés selon différentes terminologies : Armée syrienne libre, militaires déserteurs. Nous apprenons aussi que le Cicr a pu rentrer dans le quartier à Homs. Ce n’était donc pas l’armée syrienne régulière qui empêchait les humanitaires de faire leur travail.
L’acharnement occidental contre la Syrie
Pour rappel, la Syrie a vu une mobilisation arabe sans précédent que l’on a jamais vu auparavant. Peut-on dire que la Ligue arabe ou plutôt égyptienne s’est convertie en organisation humaniste, qui respecte la dignité des Arabes au point de les défendre et de se réunir d’une façon ininterrompue pour le bien des Syriens qu’elle veut voir débarrasser du tyran syrien. Malheureusement, il n’en n’est rien. Cette organisation qui n’en finit pas de mourir s’est définitivement discréditée en acceptant l’humiliation d’être sous-traitante des pays occidentaux qui lui ont intimé de rassembler tous les potentats et autres révolutionnaires printaniers de la vingt-cinquième heure parfumés au jasmin ou aux vapeurs du narguilé pour diaboliser le régime syrien qui, selon le scénario occidental, a vocation à tomber pour parachever l’architecture de nouveaux accords Sykes-Picot où nous retrouvons les nouveaux Sykes et Picot en la personne de William Hague et Alain Juppé toujours imbus de détenir le droit, la norme un siècle après.
Fadia Arkoub, dans une analyse fine, documentée qui fait appel à l’histoire, la littérature, la révolution française, retourne comme un boomerang cette sollicitude -à géométrie variable- de la Ligue arabe pour les causes humanitaires et décortique son comportement erratique depuis le début du complot. Nous lisons : « Avec beaucoup de ténacité, une soixantaine de pays occidentaux et d’autres arabes se réunirent à Tunis – devenu La Mecque des révolutionnaires printaniers – pour une conférence internationale sur la Syrie ; et cela dans le but d’exprimer, au peuple syrien égorgé par le « Vampire de Damas », leur amitié chaleureuse. C’est encore une chose devenue universellement connue, qu’après divers échecs, les impliqués dans la conjuration contre la Syrie, à leur tête les émirs et sultans de la péninsule Arabique, qui, dépourvus de toute qualité leur permettant de s’élever au rang des Archanges gardiens des droits de l’homme, cherchent à se rassembler sur la scène internationale, la voix et le poing levés, pour proférer de nouvelles menaces au président syrien, Bashar al-Assad, et pour lui promettre de nouvelles séries de sanctions et de pressions pour qu’il leur cède la Syrie. (…) Au préalable, la campagne politique contre la Syrie a atteint son « pinacle », le deuxième jour du mois d’octobre, date de la naissance du misérable « Conseil national syrien » et de l’élection de son président, monsieur Burhan Ghalioun ».(2)
Poursuivant la description de la conjuration, Fida Arkoub écrit : « (…) deux jours plus tard, le 4 octobre, la Sainte-Alliance arabo-atlantique chevaucha au secours du CNS et présenta un projet de résolution au Conseil de sécurité, incriminant le président syrien et ouvrant la porte à une intervention militaire en Syrie. Heureusement, ce projet fut arrêté par l’opposition du double veto chinois et russe, qui tomba comme une bourrasque sur la tête de la Sainte-Alliance. (…) M.Juppé assura que « la lutte des démocrates syriens pour la liberté est un juste combat », et a appelé le président Bachar al-Assad à quitter le pouvoir ».(2)
Comparant la Ligue arabe au rôle évanescent de l’assemblée afghane a, elle, écrit : « Après ce premier échec de la diplomatie arabo-atlantique, la Ligue arabe, dont le rôle et le poids furent réduits à un simple conseil Loya Jirga rassemblant les émirs et sultans du « Conseil de coopération du Golfe » (CCG), réussit, le 19 décembre, à pousser le régime syrien à signer un nouveau protocole de cessez-le-feu, de retirer l’armée des villes et de faciliter un déploiement d’observateurs arabes dans les zones de troubles. (…) Il n’est plus secret que le dossier syrien fut transféré d’une organisation internationale – le Conseil de sécurité – à une organisation régionale déchirée par des conflits d’émirs et de sultans – la Ligue arabe. (..)Le 23 décembre 2011, des installations des services de sécurité syriens à Damas furent la cible de deux attaques terroristes. Quarante-quatre personnes furent tuées et 166 autres blessées. « La main d’Al Qaîda était derrière » ces attentats, selon un communiqué du ministère de l’Intérieur. Deux semaines plus tard, le 6 janvier, Damas fut de nouveau la cible d’un attentat suicide faisant 26 morts et 63 blessés. » De surcroît, l’aggravation militaire sur le terrain fut accompagnée par une nouvelle tentative de la part de la Sainte-Alliance arabo-atlantique à faire passer, le 4 janvier, un nouveau projet de résolution au Conseil de sécurité. Le projet fut de nouveau opposé par un double veto sino-russe. Suite à ce nouvel échec, une pluie de colère frappa les capitales occidentales ainsi que la péninsule Arabique dont le climat était d’une nature désertique. (…) Susan Rice, se sentit « dégoutée » de la position russe et chinoise ; de son côté, le ministre français de la Défense, Gérard Longuet, décrit la Russie et la Chine comme des pays qui « méritent des coups de pied au cul. » (2)
Fida Arkoub rappelle aux roitelets du Golfe et autres potentats leur lâcheté concernant Israël et sa politique inhumaine contre les Palestiniens. Elle écrit : « Plus loin vers l’Orient, les émirs et sultans arabes ainsi que les califes ottomans se réveillèrent brusquement d’un long sommeil « centenaire », pour réaliser la nécessité de réformer le droit au veto au sein du Conseil de sécurité. Tragiquement, deux cents vetos états-uniens opposés aux projets de résolutions visant la protection du peuple palestinien de l’atrocité de la soldatesque israélienne ne suffisaient pas pour que les crocodiles turcs et arabes versassent leurs larmes sur le Prométhée palestinien enchaîné. » Douze jours après l’opposition par la Russie et la Chine, le 16 février, le groupe arabe à l’Assemblée générale de l’ONU présenta au vote un texte de résolution condamnant la Syrie. L’Assemblée l’adopta à une écrasante majorité, malgré l’opposition de Moscou et de Pékin. Pourtant, cette « victoire » restait illusoire, car la résolution n’avait qu’une portée essentiellement symbolique. Le groupe arabe le savait bien, surtout que les tiroirs de l’Assemblée générale sont pleins, jusqu’à présent, de textes pareils dénonçant l’atrocité israélienne contre le peuple palestinien, depuis 1947 ». (2)
Fida Arkoub décrit enfin la mascarade tunisienne : « Ainsi se réunirent les révolutionnaires printaniers et leurs parrains arabo-atlantiques, « amis de la Syrie », dans une salle de conférences à Tunis, le 24 février. Dans la déclaration finale, les conférenciers appelèrent la Syrie à « cesser immédiatement toute forme de violence » et s’engagèrent à prendre « des mesures pour appliquer et renforcer les sanctions sur le régime ». Le groupe d’« amis » réaffirma aussi « son attachement à la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de la Syrie » et souligna la nécessité d’une « solution politique » à la crise. » (2)
L’implication des nations étrangères au conflit
En fait, la situation est confuse et la reprise en main par l’armée de Homs et des autres foyers de « combattants insurgés » aidée par les mercenaires occidentaux est en train de changer la donne diplomatique. On sait que des militaires turcs ont été arrêtés et pire encore, Thierry Meyssan, du Réseau Voltaire, nous apprend qu’il y aurait des militaires français détenus par l’armée syrienne. On lit : « Thierry Meyssan révélait sur la première chaîne de télévision russe que la Syrie avait fait prisonniers une douzaine de militaires français. Le Réseau Voltaire est en mesure de confirmer qu’au 26 février, le nombre de prisonniers français s’élève à 18 (dix-huit). Le Réseau Voltaire a aussi appris de source sûre qu’un autre agent français a été fait prisonnier par l’Armée nationale syrienne, lundi 27 février 2012, à Azouz (district d’Idlib, à proximité de la frontière turque). » (3)
« Si Paris admet qu’ils ont agi en mission, ils bénéficieront du statut des prisonniers de guerre et seront protégés par la Convention de Genève, mais si Paris dénie les avoir envoyés, ils seront considérés comme des civils étrangers, ils seront jugés en Syrie pour leurs crimes et encourent la peine de mort. La France a ouvert trois canaux de négociation via la Fédération de Russie, les Émirats arabes unis et le Sultanat d’Oman. L’ambassadeur de France, Éric Chevallier, est reparti le 23 février d’urgence à Damas. Kofi Annan a été appelé comme médiateur par l’ONU et la Ligue arabe. (…) Dans la guerre secrète contre la Syrie, la France et ses alliés sont responsables d’un conflit ayant entraîné la mort d’au moins 3000 soldats syriens et 1500 civils, auxquels s’ajoutent des pertes économiques et des sabotages d’infrastructures estimés à au moins 3 milliards de dollars. » (3)
L’ONU, qui a perdu son âme il y a bien longtemps, nous l’avons vu avec le calvaire palestinien, parle de massacres imputés à El Assad. En effet, le rapport de l’ONU et les reportages des médias accusent les autorités syriennes de crimes contre l’humanité sans détenir beaucoup de preuves factuelles. Ils accordent plus de crédibilité à des témoignages de l’opposition souvent impossibles à vérifier qu’à des données précises fournies par les autorités, tout en ignorant le rôle des groupes armés dans le meurtre de civils et des forces de l’ordre et persistent à parler de « manifestations pacifiques.
Une résolution humanitaire cette fois ?
En fait le deuxième veto sino-russe sonne comme un coup d’arrêt à l’expansion sans fin de l’hégémonie occidentale. Le discours commence à s’infléchir et les Occidentaux pensent pouvoir faire passer une résolution humanitaire. Nous lisons dans une contribution de Louis Charbonneau de l’Agence Reuters : « Les Etats-Unis ont rédigé les grandes lignes d’une nouvelle résolution du Conseil de sécurité de l’Onu demandant un accès sans entrave aux agences humanitaires dans plusieurs villes de Syrie et appelant à la fin des violences, rapportent des diplomates occidentaux. L’initiative américaine survient après le veto opposé à deux reprises par la Chine et la Russie à des résolutions qui condamnaient la répression du mouvement de contestation du régime de Bachar al Assad et qui réclamaient la fin des violences. En mettant en avant l’aspect humanitaire de la crise syrienne, les pays arabes et occidentaux espèrent convaincre Pékin et Moscou de ne pas faire obstacle à ce nouveau projet de résolution alors que les violences se poursuivent en Syrie. Selon un diplomate occidental, une résolution humanitaire pourrait permettre de rallier tous les membres du Conseil de sécurité. La Russie, souligne-t-on, s’est dite prête à soutenir une résolution qui se concentrerait sur l’aspect humanitaire de la crise et qui laisserait de côté le volet politique. » (4)
S’agissant du rôle peu enviable de la Ligue arabe, il faut rappeler que pendant les derniers massacres de 2009, la Ligue arabe n’a pas bougé, n’a pas demandé de zones d’exclusion aérienne comme elle s’est empressée de le faire pour la malheureuse Libye et comment elle se découvre une âme humaniste concernant le sort des Syriens. Un tournant ? C’est ainsi que l’on peut qualifier cette victoire de l’armée régulière. La prise de Homs sonnera donc comme un répit pour Bachar al Assad, qui reste convaincu de conserver le pouvoir, a ajouté ce responsable libanais.
Par ailleurs, les médias occidentaux ont fait preuve d’un silence assourdissant concernant les élections pluralistes qui se sont déroulées. Par contre, le sort d’une journaliste blessée – on ne sait par qui – là où elle ne devait pas y être entrée illégalement, a défrayé la chronique au point qu’on mobilise les médias entiers pour la montrer en boucle en train de parler et ayant tous ses moyens pendant que les vrais blessés et les vraies détresses qui se comptent par milliers sont absentes de l’empathie occidentale.
On retiendra que les jacqueries arabes connaîtront à coup sûr un point final. Pour la première fois l’Occident est arrêté dans sa course à l’empire. Cependant, le drame du peuple syrien reste entier. Si la Syrie reste debout, et ce sera une bonne chose comparée au chaos irakien, libyen soudanais, yéménite, il est impératif que des élections transparentes aient lieu et que l’alternance soit consacrée. El Assad doit avoir la vision du futur s’il veut rester dans l’Histoire, il doit organiser une transition en douceur dans les meilleurs délais en dehors naturellement des ingérences étrangères, notamment des potentats du Golfe.
Professeur Chems eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz