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Le CNS première victime de la lutte armée ?


Par Droits réservés, le 5 mars 2012 

 
 

Burhan Ghalioun voulait renverser Bachar, il risque d’être renversé par ses amis !

L’ancien diplomate Ignace Leverrier, connu pour sa désinformation pro-opposition qu’il exprime au travers d’un blog hébergé par Le Monde, consacre ce lundi 5 mars un long article aux dissensions « au sein et autour » du CNS à propos de l’ASL et de l’action armée en général. Leverrier examine les motivations et le conséquences de la création, le 1er mars, d’un « bureau militaire consultatif » du CNS, chargé de « superviser, organiser et unir les rangs de l’ASL« .

C’est donc que la création de ce « bureau » répond à un problème. A des problèmes, plutôt, que Leverrier évoque sur un ton et avec des mots un rien jésuitiques. Le premier problème, c’est la « prolifération » des armes en Syrie et leur possible « dispersion » et « appropriation par des groupes et des individus incontrôlés« , appropriation qui pourrait entraîner « l’explosion d’une guerre civile« – que galamment ces choses-là sont dites, on voit que M. Leverrier a été diplomate !

Général versus colonel

Avec leur nouveau bureau militaire, les gens du CNS espèrent coordonner et resserrer les liens avec l’ASL, aussi bien son état-major que les bandes armées qui s’en réclament plus ou moins. Et là aussi, il y a urgence : en novembre et en janvier, des réunions au sommet entre le colonel Ryad al-Asaad, chef de l’ASL, et une délégation du CNS, n’avaient accouché que de résolutions non suivies d’effets. Et une mauvaise ambiance s’était installée entre les deux pôles de l’opposition radicale sous contrôle turco-occidental, au point qu’al-Asaad s’était risqué à des considérations désobligeantes sur les politiciens du CNS.

Cette tension s’est encore aggravée, indique Leverrier, quand est entré en scène, en janvier, un « défecteur » de plus haut rang que Ryad al-Asaad, le général Ahmed Moustapha al-Cheykh, un responsable de la section guerre chimique de l’armée syrienne, qui a expliqué sa défection par son écoeurement vis-à-vis du rôle répressif que le régime fait jouer à l’armée. Un écoeurement assez fort pour qu’al-Cheikh – qui nie carrément la présence de groupes armés en Syrie – préconise la création d’une zone militaire libre en Syrie, prélude au renversement du régime al-Assad par « une opération militaire spécifique visant directement la tête du pouvoir » pour reprendre les termes employés par Leverrier dans un précédent article.

Autant dire que le général al-Cheikh est un bon client pour le CNS. Mais pas pour l’ASL et Ryad al-Asaad qu’il vient d’essayer de doubler en créant une structure (vide) çà lui, le « Haut conseil militaire révolutionnaire de la libération de la Syrie« . L’annonce par Burhan Ghalioun, président du CNS, de la création d’un « bureau militaire consultatif » correspondrait au désir d’unifier sous son sigle toutes les « bonnes volontés » militaires de l’opposition.

Pacifistes contre bellicistes, bellicistes contre bellicistes

Le général opposant Hachem : à la retraite, mais maousse belliqueux !

Mais cette institutionnalisation de la lutte armée, note Leverrier, a suscité une levée de boucliers chez ceux qu’il appelle les « pacifistes » de l’opposition, qui refusent la logique de l’affrontement armé avec le régime : une des figures de proue de ce courant est Louay Hussein, qui a pris au mot le gouvernement syrien sur la libéralisation de la vie politique et a fondé en Syrie un nouveau parti d’opposition, le Courant pour l’édification de l’Etat (voir notre article « L’opposition légale continue de se structurer », mis en ligne le 14 septembre). Louay Hussein a qualifié la création du bureau militaire du CNS d’initiative « pousse au crime » : « Ceux qui appellent au meurtre comme l’autre partie (sous-entendu le régime syrien), a déclaré Hussein,  et participent de ce fait à la division de la société syrienne, se disqualifient d’eux-même pour tout dialogue et toute négociation« . Car la vraie ligne de clivage est là, au sein des opposants : il y a ceux qui veulent dialoguer avec le gouvernement et ceux qui veulent le renverser coûte que coûte.

Au rang de des derniers, outre le CNS et l’ASL, Leverrier compte un autre général dissident, à la retraite celui-là, Aql Hachem, devenu « conseiller militaire » (un de plus) du CNS. Or Hachem, dans un entretien accordé le 1er mars à la chaîne Barada TV – proche de l’opposition et bénéficiant d’un soutien financier américain -, pense au contraire que Burhan Ghalioun et ses collègues politiques sont trop timides de ce point de vue, et arguant du soutien militaire effectif qu’apporteraient déjà au régime la Russie, l’Iran, plus les factions pro-syriennes du Liban et de l’Irak, il se prononce pour un plan de guerre de l’ASL, qui aurait vocation à collaborer avec les militaires occidentaux en cas d’intervention. Hachem prétend d’ailleurs avoir « vendu » ce plan à Ghalioun et aux Frères musulmans. Sauf que, ce même 1er mars, notre général à la retraite mais très belliqueux s’est entendu dire par Ghalioun que, tout bien considéré, il ne convenait pas d’évoquer publiquement une « intervention militaire extérieure » : colère d’Aql Hachem qui claque la porte du CNS et de son « conseil militaire » et va immédiatement exhaler sa rancoeur sur les ondes de Barada TV, mettant en cause Burhan Ghalioun et ses amis du bureau exécutif du CNS qu’il accuse entre autres de n’avoir pas le courage d’assumer en public des décisions acceptées en privé.

Ghalioun bientôt remercié ?

Et Ignace Leverrier, grand partisan de l’ingérence internationale, est à peu près sur la même longueur d’ondes que l’irascible général Hachem : pour lui, le CNS et son président sont « au pied du mur« , et il devra clarifier sa position quant à l’option militaire. Pour Leverrier qui, au passage dit que le CNS est « dépourvu d’une véritable emprise » sur la rue syrienne (au fait, Juppé est-il au courant ?), il faut que l’opposition se dote de dirigeants « plus à même d’exprimer les attentes de ceux qui font la révolution« . Et il cite pas mal de noms de remplaçants possibles de Ghalioun. Dont le dernier en date est donc Haytham al Maleh, avocat octogénaire qui vient de claquer, lui aussi, rompu avec Ghalioun  créant, lui aussi, avec une vingtaine de « cadres supérieurs » du CNS, sa structure à lui, le « Groupe d’action nationale syrienne » (voir notre article « Une bonne nouvelle pour les vrais amis de la Syrie : le CNS vient d’éclater », mis en ligne le 29 février). Sauf qu’histoire de compliquer un peu plus les choses, al-Maleh et les siens entendent rester au CNS pour y animer une tendance oppositionnelle. Dont le principal cheval de bataille est l’unité d’action avec l’ASL, sans les réserves exprimées par Ghalioun et ses amis. Une position de fuite en avant militaire qui est aussi celle de Leverrier qui conclut son article en surlignant en bleu la phrase suivante : le soutien à l’ASL est « l’une des exigences majeures de la révolution et l’une des conditions de réussite du scénario des révolutionnaires« .

Bref, M. l’ambassadeur Ignace Leverrier, confortablement calé dans son blog du Monde, dénonce l’attentisme du CNS et exhorte, après le désastre de Bab Amr, toute l’opposition à se ranger sous l’étendard sanglant des bandes de l’ASL. Au moins c’est clair. S’il existe une haute décoration de l’OTAN Leverrier l’a bien méritée. Enfin, soyons positifs : son article confirme quel panier de crabes est le CNS – déjà rejeté par Haytham Manna et la Coordination nationale de l’opposition intérieure syrienne – et à quel point ses membres ont perdu prise, même sur leurs alliés. Il n’y a pas à dire, Juppé a fait un bon investissement politique

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