Le fiasco des barbouzes français à Homs.
février 6, 2012
La mort du journaliste français Gilles Jacquier, un article publié par
l’équipe de télévision russe par Boris V.
Alors que Paris accuse Damas d’avoir organisé l’assassinat du
journaliste de France-Télévisions Gilles Jacquier à Homs, Pierre
Tolstoï vient de présenter une toute autre version des faits lors
d’une émission spéciale de la première chaîne de télévision russe.
Selon l’enquête conduite sur place par son équipe, M. Jacquier
commandait sous couverture de presse une opération des services
secrets militaires français qui a tourné au fiasco. Les accusations
françaises ne sont qu’un moyen pour masquer la responsabilité de Paris
dans les actions terroristes entreprises pour déstabiliser la Syrie.
Nous reproduisons ici la traduction d’un article publié par l’équipe
de la télévision russe dans Komsomolkaya Pravda. – New Orient News
Le journaliste français Gilles Jacquier a été tué lors d’un reportage
à Homs, le mercredi 11 janvier. Il était venu couvrir les événements
en Syrie pour le magazine « Envoyé spécial. »
Persuadé qu’il n’y avait pas de groupes terroristes, mais une
révolution réprimée dans le sang, il avait refusé la protection des
services de sécurité et ne portait ni casque, ni gilet pare-balles.
Avec des collègues qui partageaient ses convictions, ils avaient loué
trois minibus et trouvé des fixeurs, c’est-à-dire des locaux capables
de les aider à se repérer, à prendre des rendez-vous, et leur servant
de traducteurs.
Tous ensemble avaient demandé à rencontrer des représentants alaouites
avant de se rendre dans les quartiers insurgés de Bab Amr et Bab Sbah.
Arrivés à l’hôtel As-Safir, ils avaient rencontré par hasard un
capitaine qui leur proposa de les accompagner avec son détachement
jusqu’au quartier alaouite de Najha où les attendait une assistante du
gouverneur de Homs.
Avec son aide, les journalistes purent rencontrer des personnalités et
interroger les passants. A 14h45, la représentante du gouverneur leur
avait demandé de quitter les lieux au plus vite, le cessez-le-feu de
facto prenant fin chaque jour à 15h précises.
Cependant, les journalistes de la radio télévision belge flamande
(VRT) s’étant aventurés plus loin chez des particuliers jusque dans le
quartier d’Akrama, le groupe fut lent à se mouvoir. Des membres de
l’association des victimes du terrorisme qui avaient prévu de
manifester devant un car affrété par le ministère de l’Information
pour une quarantaine de journalistes anglo-saxons, mais qui ne les
avaient pas trouvés, se sentirent utiles en scandant des slogans pour
le président Bachar à la vue de quelques caméras.
A 15h, comme chaque jour, la bataille d’Homs reprit. Un projectile
explosa sur la terrasse d’un immeuble, détruisant un réservoir de
mazout. Un second projectile tomba sur une école, puis un troisième
sur les manifestants pro-Assad, tuant deux d’entre eux. Les
journalistes montèrent sur la terrasse pour filmer les dégâts. Il y
eut une accalmie. Gilles Jacquier, pensa que les tirs étaient finis et
descendit avec son cadreur pour aller filmer les cadavres des
manifestants. Arrivé dans l’embrasure de la porte, il fut tué avec six
militants pro-Assad par une quatrième explosion qui le projeta sur sa
fixeuse qui le suivait. La jeune femme fut blessée aux jambes.
Dans la confusion générale, le mort et la blessée furent évacués dans
des voitures vers des hôpitaux. Ce seul incident fit 9 morts au total
et 25 blessés. La bataille de Homs se poursuivi avec de nombreux
autres incidents durant la soirée et la nuit.
Au premier abord, tout est clair : Gilles Jacquier est mort par
hasard. Il se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. Surtout
ses convictions sur la nature des événements en Syrie lui faisaient
croire qu’il ne devait craindre que les forces gouvernementales et
qu’il ne courrait aucun risque en dehors de manifestations
anti-régime. Il avait donc refusé une escorte, il n’avait pas pris de
casque et de gilet pare-balles, et il n’a pas respecté l’heure
fatidique de fin du cessez-le-feu. En définitive, il n’a pas su
évaluer la situation car il a été victime de l’écart entre la
propagande de ses collègues et la réalité qu’il niait.
Dans ces conditions, on ne comprend pas très bien pourquoi, après une
première réaction courtoise, la France, qui avait légitimement exigé
une enquête sur les circonstances de la mort de son ressortissant, a
subitement insinué que Gilles Jacquier avait été assassiné par les
Syriens et a refusé que l’autopsie ait lieu sur place en présence de
ses experts. Ces accusations ont été publiquement explicitées par un
des journalistes qui accompagnait Jacquier, Jacques Duplessy.
Pour la presse française, les faits ne sont pas si évidents qu’il y
paraît : un doute persiste sur l’identification des projectiles
mortels. Selon la plupart des reporters, il s’agissait de tirs de
mortiers. L’armée syrienne confirme que cette arme est quotidiennement
utilisée par les terroristes à Homs. Mais selon certains témoins,
c’était des roquettes tirées depuis un lance-roquette portatif, et la
télévision privée syrienne Ad-Dounia a montré des ailettes de
roquette. Des forums se passionnent sur ce sujet, non sans
arrières-pensées. En France, les anti-Assad croient au mortier et
accusent l’armée syrienne d’avoir tiré. Tandis que les pro-Assad
croient à la roquette et accusent les terroristes. En définitive, ce
détail ne prouve rien : certes l’armée syrienne utilise des mortiers,
mais pas de ce calibre, et les groupes armés utilisent des
lance-roquette, mais rien n’empêche chaque camp de varier son
armement.
Au demeurant, s’il s’agit de tirs de mortier, les deux premiers ont
permis d’ajuster le tir du troisième et du quatrième pour frapper les
manifestants qui étaient leur cible. Mais s’il s’agit de tirs de
roquette, il était possible de viser beaucoup précisément et de tuer
une personne en particulier. La thèse de l’assassinat devient
possible.
L’étude des images et des vidéos montre que les corps des victimes ne
sont pas ensanglantés et criblés d’éclats, comme lors de l’explosion
d’un obus qui se fragmente. Au contraire, ils sont intacts, le sang
coulant selon les cas par le nez ou les oreilles, comme lors de
l’explosion d’une roquette thermobarique dont le souffle comprime les
organes provoquant des hémorragies internes. De même, les points
d’impact sur le trottoir ne portent aucune trace de fragmentation.
Notez que certains témoins parlent, eux de grenades, ce qui ne fait
guère avancer notre compréhension puisqu’il existe des grenades à
souffle et des grenades à fragmentation. En définitive, seule
l’hypothèse de l’arme de souffle (RPG ou grenade) est compatible avec
les éléments médicaux-légaux visibles sur les photos et vidéos.
Accourus sur les lieux, des enquêteurs syriens et des observateurs de
la Ligue arabe ont retrouvé deux queues de mortier de 82mm et une
queue de roquette de fabrication israélienne.
Par conséquent, les autorités françaises ont raison d’étudier la
possibilité de l’assassinat même s’il s’agit pour elles de se saisir
d’un drame pour l’instrumenter et justifier leur ambition de guerre
contre la Syrie. Pourtant les diplomates français, s’ils ont pour
consigne de chercher la vérité, ont manifestement aussi pour consigne
de s’assurer que les Syriens ne la découvrent pas. Ainsi, ils ont
empêché toute personne francophone d’approcher la photographe Caroline
Poiron, compagne du journaliste Gilles Jacquier, qui veillait sa
dépouille toute la nuit. La jeune femme, en état de choc, ne
maîtrisait plus son comportement et aurait pu trop parler. Puis, ils
ont interdit l’autopsie sur place et ont rapatrié le corps au plus
vite. Quelle est donc l’hypothèse que la France veut vérifier pour
elle-même, mais cacher au grand public ?
Ici commence notre plongée dans le monde des services spéciaux
occidentaux qui conduisent en Syrie une « guerre de basse intensité »,
comparable à celles organisées dans les années 80 en Amérique centrale
ou plus récemment en Libye pour préparer et justifier l’intervention
de l’OTAN.
Gilles Jacquier était un reporter apprécié de ses confrères, et
récompensé par sa profession (Prix Albert Londres, Prix des
correspondants de guerre etc.). Mais il n’était pas que cela.…
Dans une lettre à en-tête de France-Télévisions, datée du 1er décembre
2011, les rédactrices en chef du magazine « Envoyé spécial »
–l’émission politique la plus regardée du pays– avaient sollicité un
visa du ministère syrien de l’Information. Prétendant vouloir vérifier
la version syrienne des événements selon laquelle « les soldats de
l’armée syrienne sont victimes d’embuscades et de groupes armés qui
sévissent dans le pays », elles demandèrent que Jacquier puisse suivre
le quotidien des soldats de la 4e division blindée commandée par le
général Maher el-Assad (frère du président) et de la 18e division
blindée, commandée par le général Wajih Mahmud. Les autorités syrienne
furent surprises par l’arrogance des Français : d’une main, ils
encadrent les groupes armés qui attaquent les troupes loyalistes, de
l’autre ils entendaient infiltrer un agent de renseignement militaire
dans leurs troupes pour informer les groupes armés de leurs
déplacements. Il ne fut pas donné suite à cette demande.
Aussi, Gilles Jacquier tenta t-il une autre voie. Il sollicita
l’entremise d’une religieuse grecque-catholique au franc-parler,
estimée et parfois redoutée par le pouvoir, Mère Agnès-Mariam de la
Croix, higoumène du monastère Saint-Jacques de l’Intercis. Elle avait
organisé le premier voyage de presse ouvert aux journalistes
occidentaux depuis le début des événements afin de montrer le soutien
patriotique des Syriens chrétiens à l’administration Assad, et leur
crainte de voir les Occidentaux placer au pouvoir des fanatiques
takfiristes. La célèbre religieuse, qui dispose d’une double
nationalité, espéra que la presse française agirait
professionnellement et favoriserait la réconciliation nationale. Elle
fit donc le siège du ministère de l’Information jusqu’à obtention d’un
visa pour Jacquier et son cadreur.
Les choses s’accélérèrent le 20 décembre, d’autres médias prièrent
Mère Agnès-Mariam de leur obtenir la même faveur. Gilles Jacquier,
quant à lui, sollicita un autre visa pour sa compagne, la photographe
Caroline Poiron, et pour la reporter Flore Olive, représentant toutes
deux Paris-Match. Ce devait être au total un groupe de 15 journalistes
français, belges, néerlandais et suisses. Selon toute vraisemblance,
les Français et le Néerlandais étaient pour la plupart, voire tous,
des agents de la DGSE. Le temps pressait pour leur mission.
Ici un petit retour en arrière est indispensable.
Pour affaiblir la Syrie, les groupes armés par l’OTAN entreprennent
diverses actions de sabotage. Bien que le centre historique de la
rébellion des Frères musulmans soit Hama, et que seuls deux quartiers
de Homs les soutiennent, l’OTAN à choisi cette ville pour concentrer
ses actions secrètes. En effet, elle est au centre du pays et
constitue le principal nœud de communication et d’approvisionnement.
Successivement, des « révolutionnaires » ont coupé le pipe-line, puis
les ingénieurs canadiens qui dirigeaient la centrale électrique ont
été rapatriés à la demande des Etats-Unis. Enfin, cinq ingénieurs
iraniens chargé de faire re-fonctionner la centrale ont été enlevés,
le 20 décembre 2011.
Des médias ont reçu une revendication d’une mystérieuse brigade contre
l’expansion chiite en Syrie. Puis, l’ambassade a confirmé avoir débuté
une négociation avec les preneurs d’otages. Restaient à ceux-ci à
transmettre une « preuve de vie », par exemple une photographie
datable des otages en bonne santé.
Contre toute attente, celle-ci ne fut pas envoyée directement à la
République islamique, mais publiée par Paris-Match (édition du 5
janvier). Un photographe du magazine, disait-on, avait pu entrer
secrètement en Syrie et réaliser ce cliché. Peut-être les lecteurs
français se sont demandés si ce reporter était bien humain pour
prendre des photos d’otages sans leur venir en aide. Peu importe, le
message était clair : les ingénieurs sont en vie et les preneurs
d’otages sont contrôlés par les services français. Aucune réaction
officielle, ni d’un côté, ni de l’autre. C’est donc que les
négociations se poursuivent.
Arrivés à Damas, les médias français et néerlandais furent logés par
les autorités dans des hôtels différents, mais Jacquier les regroupa
immédiatement au Fardos Tower Hotel. Le manager de cet établissement
n’est autre que Roula Rikbi, la soeur de Bassma Kodmani, porte-parole
du Conseil national basé à Paris. L’hôtel sert de cache aux services
secrets français.
En résumé, un agent de renseignement militaire, ayant pour compagne
une photographe dont une collègue a pu entrer en contact avec les
otages, a formé un groupe de « journalistes » ayant une mission liée à
ces otages, probablement leur remise par des Français à des Iraniens.
Ils se sont rendus à Homs après s’être débarrassés des services de
sécurité, mais le chef de mission a été tué avant de pouvoir établir
le contact prévu.
On comprend que, dans ces conditions, l’ambassadeur de France soit
devenu nerveux. Il était en droit d’envisager que Gilles Jacquier ait
été assassiné par des membres des groupes armés, inquiets de la
dislocation de l’alliance militaire France-Turquie, et
jusqu’au-boutistes d’une guerre de l’OTAN. Hostiles à la négociation
en cours, ils auraient fait capoter sa conclusion.
L’ambassadeur de France, qui n’avait pas le temps de reconstituer les
événements, s’appliqua donc à empêcher les Syriens de le faire.
Contrairement aux normes internationales, il refusa que l’autopsie
soit réalisée sur place en présence d’experts français. Les Syriens
acceptèrent de déroger à la règle à la condition de réaliser une
radiographie. En réalité, ils en profitèrent pour photographier le
cadavre sous tous les angles. Selon nos informations, le corps porte
la trace d’éclats à la poitrine et de coupures sur le front.
Puis, l’ambassadeur prit dans ses voitures blindées les « journalistes
» français et le néerlandais, et la dépouille du défunt. Il partit
avec eux accompagné d’une lourde escorte, laissant sur le carreau la
Mère supérieure stupéfaite et un journaliste de l’Agence France Presse
: le diplomate pressé avait récupéré ses agents et abandonné les
civils. Le convoi passa récupérer les effets personnels de chacun à
l’hôtel As-Safir de Homs, puis rejoignit l’ambassade à Damas. Le plus
vite possible, il arriva à l’aéroport d’où un avion spécial affrété
par le ministère français de la Défense évacua les agents vers
l’aéroport de Paris-Le Bourget.
Les barbouzes ne feignaient plus de réaliser des reportages en Syrie,
ils oubliaient avoir obtenu un allongement de leur visa, ils fuyaient
juste avant que les Syriens ne découvrent le pot aux roses de cette
opération ratée.
Arrivé à Paris, le corps fut immédiatement transféré à l’institut
médico-légal et autopsié avant l’arrivée d’experts mandatés par la
Syrie. En violant les procédures pénales, le gouvernement français a
invalidé le rapport d’autopsie, qui sera tôt ou tard rejeté par la
Justice, et a définitivement écarté la possibilité d’établir la
vérité.
Afin d’empêcher les journalistes français (les vrais) de mettre leur
nez dans cette affaire, les journalistes (les faux) qui accompagnaient
Jacquier ont, une fois revenus en France, multiplié les déclarations
contradictoires, mentant de manière éhontée pour créer de la confusion
et noyer le poisson. Ainsi, bien que 8 manifestants pro-Assad aient
été tués, Jacques Duplessis dénonce « un guet-apens tendu par les
autorités syriennes » pour l’éliminer avec ses confrères. Vérification
faite, M. Duplessy a longuement travaillé pour une ONG réputée avoir
servie de paravent …à la DGSE.
Pour les Iraniens et les Syriens, la mort de Jacquier est une
catastrophe. En laissant circuler le groupe d’espions français et en
le surveillant discrètement, ils espéraient bien remonter aux
ravisseurs et, à la fois, libérer les otages et arrêter les criminels.
Depuis un an, les services secrets militaires français sont placés au
service de l’impérialisme états-unien. Ils ont organisé un début de
guerre civile en Côte d’Ivoire. Par la suite, ils ont manipulé le
séparatisme de la Cyrénaïque pour faire croire à une révolution
anti-Kadhafi et s’emparer de la Libye. Maintenant, ils encadrent des
repris de justice recrutés par le Qatar et l’Arabie saoudite pour
semer la terreur, accuser le gouvernement syrien et menacer de venir
le changer.
Il n’est pas sûr que le peuple français apprécierait de savoir que
Nicolas Sarkozy a rabaissé son pays au niveau d’un vulgaire preneur
d’otages. Et il ne faudra pas s’étonner si un Etat qui pratique le
terrorisme chez les autres doive un jour le confronter sur son sol.
Par Boris V. – 16 janvier 2012
Article publié par l’équipe de télévision russe dans Komsomolkaya Pravda
publiés par Mondialisation.ca